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Plus de 1000 morts chaque année
(20/03/2007)
Chaque année, l'axe Douala-Yaoundé est le théâtre de nombreux accidents. Les conditions de voyage des bus des compagnies de voyage, l'amateurisme des chauffeurs, ...
Par Alexandre T. DJIMELI

1- Bus à effectifs pléthoriques

L’homme bondit de son tabouret en bambou. Il fouille la poche de sa gandoura beige, retire une carte et brandit en grondant : “C’est moi le commissaire de police Yankeu !” Son vis à vis, “monsieur le maire” qui le menaçait depuis une quinzaine de minutes reste muet un instant. Une clameur traverse le car. De nombreux passagers applaudissent. Par un sursaut d’orgueil, le “maire” se lève aussi et crie : “Comme tu es commissaire, tu ne t’assoies plus à côté de moi.” Les deux hommes, visiblement séniles, s’échangent d’insultes. Tout y passe : “malheureux”, “cafard”, “voleur”, “bandit”, “ordure”, … Rapidement, les passagers se divisent en deux camps : la majorité contre “monsieur le maire” et une minorité pour le “commissaire”. On frôle une bagarre rangée. Déjà vingt minutes passé au carrefour des deux églises à Douala !

Le bus Mercedes Benz de 60 places immatriculé CE-318-AB qui a terminé l’embarquement à l’agence Confort voyages de Douala à 16h 45 ce dimanche 25 février 2007 a en effet pris six passagers en plus. Au moment où les voyageurs ayant acheté leurs tickets de voyage au guichet officiel prenaient place, des tabourets en bambou de raphia étaient disposés le long du couloir. Quelques-uns se sont interrogés et ont eu le bonheur de recevoir une réponse. “Personne ne vit au Cameroun avec son salaire officiel. Allez à la présidence demander pourquoi il y a le tchoko partout dans l’Administration. Vous croyez que nous faisons comment pour vivre aussi”, lance un chargeur. Vêtu d’un “blue jean” bien sale, le jeune homme invite ceux qui ont posé la question à “ne pas se mêler de ce qui ne [les] regarde pas”.

2- Voyager mal à l’aise

C’est ainsi que le bus a progressivement pris des passagers en surplus. Non seulement “monsieur le maire” n’est pas content que “le commissaire Yankeu” se soit assis sur son papier bleu, mais en plus il entend voyager à l’aise. Malgré une forte opposition dans le véhicule, il réussit à ôter le commissaire de sa vue. Ce dernier va plus loin devant grossir le rang des personnes en surcharge. Le couloir est bondé. Impossible de respirer aisément. Un air chaud se dégage. On entend des pleurs de bambins, tandis que des visages dégoulinent de sueur. Dimanche 18 février, le bus de 70 places qui avait pris le départ dans la même agence et à la même heure avait 11 personnes en surplus. Des dames se sont battues pour que des gens ne s’assoient pas à côté d’elles dans le couloir. Elles ont jeté les tabourets en bois qui devaient accueillir le surplus de passagers à travers les fenêtres. Qu’à cela ne tienne, ces derniers ont parcouru les quelque 300 kilomètres qui sépare Douala de Yaoundé debout !
“Nous changeons d’agence tout le temps, mais nous constatons que c’est la même chose partout. Les chauffeurs adorent les surcharges qui se font parfois à la vue des administrateurs de l’agence”, affirme Paul Belle, un voyageur, avant de se résigner : “On n’y peut rien !” Les usagers des cars de transport en commun ont ainsi fini par tolérer la surcharge. Quand quelqu’un s’en plaint aujourd’hui, l’essentiel des occupants du car réagit contre lui. “Tu ne peux pas acheter ta voiture et rouler seul à l’aise dedans”, lui rétorque-t-on très souvent. Presque toutes les agences qui font le trajet Douala – Yaoundé ont ainsi généralisé le principe de la surcharge. Mais les responsables d’agences disent ne pas être au courant de la pratique. Interrogé, Eric Pascal Ndji, chef d’agence n°2 de Confort voyages chargé des finances à Douala, professe : “Nous ne tolérons pas la surcharge. Peut-être que les chauffeurs le font en cours de route. Mais quand nous nous en rendons compte, nous sévissons.” Même son de cloche chez le directeur de cette société, Iréné Ka’am. “Le chef d’agence Ondoua (Yaoundé) est même allé jusqu’à brûler les chaises qui servent à la surcharge ; cela me surprend de savoir que nos chauffeurs surchargent toujours”, affirme-t-il.

3- Hypothèque sur l’assurance

Malgré cette dénégation des gérants d’agences, le fait est là, clair comme l’eau de roche : les chauffeurs adorent la surcharge. Selon les rapports 2005 et 2006 de la Fondation Jane and Justice qui œuvre pour la réduction des accidents de la route, la surcharge constitue l’une des principales causes d’accidents, derrière la méconnaissance du code de la route et la conduite en état d’ébriété. Les gestionnaires d’agences de voyage et les chauffeurs en sont conscients. Mieux, ils savent que la surcharge est une infraction réprimée par la loi. “Le risque est grand que la compagnie d’assurance qui doit prendre en charge les victimes d’un accident se rétracte en cas de pépin”, analyse M. Ka’am.

