Une affaire de discrimination raciste dont a été victime Thierry Badjeck, un métis d’origine camerounaise par sa mère et française par son père, secoue actuellement la France. Licencié abusivement en compagnie de ses collègues (Blancs) de nationalité française (Mlle Pascale Pouillon et MM Didier Canizares et Thierry Schaffuser) en juin 2006, Thierry Badjeck a, le 5 juillet dernier, remporté la bataille juridique face à son employeur Aéroports de Paris (Adp).
Ce dernier a été condamné en référé, par la 18ème chambre sociale de la cour d’appel de Paris, pour avoir violé les règles du Code du travail prohibant les discriminations racistes en même temps que le statut protecteur reconnu aux victimes et aux témoins qui dénoncent de tels faits devant les juridictions. La cour d’appel a ordonné la remise en état à l’encontre d’Adp, soit l’anéantissement des licenciements et donc, la réintégration des quatre salariés.
Un arrêt exécutoire sous quinzaine à peine d’astreinte journalière. “ Mon employeur m’a convoqué pour vendredi 7 septembre ; pas à mon poste de travail, mais au siège. Je m’y rendrai, pour voir ce qu’on me dira. Toujours est-il que l’astreinte journalière court depuis quelques semaines ”, confie Thierry Badjeck.
Tout commence en 2005. Adp annonce le pourvoi d’un poste de cadre en renforcement de l’effectif de son agence signalétique. Thierry Badjeck, quatre ans d’ancienneté, occupe déjà le poste.
Il s’agit juste d’une simple requalification de ses missions auxquelles on rajoute le statut de cadre. Mais, la direction fait savoir explicitement aux collaborateurs de l’agence que “ le poste n’est pas pour Thierry Badjeck ”. Contrairement au Manuel de gestion du personnel d’Adp qui prescrit de solliciter en priorité les compétences internes, le chef de division, Fabienne Choquet, choisit de recourir à un agent intérimaire.
Le poste est affiché en interne le 13 mai 2005 alors que le 28 avril 2005 déjà, l’intérimaire, Amel Ounadi (une Française d’origine algérienne), passait un entretien d’embauche. Thierry Badjeck postule tout de même. Le 12 juillet 2005, il est reçu par le responsable qui lui explique que ce n’est pas un poste pour lui, tout en se préoccupant étrangement de ses origines ! “ Lequel de vos deux parents est Blanc ? ” lui demande le chef de division.
Poste interdit aux Blacks !
Thierry Schaffuser demande des explications au responsable de l’agence afin de comprendre pourquoi Badjeck ne peut a priori prétendre au poste alors qu’il a le profil et les compétences, et qu’il remplit déjà les missions décrites par le poste. Réponse : “ Non, ce n’est pas pour les Blacks ! ”. Pascale Pouillon se laisse dire que Badjeck n’a pas le “ bon profil ” pour représenter Adp à l’extérieur. Le bouquet est atteint lors de l’envoi des lettres de licenciement.
Un responsable de la direction s’acquitte, sur ses deniers, des timbres de collection pour le seul plaisir discret d’envoyer des messages aux quatre salariés : les trois Blancs reçoivent Spirou dont il faut rappeler qu’il est “ groom ”, et Thierry Badjeck, seul Noir, reçoit un timbre relatif à l’esclavage. Avant leur licenciement, les quatre salariés ne se sont pas laissés faire. Ils se sont mobilisés, ont alerté les syndicats, avant d’être harcelés par tous les moyens.
La victime de cette infâme discrimination, Thierry Badjeck, et ses collègues solidaires, Pascale Pouillon, Thierry Schaffuser et Didier Canizares avec respectivement 15,18 et 19 ans d’ancienneté, subissent d’importantes pressions psychologiques.
La direction propose à Thierry Badjeck de quitter la société avec un chèque et que ses collègues Blancs soient, eux, reclassés dans une autre direction. Refus net des quatre. Le 10 janvier 2006, suite à une altercation impliquant D’Avigneau le responsable Rh et Thierry Badjeck (celui-ci ne répond pas à l’attaque), ce dernier est évacué par le Samu et est mis en arrêt maladie.
Le lendemain, 11 janvier, c’est au tour de Didier Canizares d’être expulsé sans ménagement d’une réunion les concernant. Le 12 janvier 2006, les quatre exercent leur droit de retrait d’un contexte de travail devenu dangereux et pathogène. Malgré diverses sollicitations, l’employeur ne souscrit à aucune de ses obligations relatives au droit de retrait. L’inspection du travail informée laisse faire. La décision de licenciement est prise pour “ exercice abusif du droit de retrait ”.
Le Prud’hommes de Paris est saisi. Après diverses manoeuvres dilatoires de l’employeur, les conseillers prud’homaux ne se mettent pas d’accord sur la décision à prendre. Thierry Badjeck constate le mauvais jeu de son avocat, Me Béatrice Cohen-Zauberman qui communique d’importantes pièces à Adp. Cet avocat est dénoncé au conseil de l’ordre. Le bâtonnier, Me Repiquet (petit-fils de Repiquet qui fût gouverneur du Cameroun), ne réagit pas.
L’affaire contre l’avocat est portée en justice et, la sentence est attendue.
Par la suite, Thierry Badjeck interjette appel de l’ordonnance de référé l’ayant débouté de sa requête en réintégration. L’arrêt rendu le 5 juillet dernier est la suite donnée à cet appel.
Source: Le Messager
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