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Les enseignants trichent
(26/05/2007)
Faisant suite aux plaintes récurrentes des étudiants sur la couverture partielle et disproportionnée des enseignements dans nos universités, il nous a paru opportun, malgré la modicité des moyens, d’essayer ce qui se fait déjà sous d’autres cieux.
Par Le Messager

Enseignants absentéistes

A savoir : Evaluer nos enseignants, à partir d’un élément d’appréciation comme la couverture effective des programmes d’enseignements. Une évaluation qui ne prend en compte que le seul critère du respect de la réglementation concernant la transmission des connaissances et l’évaluation subséquente. A ce sujet, la norme recommande que l’évaluation des étudiants ne puisse être envisagée qu’à partir de 80% de couverture du programme d’enseignement d’une U.V. donnée.

C’est ainsi que sur la base d’un questionnaire semi-structuré, minutieusement confectionné et soumis à l’attention des étudiants des différents niveaux et filières des établissements des universités de Yaoundé I et de Yaoundé II, une enquête portant sur l’évaluation de la couverture des enseignements du premier semestre de l’année académique 2006/2007, a été organisée par l’Addec. Elle visait à inventorier et analyser les insuffisances et les manquements dans ce domaine.

La méthodologie quant à elle prévoyait que cinq à dix exemplaires soient remis par filière selon la densité des effectifs pour recueillir les données et plus tard les traiter avant de les analyser. Sur les trois cents copies des questionnaires distribuées dans les filières deux cents ont été réservées à l’Université de Yaoundé I et le reste à celle de Soa. La moyenne des pourcentages recueillis (selon le nombre d’étudiants ayant rempli les questionnaires par unité de valeur) était retenue pour trouver le pourcentage définitif consigné dans le “ Tableau Synoptique ” ci-dessous.

Formations au rabais

L’échantillon que nous proposons ci-dessus met à nu la réalité qui est celle du quotidien des deux universités d’Etat de la capitale. Les niveaux de couverture – très bas – des enseignements qu’il révèle sont symptomatiques du malaise et du caractère déficient de la formation dans nos universités.

Notre vœu le plus cher est assurément que cette modeste étude ouvre la porte à une réflexion plus rigoureuse et pointue qui analyserait le problème plus en profondeur. Car c’est à la fois la qualité de la formation, la validité des diplômes décernés, le rôle de l’université et l’avenir de la nation qui sont en question.

Les données recueillies nous permettent de constater que la mauvaise transmission des connaissances, qui apparaît ici comme un fléau endémique, prend plusieurs formes. Nous nous proposons d’en inventorier les plus significatives :
D’après les indications de notre tableau, les enseignants les plus assidus sont ceux qui ont couvert 50 à 75% des enseignements. Un taux malheureusement toujours en deçà des 80% demandés par le ministère de tutelle et l’UNESCO.

Il faut pourtant souligner que les moins mauvais au classement doivent leur pourcentage à des “ suppléants ”, choisis au gré de considérations subjectives et à la limite fantaisiste, dont la compétence est douteuse et contestable.

Le Professeur Echu Georges, chef de département d’études bilingues, est un cas typique d’enseignant dont l’absentéisme compromet la qualité des enseignements dans nos universités. Durant tout le premier semestre, il s’est fait remplacer, au niveau I, dans le cadre de l’unité de valeur “ BF131 : Techniques of Translation ” par un quidam qui venait à peine de triompher de la licence ! Le jeune “ enseignant ” est certainement le moins loti de tous les substituts qui, bien que parfois pourvus de maîtrise ou de DEA, ne justifient pas toujours, au demeurant, d’une autorité morale, ou intellectuelle et sont régulièrement confondus par les étudiants lors de séances de cours qu’ils dispensent et qu’il convient plutôt d’assimiler à des tours de prestidigitation intellectuelle.
Vient ensuite la catégorie des moins de 50%.

On y retrouve des enseignants comme Georges Ewane, Magloire Ondoa, Adolphe Minkoa She, Andre Marie Ntsobe, Oben, Mbianda, Ou Mballa Ze, etc. C’est donc visiblement la catégorie dans laquelle on retrouve les “ grands profs ”, intellos médiatiques, griots et autres courtisans en quête de strapontins juteux. Toujours entre deux banquets officiels, ils ne trouvent guère le temps et le courage ascétique de re-descendre dans des amphis poussiéreux, bondés d’étudiants turbulents.

