Difficile, en cette mi-journée, de se déplacer dans ce quartier dévasté par les eaux en furie du Mayo Louti. La boue et les troncs d’arbres ont envahi ce qui servait de piste pour desservir la localité jusqu’à jeudi dernier. Bien plus, le radier (petit pont en béton posé à même le lit du fleuve) qui desservait la ville est hors d’usage.
L’essentiel des puits est hors d’usage, les eaux ayant surplombé les ouvrages. D’où la menace réelle d’une épidémie, si on en croit les responsables locaux du district de Santé de Mokolo. Ambiance somme toute identique à Wakili, un autre quartier de Mokolo. Ici, ce sont les ruines des habitations qui sont visibles aux abords du cours d’eau qui ruisselle. Les plantations dévastées sont observables, le long du Mayo.
Yerima Baba Djika, un riverain dit avoir tout perdu au cours de l’inondation de jeudi dernier. "Ma maison a été emportée par les eaux ainsi que mon champ de mil rouge qui me permettait d’avoir cinq à six sacs de mil par an. Je ne sais pas comment je dois procéder pour faire face au reste de l’année, puisqu’il n’est plus possible de semer en ce moment."
A côté des plantations de Yerima Baba, la résidence détruite d’un agent de la société Camtel s’offre au visiteur. Les pans du mur se sont affaissés et les personnes massées autour des débris de cette maison confient que tout le matériel mobilier et de nombreux documents ont été emportés. Non loin de là, Oumarou Haman, Inspecteur de police en service à Kousseri, est en larmes. "J’ai perdu des moquettes, des tapis, des documents et de nombreux biens ; mais surtout des pans entiers des cases de la maison familiale. De mémoire, cela fait longtemps qu’on n’avait pas vu pareille averse orageuse à Mokolo."
Ce d’autant que, des canalisations de la Snec ont été détruites. De même que de nombreux poteaux de transport des lignes téléphonique et électrique.
Disparus
Selon des témoignages concordants recueillis auprès des populations, on recense plusieurs il y aurait eu des disparitions. C’est le cas notamment d’une dame qui essayait de s’accrocher à un tronc d’arbre au niveau de Sari Fada, alors que les eaux l’emportaient. On évoque aussi, le cas d’un petit enfant qui aurait été aperçu sur les eaux, déjà mort.
Des cas que les autorités administratives et municipales se refusent cependant d’évoquer. Pour Damien Zokom, le maire réélu de Mokolo, "Les deux cas ont été signalés par les populations, mais on ne retrouve pas sur le terrain, leurs familles d’attache." Bouba Tchouvaka, un riverain, estime que les personnes disparues auraient été emportées au niveau de localités situées en amont de la ville et d’où sont parties les eaux. Mais le Préfet du Mayo Tsanaga, Mamadou Balla affirme, au regard des rapports qui lui sont parvenus, que six personnes sont déclarées disparues au cours de cette inondation. Les corps n’ont pas encore été retrouvés, mais les recherches sont en cours.
Les eaux ont en effet surpris les populations de l’arrondissement de Mokolo jeudi dernier. Ce n’est qu’aux environs de 16h, qu’une pluie "assez légère", à en croire les populations, est venue mettre un terme au beau temps qui a rythmé ce 2 août 2007. Selon Bouba Moumini, éleveur au quartier Pont Douane, "Près d’une heure après la pluie, le niveau de l’eau du Mayo Louti a commencé à augmenter.
Le courant était assez fort et par la suite les dégâts ont commencé. Les gens ont eu le temps de s’enfuir, de retirer les choses essentielles." Mais, il est vrai que des pluies diluviennes se sont abattues sur les localités de Mavoumay et Wandaï, situés en amont, dans les montagnes. Les eaux se sont accumulées et se sont déversées dans le Mayo Louti.
Informé de la situation, une cellule de crise mise sur pied par le Préfet Mamadou Balla est descendue sur le terrain et a identifié des sites de recasement des populations sinistrées estimées à environ un millier de personnes.
Lesquelles ont boudé la permanence du parti au pouvoir et les salles de classe aménagées par la municipalité, préférant jouer la carte de la solidarité africaine en se réfugiant chez des proches et dans des habitations épargnées par la catastrophe. La commune de Mokolo aurait également débloqué cinq millions de Fcfa en vue de la mobilisation de l’aide d’urgence à apporter aux populations, qui font déjà face à de nombreux problèmes dont celui de la famine. Du fait des greniers entièrement emportés.
Le bétail, lui, n’a pas résisté à la furie des eaux. La commission d’évaluation des dégâts matériels et humains, qui a été mise sur pied en urgence, doit pouvoir rendre son rapport dans les jours qui viennent. Reste que les populations, au-delà des visites circonstancielles, attendent d’avoir un réconfort conséquent du gouvernement.
Source: Quotidien Mutations
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