Reactions de Jean-Jacques Ekindi, John Fru Ndi, Théophile Yimgaing Moyo, Anicet Ekane..., suite au remaniement ministériel orchestré par le président Paul Biya.
Par Jean Baptiste Ketchateng
John Fru Ndi, président du Sdf:
"Il y a un repris de justice dans le nouveau gouvernement"
Comment le Chairman du Sdf a-t-il accueilli la nouvelle du remaniement gouvernemental?
Je viens d’apprendre qu’il y a un changement dans l’équipe gouvernementale. Je ne connais pas grand monde parmi les nouveaux membres de ce gouvernement. Cependant, parmi les trois ministres que je connais, il y en a un qui est particulier parce que c’est un repris de justice.
Qui est-ce?
Il s’agit de Paul Atanga Nji. On l’a en effet extrait de la prison de New-Bell [à Douala], pour combattre le Sdf lorsqu’il a été lancé en 1990. Il est parmi les hommes qui ont reçu beaucoup d’argent pour détruire notre parti dans le Nord-Ouest. Récemment encore, il a défrayé la chronique durant les élections législatives et municipales à cause de questions de mœurs. C’est un personnage irresponsable. Je ne sais pas si Monsieur Biya se renseigne sur la moralité de ses ministres avant de les désigner comme tels. Par ailleurs, comme je l’ai annoncé durant les conférences de presse que j’ai récemment données, le Sdf n’est pas entré au gouvernement et je suis satisfait de la discipline des militants à ce sujet.
Jean-Jacques Ekindi,
Coordonnateur général du Mouvement progressiste, député du Wouri-Centre:
"Les difficultés économiques des Camerounais vont perdurer"
M. Ekindi, nouveau député du MP, est assurément au courant de la nomination de nouveaux ministres et assimilés.
Je suis (la nomination des nouveaux membres du gouvernement) avec beaucoup de recul comme beaucoup de Camerounais. Je pense que le président Biya n’a pas voulu en faire une affaire nationale. Quand on met ces nominations en perspective avec son discours d’après les élections législatives, l’on est bien obligé de constater qu’il n’y a pas de continuité, puisqu’il a dit que même les perdants ne devraient pas se sentir exclus. On voit bien pourtant que MM Kodock et Dakolé sont sortis. Ce gouvernement ne change donc rien à la donne politique.
Certains s’attendaient d’ailleurs à ce que vous y rentriez…
Que je sois entré dans cette équipe gouvernementale aurait indiqué à tous les Camerounais qu’il y a eu une inflexion. Mais quand on regarde sa configuration, on peut dire que le président Biya n’en veut pas. C’est donc comme un "business as usual" (gestion selon la tradition d’un problème). Que ce soit Polycarpe Abah Abah ou Essimi Menye qui dirige le Minefi (ministère de l’Economie et des Finances), ça ne change rien. En ce moment, nous recevons la mission conjointe du Fmi et de la Banque mondiale, qui va certainement décider des réaménagements budgétaires alors que nous [élus du peuple] n’avons pas été consultés pour répondre aux attentes économiques du pays. On aura certainement des difficultés. […]
Théophile Yimgaing Moyo,
secrétaire national à la communication de l’Udc:
"Ce gouvernement ne pourra changer grand chose"
Quelle est la réaction que le cadre de l’Udc que vous êtes a eue en apprenant la nouvelle du remaniement?
Le nouveau gouvernement se situe en droite ligne d’une logique : c’est un gouvernement de fermeture, puisqu’on prend pratiquement les mêmes et on recommence.
Vouliez-vous donc y entrer?
L’Udc est un parti de l’opposition. Nous avons toujours assumé notre rôle de parti d’opposition et de proposition. Cela nous convient. Nous pensons qu’il n’est pas nécessaire d’être au gouvernement pour participer à la vie de la Nation. Nous avons notre programme et nous nous battons pour un jour accéder au pouvoir. Le Rdpc également a son programme, sa vision politique qui, jusqu’à présent, n’est pas la nôtre. Pour être tout à fait honnête, ce gouvernement ne pourra rien changer, sinon pas grand-chose. Même si on note le départ de certaines personnalités qui n’étaient plus en odeur de sainteté aux yeux de la population, il faut bien rappeler que ceux qui arrivent sont pour la plupart leurs adjoints. Bien entendu, nous ne voulons pas faire de procès d’intention. Nous disons simplement wait and see.
Anicet Ekane, président du Manidem:
"Le contraire nous aurait surpris"
Le nouveau gouvernement vous suggère certainement quelques réflexions?
Bien sûr qu’il nous fait dire ce que nous rappelons tous les jours. En somme, la montagne a accouché d’une souris. J’ai le sentiment que le régime est véritablement coincé. En ce sens qu’il n’y a aucune légitimité dans ce réaménagement, sauf à noter que quelques pontes du système ont été éliminés du cercle. Quand on se souvient en effet du discours de Paul Biya le 14 août dernier, il faut souligner qu’il avait parlé de sa volonté d’ouvrir l’équipe gouvernementale. Or, ouvrir ce serait, de notre point de vue, donner d’autres perspectives à la gestion du pays, ouvrir d’autres pistes politiques. Ce serait par exemple définir une orientation nouvelle de l’économie. Cela ne s’est pas fait. Par contre, l’on voit bien que ce sont les mêmes personnes qui tournent autour des postes qu’ils échangent entre eux. Quand on écoute les noms, on n’a même pas l’impression d’avoir quelque chose de neuf.
Une nouvelle vision économique vous aurait-elle décidé à rejoindre cette équipe?
Nous avions déjà dit que nous ne sommes pas intéressés. Nous ne sommes pas surpris, dès lors, de la composition du gouvernement. Cela ne nous empêche pas de reconnaître qu’il y a des personnalités pleines de compétences qui arrivent dans cette équipe gouvernementale. La compétence n’a jamais été le problème du Cameroun. Cependant, dire qu’on est déçu serait surprenant. On peut simplement s’étonner de tout le ramdam (autour de l’ouverture). La question qui se pose est plutôt de savoir ce qu’on fait des compétences. Est-ce que le pays va s’engager sur une nouvelle voie? Ou alors va-t-on continuer à se soucier de payer d’abord le Fmi, au détriment des préoccupations quotidiennes des Camerounais qui ploient sous le joug de la vie dure.