Beaucoup ne cachent plus la franche aversion qu’ils ont pour l’ascèse que leur impose la stature d’intellectuel et le supplice de Prométhée d’un cours magistral. Car une telle activité les obligent à quitter leurs bureaux climatisés, à manquer les perdiems que procurent les interminables réunions ministérielles, les frais des missions, etc.

Certains enseignants – faute de préparation préalable - viennent plutôt servir aux étudiants des cours qui n’ont rien à voir avec le programme officiel. C’est le cas de Monsieur Atsa qui, dans le cadre de l’unité de valeur IN 370: Informatique pour les Sciences de la Terre II, dispenserait des enseignements en informatique aux étudiants de Sciences de la Terre totalement introuvable sur le programme.

D’où la nécessité d’opérer un distinguo formel entre un intellectuel en mission – celui nommé à un poste administratif ou politique – et le véritable qui en tant que “ phare de la société ” est soucieux de garder la distance nécessaire pour cultiver la hauteur, l’élévation, le détachement, l’ascétisme et la spiritualité qu’exige son statut et continue à œuvrer perpétuellement pour la recherche de la vérité. Celui qui cesse de le faire ou celui dont les agissements compromettent la réalisation de ce devoir supérieur devrait cesser de se considérer intellectuel.

A l’université de Yaoundé II, il est à noter l’absentéisme chronique des enseignants de la filière Droit dont le maillot jaune revient, jusqu’ici à M. Ondoua Magloire. Ce dernier a la charge d’un grand nombre d’UV, mais n’a jamais réussi à couvrir plus de la moitié des enseignements de l’une d’entre elles. Pourquoi faut-il mettre la formation intellectuelle de toute une génération entre les mains d’hommes obnubilés par le lucre, plus soucieux des intérêts matériels et de l’engrangement des dividendes que de la transmission du savoir? N’y a-t-il pas lieu d’exiger des aventuriers, des déçus ou des fatigués de l’enseignement qu’ils opèrent un choix entre les amphithéâtres, la vie de cour et les marchés publics ?

Il y a tout de même un point où se rejoignent les éternels absents et des remplaçants titularisés : c’est leur peu d’intérêt pour les Travaux dirigés et pratiques. Ils semblent tous n’en faire que par contrainte. Il faut dès lors comprendre pourquoi les diplômes universitaires perdent leur valeur dans le contexte camerounais où la plupart des enseignements sont théoriques. Pourtant aucune maîtrise ne peut être effective sans la pratique.

En effet, le pourrissement, la haine de la vertu et de la science ont conduit certains enseignants à la “ commercialisation ” des Travaux Dirigés et Pratiques. La pratique est si ancrée désormais, dans les mœurs dans nos milieux académiques, que l’absence de honte et la vénalité l’emportent haut la main sur l’éthique et la conscience professionnelle.

A l’Université de Yaoundé I, les enseignants Nsifa du département des Sciences de la Terre (ST) et Bouetou du département de Mathématiques (Maths) s’illustrent particulièrement par l’arnaque et le rançonnement des étudiants à qui ils exigent et imposent officiellement l’achat de leurs polycopiés. Pendant que le premier renvoie les étudiants dans son “bord” pour la suite du programme, le second garantit une moyenne de 10/20 comptant pour la note de contrôle continu à tous ceux qui l’achèteront. Ces comportements, bien qu’ayant connu une nette régression après les premières dénonciations faites par l’ADDEC en 2004, n’ont pas quitté l’esprit de bien d’irréductibles qui, trois ans plus tard, persistent et signent.

C’est aussi le cas du chef du département de Biologie et Physiologie Animales, Monsieur Njifutsie, dont le zèle concussionnaire désormais notoire, n’épargne plus désormais les fonds destinés à l’achat du matériel biologique (souris de laboratoire), privant ainsi bon nombre de nos camarades de séances de travaux pratiques indispensables.

