"Je ne pouvais pas mieux tomber ! " Dans un élan de joie, une jeune femme sort prestement sa bonbonne de la malle arrière d’un taxi. Sans se préoccuper du rang devant la grille du dépôt, elle se plante d’autorité aux premières loges, accompagnée par un flot d’injures… L’ambiance est électrique. Depuis une dizaine de minutes, un camion semi-remorque est arrivé, chargé. Il n’en fallait pas plus pour " réveiller " tous les clients à l’affût, certains depuis plus d’une semaine. Nous sommes au dépôt SCTM de Mvan, l’un des plus grands de Yaoundé.
Toutes ces scènes se déroulent ce mercredi aux environs de 11h. Dans la cour de l’établissement, des ouvriers s’affairent à transborder les bouteilles de gaz de la semi-remorque à un autre camion ; celui d’un grossiste. Le responsable des lieux explique que son établissement vend prioritairement en gros. Mais exceptionnellement aujourd’hui, les ménagères et autres clients seront servis individuellement, dans deux points de vente en détail, de part et d’autre du mur d’enceinte de l’entrepôt.
Nouvelle lueur d’espoir dans la foule grossissante. Au téléphone arabe, relayé par portables, la nouvelle se répand. A moto, en taxi ou transportant leurs bonbonnes dans des porte-tout ou à bras le corps, de nouveaux arrivants en ajoutent à la houle humaine qui, très vite, commence à empiéter sur la chaussée. Deux cents, ou un peu plus, difficile à déterminer le nombre de ces " affamés " d’une autre espèce, qui brûlent visiblement d’impatience.
Dans un concert de klaxons, une rumeur commence à se propager. Il n’y en aura peut-être pas pour tout le monde… Nous apprenons en effet du livreur venu de Douala que sa cargaison ne compte qu’environ 9 000 bouteilles. A peine le quart de la capacité normale de l’entrepôt. C’est du moins ce que nous apprend le directeur, qui affirme qu’en temps ordinaire, son établissement reçoit quatre camions, pour 3 500 bouteilles par jour. A l’analyse du déficit actuel, le responsable affirme sans ciller que la pénurie actuelle est sévère. Ceci, malgré les efforts des autorités du ministère de l’Energie et de l’Eau et de la Caisse de stabilisation des prix des hydrocarbures.
Il croit savoir que des mesures ont été prises, pour endiguer la crise. Il aurait notamment été question de recourir aux importations. En attendant que celles-ci ravitaillent le marché, dans des quartiers comme Biteng, Damase, Etoug-Ebe et d’autres zones éloignées du centre-ville, la situation frise parfois le dramatique. Bien qu’à la SCTM, on annonce de nouveaux arrivages d’ici demain. Entre temps, dans la foule, on se ronge quelque peu le frein.
Le portail est toujours fermé, bien surveillé par des vigiles. Et puis, le bruit d’une accélération à l’intérieur. Le camion du grossiste. Remue-ménage dans la main courante. Chacun regagne sa place. Le portail s’ouvre. Le camion sort dans un nuage de fumée. La grille se referme… Il faudra encore attendre, dans la résignation. Dans tous les cas, lorsqu’on a supporté des jours entiers, que représente une heure ou deux de plus.
Source: Cameroon Tribune
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