Passagers du véhicule taxi de marque Toyota Corolla immatriculé Lt 4010 T, Mohamadou Abbo et Mbole épouse Silimana Marie ne sont pas arrivés à destination hier, lundi 30 juillet. Assis sur la banquette arrière de cette voiture, ils ont dramatiquement trouvé la mort vers 17 heures. Ils ont été écrasés par deux containers de quarante pieds (vingt pieds pour chacun) chargés de marchandises, près du lieu-dit “ Gazon ” au marché central de Douala.
Déposée à cet endroit vers 9 heures par un tracteur (celui-ci, selon des témoignages recueillis auprès des commerçants, appartiendrait à la société Delmas), la remorque transportant les deux containers (de la mort) sous références Ecmu 168338 et Cgmu 218137 a perdu l’équilibre suite à l’enfoncement de l’une de ses béquilles dans la chaussée détériorée.
Suite à cette perte d’équilibre, la remorque se renverse. Les deux containers achèvent leur chute sur un taxi, une moto (ben skin) et un porte-tout (pousse-pousse) de passage. Voyant venir la chute des containers, le chauffeur de taxi ouvre rapidement sa portière et s’enfuit, laissant derrière lui ses deux passagers assis sur la banquette arrière. La position de Mohamadou Abbo – le pied gauche coincé par la portière – assis juste derrière le conducteur, démontre qu’il aurait aussi voulu se sauver.
Le conducteur de la moto (benskineur) et le pousseur parviennent aussi à se sauver. “ Mon frère Ibrahim, conducteur de la moto, revient de très loin. Il est en train d’être remonté en famille, à la maison ”, déclare Yap Idrissou, propriétaire de la moto devenue irrécupérable.
Colère des commerçants
Sur les lieux du drame, le spectacle est effroyable. Policiers, gendarmes, militaires, sapeurs pompiers et gardiens de prison essayent tant bien que mal de contenir l’immense foule curieuse. Les opérations de dégagement des engins accidentés se déroulent. Nul ne sait encore combien de personnes se trouvent dans le taxi. Il faut se coucher sur la chaussée pour voir, à travers des lueurs, des parties d’êtres humains. Très sollicité par tous, Emmanuel Fai (22 ans), le “pousseur” qui s’est sauvé de justesse en laissant son “pousse-pousse” et sa cargaison sous les deux containers, tremble de tout son corps.
“ Je venais du côté du lycée de New Bell, avec ces sacs de maïs. J’ai entendu des bruits venant de ma gauche, des gens qui criaient. J’ai jeté un coup d’œil et ai vu comment les deux containers se renversaient. J’ai alors abandonné mon “pousse-pousse” chargé des cinq sacs de maïs, pour m’enfuir ”, raconte Emmanuel Fai.
Après cet accident mortel, nombre de commerçants exerçant au marché central de Douala ont délié leurs langues, pour pointer un doigt accusateur sur le concessionnaire, Tser.
“ Il y avait un endroit prévu ici au marché central, pour le déchargement des containers et autres camions. Mais, le concessionnaire l’a mis en location à plusieurs petits commerçants. On est donc obligé de décharger les marchandises en pleine chaussée. Avec tous les risques que cela comporte, comme cet accident mortel ”, se plaignent-ils. Ils pensent que la mauvaise qualité de la chaussée et la béquille cassée après s’être enfoncée dans le sol sont aussi à l’origine de ce drame. “ Le fait que la béquille soit cassée est une erreur technique du transporteur. Nous payons différentes taxes ici au marché, mais les routes sont toutes détériorées, d’où l’enfoncement facile de la béquille dans la chaussée ”, dénonce Diderot Fone, délégué des commerçants du marché central de Douala.
Après plus d’une heure d’attente, un Caterpilar (porte grumes) réquisitionné par les forces de l’ordre déplace les deux containers. Ceci permet aux éléments de la compagnie des sapeurs pompiers de Ngodi, conduits par leur commandant, le lieutenant-colonel Owono Nlend, de scier le taxi pour sortir les corps de Mohamadou Abbo et Mbole épouse Silimana Marie. Mis chacun dans une house, les deux corps ont été conduits à la morgue de l’hôpital Laquintinie au moment où nous allions sous presse dans la soirée d’hier.
Degré zéro dans la gestion de l’accident
Le drame survenu en fin d’après midi hier, lundi 30 juillet, près du lieu-dit “ gazon ” au marché central de Douala, a une fois de plus étalé au grand jour le laxisme des autorités camerounaises dans la gestion des catastrophes et autres situations de crise. Arrivés sur les lieux quelque temps après le déroulement de l’accident aux environs de 17 heures, nombre de hauts gradés de la police, de la gendarmerie et de l’armée ont passé plusieurs minutes à échanger sur les circonstances du drame. Les premiers éléments de secours – de volumineux fils barbelés apportés par les sapeurs pompiers, pour tirer les deux containers – sont visibles près d’une heure après le drame.
Pendant que les sapeurs pompiers s’activent – un d’eux, au moment de séparer la remorque des containers, glisse et se blesse – à mettre en exécution leur plan, le caterpilar, appartenant à une société privée, arrive. Il est 18 heures 15 minutes. Pour un drame survenu aux environs de 17 heures, ce n’est pas du tout tôt. Est-ce à dire que les pouvoirs publics et autres structures publiques de gestion des catastrophes à Douala n’ont pas de matériels adéquats pour ce type de situation ?
Autre curiosité : aucune autorité administrative de la province, du département ou de la Communauté urbaine de Douala (Cud) n’était, jusqu’au moment où nous partions, arrivée sur les lieux pour s’enquérir de la situation.
Source: Le Messager
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