“De façon contractuelle, la surcharge entraîne la nullité du contrat d’assurance”, explique Benjamin Helles, directeur commercial de La Citoyenne assurances. On suppose en effet qu’elle augmente le risque ; ce que le contrat d’assurances n’a pas prévu. Mais M. Helles relativise : “Des assureurs peuvent s’y appuyer pour rejeter la responsabilité de la prise en charge des victimes de l’accident à la société de transport. Toutefois, la jurisprudence commande à l’assureur d’agir d’abord – pour éviter l’irréparable – quitte à se retrouver après dans un procès contre la société qui avait souscrit la police d’assurance et qui n’a pas respecté les clauses du contrat.”
Le risque que prennent les chauffeurs est grand. Le danger est énorme pour ceux qui se constituent passagers en surplus. Il est critique pour les gestionnaires d’agence qui tolèrent la pratique. Les personnes illégalement recrutées pour faire partie de l’effectif des voyageurs n’ont pas de nom sur le manifeste du bus. Les “ vrais ” passagers voyagent dans l’inconfort. Et leur couverture devient hypothétique en cas difficulté. Comment, malgré tout cela, la surcharge peut être érigée en règle ?

4- Les chauffeurs font la surcharge

L’explication fondamentale que les chauffeurs avancent pour expliquer leur entêtement à surcharger c’est le bas niveau des salaires et l’absence de sécurité sociale. De manière générale, leur rétribution mensuelle officielle tourne autour de 50.000 Fcfa. “Dites-moi ce qu’un père de famille comme moi peut faire avec 45.000 Fcfa de salaire mensuel : j’ai une femme, des enfants, je loue une maison, etc. Il faut chercher les moyens de vivre autrement”, crache un chauffeur à la gare de Tongolo (Yaoundé). Par ailleurs, leur statut d’employé est précaire. Rares sont les agences de transport où ils sont inscrits à la Caisse nationale de prévoyance sociale (Cnps). “Chacun travaille en sachant que d’un moment à l’autre on peut le chasser; nous n’avons pas de contrat de travail”, lâche le chauffeur. Conclusion : “Il faut bouffer ta part et qu’au moment où on te chasse, tu n’aie rien à regretter.”
Le directeur général de Confort voyages explique que les salaires payés correspondent bien à ce qui est généré par l’activité. “Il est difficile de faire plus. Voyez-vous, officiellement, Douala-Yaoundé coûte plus de 4.000 Fcfa. Mais face à la concurrence déloyale et face à la conjoncture, on prend 2.500 Fcfa. Avec toutes les obligations fiscales vis-à-vis de l’Etat, il ne reste plus grand-chose”, affirme-t-il. Pour combattre la surcharge, certaines agences de transport donnent néanmoins l’argent d’une ou deux places au chauffeur, afin qu’il ne soit plus trop envieux. Cela lui fait environ 5 à 10.000 Fcfa par jour. Mais cela ne suffit pas.

5- Les femmes, l’autre problème

Pour les gestionnaires d’agences, les chauffeurs ont des femmes partout. “Même si vous leur donnez 300.000 Fcfa par mois, cela ne suffira pas à entretenir toutes ces familles”, avance un passager. C’est pourquoi ils peuvent difficilement abandonner la surcharge. Pour un bus de 70 places, ils prennent une dizaine d’employer clandestins. Chacun paie 2.000 Fcfa au lieu de 2.500 ou 3.000 Fcfa. Cela fait un pactole de 40.000 Fcfa en aller et retour chaque jour. Le chauffeur donne le tiers à son “ moto boy ”. Il s’en tire ainsi avec pas moins de 300.000 Fcfa chaque mois.

La Fondation Jane and Justice a établi que les forces de sécurité (police et gendarmerie) sont très peu regardantes sur les infractions de surcharge. Quand elles interpellent un véhicule surchargé, le chauffeur apprête simplement 500 ou 1.000 Fcfa qu’il glisse dans le dossier du véhicule au moment du contrôle. “N’est-ce pas c’est ça même qu’ils cherchent en route ?” lance Pierre, chauffeur, avant de révéler : “Quand nous ne surchargeons pas, eux-mêmes ne sont pas contents parce qu’ils savent qu’ils n’auront rien.” Les passagers qui acceptent la surcharge la justifient par leur souci de vite arriver. “Quand on a des rendez-vous à ne pas rater, vous comprenez que même debout, on peut accepter de voyager”, se disculpe un passager surchargé.
Malgré les mises en garde du ministre des Transports, les agences s’entêtent et les services déconcentrés de ce département restent inertes quand à la prévention routière. Interpellés, les responsables des équipes de prévention affirment qu’il n’y a pas d’argent pour se déployer sur le terrain. Le responsable du service provincial des Transports pour le Centre n’a pas souhaité se prononcer. Il a plutôt envoyer le reporter requérir l’avis du ministre. Bien triste que l’administration ferme les yeux sur ce danger du trafic interurbain !



Source : Le Messager






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