Ce détail serait passé difficilement inaperçu puisque le constat crève les yeux. En ce début du mois de mai, plusieurs établissements scolaires privés et publics de la ville de Yaoundé réunissent difficilement les deux tiers de leurs effectifs tous les jours. Il y a de moins en moins d'élèves aux grands carrefours pendant les heures d'affluence. Ces derniers prennent tout leur temps pour se lever et aller à l'école. On les retrouve dans les bazars, dans les jardins publics. Ils flânent dans toutes les grandes artères de la ville et à toute heure de la journée, signe que l'année scolaire est arrivée à son terme, ou presque. On voit certains rebrousser chemin avant même la mi-journée. D'autres traînent les pieds, aux alentours de leur établissement aux heures normales de cours. Autour de 11h avant-hier, Celena Nwafor et son camarade de classe, Paul Valéry, sont aperçus en uniforme de classe vers le lieu dit Commissariat de Nkolndongo, très loin du lycée bilingue d'Essos, où ils sont élèves en classe de Lower sixth de la section anglophone.
Ils ont à cela des justifications : "Nous sommes membres du club d'Ozone de notre établissement, lequel est en excursion aux Brasseries du Cameroun ce jour. Nous y sommes allés pour voir le processus de fabrication des produits de cette société et à cette occasion, toute la classe s'est déportée aux Brasseries du Cameroun, avec la permission du chef d'établissement". La période est-elle la mieux indiquée pour ce genre d'activité, programmée à quelques semaines des examens de fin d'année ? A cette question, les deux lycéens se regardent, comme pour dire qu'ils n'y voient aucun problème, puisque leur sortie est bien cautionnée par le chef d'établissement.
Non loin de là, vers le carrefour Iptec, Marguerite Mevounta, élève en 2ème année Esf au lycée technique de Yaoundé, a fini sa journée de classe avant llh30. Elle retourne tranquillement à la maison. Elle explique que sa classe n'a eu aucun cours depuis le début de la journée. Aucun des professeurs prévus ne s'est présenté et la jeune fille, comme plusieurs de ses camarades, a décidé de rentrer. "C'est énervant de rester là, à ne rien faire. C'est même inconfortable. A la maison on peut au moins regarder un film et se rendre utile", pense-t-elle. Marguerite Mevounta avoue qu'elle ne sait pas si le programme de l'année a été bouclé ou non. Elle fait seulement des hypothèses en considérant que les interrogations comptant pour la cinquième séquence ont déjà eu lieu et que les examens commencent dans l'enseignement technique le 15 mai prochain. Elle laisse ainsi deviner sa conclusion qui coule de source : l'école est finie.
Examens
Au lycée général Leclerc, le portail s'ouvre désormais à 12h au lieu de 15h30 comme d'ordinaire. "C'est depuis la semaine dernière que le très rigoureux Kapo, le portier, baisse la garde à partir de la mi-journée. Les élèves en profitent donc pour prendre le large. Dans l'ensemble, les enseignants sont là. Mais à l'heure qu'il est, qu'on ait fini le programme ou non, nous pensons plus à notre "période bloquée", témoigne un lycéen.
A bien les regarder, la désinvolture dont ces élèves font montre est perçue à partir de leur mise, devenue quelconque. L'uniforme n'est pas soigné pour la plupart, les tresses vieillies chez les filles, les chemises généralement ouvertes, laissent entrevoir des tee-shirts froissés, qui ne brillent pas, parfois, par leur propreté. Sur les visages, on lit l'anxiété que cachent mal les causeries et les éclats de rire. Au collège Siantou, les examens blancs ont débuté hier matin. Mais le surveillant général, Zacharie Mbou, affirme que l'année scolaire est loin d'être terminée et que des mesures sont prises pour ramener les élèves dans les salles de classe. "La liste des absents de chaque classe est déposée en fin de journée dans notre bureau.
Le lendemain ils sont punis". Il affirme par ailleurs que le programme scolaire est bouclé dans la majorité des disciplines. Ce que ne démentent pas les élèves et les enseignants. Mais la question est celle de savoir comment la fin d'année est gérée afin de garder les élèves dans les salles de classe. Pour Théodore Takou, professeur d'histoire/géographie dans le même établissement, il est difficile, deux semaines avant le début des examens, de retenir tous les élèves dans les salles de classe. Ils ont en tête que l'année est finie et parfois, les enseignants n'y peuvent pas grand-chose. Il n'empêche que les cours continuent normalement. C'est une prescription de la direction de l'établissement. Ceux des professeurs qui, comme lui, ont terminé le programme, font des cours de révision qui sont payés par l'établissement". D'ailleurs, l'inspection interne de pédagogie du collège y veille. Elle a même déjà élaboré le programme de prise en charge collective des élèves, par niveau d'enseignement, pour combler certaines lacunes avant les examens.
Au Lycée de Tsinga, les élèves des classes intermédiaires sont à la maison pour permettre aux autres de faire des examens blancs en occupant leurs salles de classe. Les candidats sont à cet effet placés dans les conditions réelles d'examen avec les mêmes papiers de composition, les sujets types, les secrétariats d'examens mis sur pied s'occupent de l'anonymat des feuilles et autres détails. " A quatre semaines du baccalauréat, il est opportun que les élèves jaugent leur niveau réel. Si les résultats sont publiés dans le délai d'une semaine comme nous l'envisageons, chacun aura le temps de se réajuster ", nous confie un responsable d'établissement, qui n'a pas souhaité révéler son identité sans l'accord du proviseur, absent. Le même responsable affirme que "les évaluations sont terminées dans les classes intermédiaires depuis le 28 avril, selon le chronogramme officiel. C'est pourquoi les élèves qui ne sont pas concernés par les examens sont à la maison et leurs enseignants convoqués pour la surveillance et les corrections des examens blancs", continue-t-il.
Au collège de la Retraite, les examens blancs sont aussi organisés en ce moment. Mais des mesures sont prises pour que cela ne perturbe pas beaucoup le déroulement normal des cours dans les classes intermédiaires. Pour Mme Mbarga, principale du collège,"les examens se déroulent par vagues. Pendant que les lères et les terminales composent, les secondes et les 4èmes libèrent leurs salles de classe qu'ils retrouvent aussitôt ces examens terminés. Pendant ce temps, les élèves de la 6ème en 3ème, continuent normalement les cours en attendant leur tour. La recette n'est pas magique, selon elle : " Nos élèves ne se sentent pas encore en vacances parce que rien ne leur permet de considérer que c'est déjà la fin d'année. Dès le matin, le surveillant général est là pour accueillir les retardataires, le préfet des études s'assure que les évaluations ont bien lieu et que les enseignants dispensent effectivement les cours, nous tenons à ce que, dans chaque classe, le programme s'achève en respectant le calendrier établi en début d'année, pour éviter que les enfants aient des lacunes en classe supérieure".
Source : Quotidien Mutations
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