Il en est ainsi des UV BA 303 (Physiologie de la reproduction,….) qui étaient bel et bien programmées pour la phase pratique des examens de fin du premier semestre. L’absentéisme de maints enseignants et le goût prononcé de certains autres pour le monnayage des enseignements et des notes posent la question suivante: Comment et sur quels programmes sont évalués les étudiants dans nos universités ? Et, singulièrement, comment sont évalués les étudiants concernés par les UV dont les enseignements pratiques n’ont pas été dispensés ? A quel niveau peut-on situer la conscience professionnelle chez nos enseignants ? Quelle est la part de l’Etat dans la dégradation de la qualité des enseignements et le pourrissement éthique de nos universités ?

Faut-il que les constats viennent toujours d’ailleurs ? Ne pouvons nous pas constater avec Georges Haddad, directeur de la Division de l’enseignement supérieur de l’Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture (Unesco), que “ L’Afrique ne peut pas préparer son avenir sans un enseignement supérieur fort ” ? Si certains corroborent cette assertion, nous devons regretter que le travail fondamental de préparation à effectuer par nous-mêmes ne peut pas être réalisé dans les conditions actuelles de transmission des connaissances.

Les enseignants devraient le savoir mieux que quiconque. C’est en cela que leurs dérives deviennent inacceptables. Car une activité intellectuelle aussi velléitaire et désinvolte compromet profondément les possibilités de renouvellement et de revitalisation de la science.

De toute façon, s’il va de soit que les causes de telles dérives systémiques, sont à chercher, entre autres, dans la précarité financière des enseignants, il y a également lieu de revoir les conditions de recrutement des enseignants d’université au Cameroun. En clair, il serait opportun de revoir les programmes d’enseignement dans notre pays, car un autre volet de cette étude présente la rareté, voir l’inexistence des enseignements pratiques et des travaux dirigés dans toutes les universités.

Si ailleurs, l’université a été à la base du développement et de la transformation de nombreuses sociétés, il faut relever que l’université camerounaise est encore très loin de jouer un tel rôle, et ceci pour plusieurs raisons parmi lesquelles on compte la mauvaise qualité des enseignements et la dévalorisation même du savoir.

Le chômage grandissant de nombreux jeunes trouve également une bonne partie de ses origines dans de telles pratiques. Au sortir des universités, ils ne savent rien faire concrètement, malgré les nombreux diplômes qu’ils traînent avec eux. Le système est tel qu’au bout, l’étudiant doit se contenter d’un diplôme et non d’une formation. Ainsi, nous avons des dizaines de milliers de diplômés, mais peu d’intellectuels véritables, susceptibles de relever le pays.
Nous saisissons d’ailleurs l’occasion pour regretter l’attitude de beaucoup de nos camarades qui sont acquis à l’idéologie du diplôme : valider d’abord et comprendre ensuite. Nous ne pouvons malheureusement pas être utiles à notre pays dans un tel état d’esprit.

L’on peut donc aussi prévoir que les résultats, cette année académique, seront au moins aussi mauvais qu’ils l’ont été les années antérieures. Et quand bien même les pourcentages de réussite entretiendraient l’illusion d’une performance acceptable, on serait fondé de douter de la qualité de la formation reçue, de son impact sur la transformation des mentalités, de l’environnement et de l’homme.

En somme, il devient impératif de débarrasser l’université camerounaise des “ intellectuels exotiques ” qu’elle abrite au profit des enseignants soucieux de transmettre la connaissance ; Comme le pense un chercheur camerounais, l’université ne devrait pas devenir “ un resto du cœur ” pour indigents intellectuels ; voire une sorte de supermarché du savoir minimum ou chacun vient chercher au plus bas prix moral possible de quoi soutenir son existence fragilisée. Au risque que la culture dans nos universités ne se réduise qu’“ à la répétition généralisée d’un écho qui renvoie à d’autres échos. ”.

L’Addec se fait par ailleurs, le plaisant devoir de suggérer les autres pistes suivantes pour résorber la crise:
• Définir des programmes d’enseignement précis et concertés, propre à chaque niveau et à chaque filière, susceptibles d’être suivis dans l’esprit et la lettre par des enseignants compétents.
• Systématiser la stratégie des cahiers de textes à conserver par les délégués d’étudiants.
• Inviter les délégués à renforcer la vigilance dans les cahiers de texte où ils existent déjà et dénoncer toute évaluation illégale.
• Encourager le retour des multiples intelligences camerounaises en errance dans le monde ;
• Respecter scrupuleusement les critères de recrutement des enseignants dans nos universités.






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