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Prisonniers à l’hôpital/Ils errent et dorment à même le sol
(02/02/2007)
Témoignages de patients “ emprisonnés ” dans des centres hospitaliers publics pour insolvabilité. Cuisant !
Par Alexandre T. DJIMELI
Prisonniers à l’hôpital

Son pâle sourire cache mal sa souffrance derrière les barreaux de l’Hôpital central de Yaoundé. Loveline Fomun, vingt et un ans, a été “ emprisonnée ” pendant plus d’un mois à la maternité principale B de cet établissement hospitalier de la capitale. Aujourd’hui libérée, elle garde le souvenir de ces longues nuits passées dans l’angoisse et la détresse. C’est le 9 décembre 2006 que la jeune femme est admise en maternité. “ La poche des eaux avait déjà rompu ”, témoigne une infirmière. Elle est conduite d’urgence à la salle d’opération pour une intervention chirurgicale. Le bébé est sauvé mais il avait déjà bu “ l’eau sale ”. Il faut désormais s’occuper en priorité du nouveau-né malade. Ce dernier est transféré au centre mère et enfant de la Fondation Chantal Biya avec son géniteur, Godlove Ndifor. Loveline, elle, est retenue à l’Hôpital central.

La jeune famille manque cruellement de moyens financiers pour faire face aux factures qui arrivent à profusion. Loveline est encore élève. Maçon, son époux n’a qu’un revenu modeste : un peu moins de 50.000 Fcfa par mois. L’argent qu’exige l’administration de la maternité avant sa libération s’élève pourtant à 173.500 Fcfa dont 65.000 pour le kit d’opération et 108.500 pour les frais d’hôpital. La famille a pu payer le kit mais peine à trouver les frais d’hôpital. Pendant ce temps, l’internement du bébé coûte environ 15.000 Fcfa par jour. Séparé de sa mère, il est nourri au lait artificiel. “ J’avais un peu d’argent que j’ai investi sur la santé de l’enfant ; ce que j’ai dépensé là-bas s’élève à près de 300.000 Fcfa ”, affirme M. Ndifor. Le jeune débrouillard s’est ainsi retrouvé dans une situation où il ne pouvait plus avoir un seul sou. Criblé de dettes, il a été obligé d’accepter que son épouse soit faite “ prisonnière ”.

M. Ndifor et les siens ont engagé des démarches auprès de la direction de l’hôpital aux fins d’annuler cette dette. Mais l’initiative n’a pas tout de suite prospéré. Voyant que la jeune famille était manifestement incapable, le service social de l’hôpital a été saisi. Les responsables ont d’abord hésité, avant de consentir à faire un rapport sur la base duquel le directeur de l’hôpital a concédé une annulation de 50 % des frais. Cette modeste famille a ainsi eu la chance de s’acquitter de la créance. Loveline, son époux et leur bébé sont partis en laissant d’autres indigents en “ prison ” à la maternité principale B. de l’Hôpital central de Yaoundé.

Cécile n’attend rien de personne…

Ce matin du 30 janvier 2007, trois autres femmes insolvables devisent au hall de la maternité. Cécile Bissa, Joseph Marie Edzougou, et Nadège Fopa essayent d’oublier les misères de la nuit. Face à elles, un vigile tient le cadenas ferme. Il ne laisse entrer ni sortir aucune mouche sans le visa des responsables. “ Pourquoi ne sortez-vous pas pour aller voir le directeur ? ”, interroge un visiteur. La réponse est instantanée : “ Nous sommes bloquées ici ; on ne nous autorise pas à mettre le pied dehors ! ” Cécile Bissa qui répond ainsi est là depuis le 19 décembre 2006. Venue d’un village de l’arrondissement de Ngomedzap, la jeune fille, dix-neuf ans, a accouché par césarienne.
Le père de son enfant ne travaille pas. Il n’est pas encore passé voir le fruit de son dur labeur. “ C’est sa sœur qui passe souvent après dix jours ”, affirme-t-elle. Et le nom de l’enfant ? “ Pas encore ! Ma mère a dit que c’est quand je vais rentrer au village qu’elle va donner le nom. ” Cécile parle de son départ de l’hôpital comme si c’était pour bientôt. Que non ! Elle a réussi à payer les 65.000 Fcfa du kit mais il lui reste 108.750 Fcfa de frais d’hospitalisation. Elle-même reconnaît qu’il n’y a aucun espoir de s’acquitter de cette somme. Sa mère, bien pauvre selon elle, n’a même pas encore trouvé les moyens de se rendre à Yaoundé pour voir son petit-fils.

Enfants décédés, mère toujours otage

Joseph Marie Edzougou a une trajectoire particulière. D’abord internée dans un centre hospitalier privé de la capitale, elle a été transférée à l’hôpital central le 2 janvier dernier quand elle était à l’article de la mort. Elle a pu être sauvée mais son enfant n’a pas survécu. A son arrivée, elle a copieusement insulté les traitants qui, dans un premier temps, l’avaient totalement ignorée. Elle puait et c’est dans un sursaut d’humanisme de dernière minute qu’on s’est occupé d’elle. Aujourd’hui, elle a presque recouvré sa santé. Le visage plein de boutons, elle affirme : “ Il ne reste que des pansements. ” Mais comme les autres, elle est sceptique quant à son éventuelle sortie. “ On me demande encore 153.250 Fcfa ” dont 108.250 pour l’hospitalisation et 45.000 pour le kit. Elle n’a jusque-là payé que 20.000 Fcfa. Les infirmiers soupçonnent sa famille de malhonnêteté. “ On n’a jamais vu son mari, ni ses parents pour qu’ils nous posent au moins leur problème. Son gars, semble-t-il, vient la nuit et disparaît après. Incognito ! ”, s’emporte une infirmière.

Nadège Fopa, quant à elle, est à Yaoundé depuis trois ans. Elle vit maritalement avec un homme. Les deux et leur premier fils occupent une chambre chez le frère aîné de son futur époux. Leur maison a été détruite dans l’opération “ d’assainissement ” de l’environnement urbain menée par le délégué du gouvernement. Son homme a tout vendu pour faire face à son état de gestation. A l’arrivée de Nadège à l’hôpital le 2 janvier, la petite famille a déboursé 65.000 Fcfa. Il lui reste à payer 105.000 Fcfa. Le jeune homme se bat depuis, mais en vain. De jour comme de nuit, ces prisonnières d’un autre genre prient pour que le ciel les garde et que Dieu les libère…


Ils errent et dorment à même le sol

La situation des malades à la maternité principale B est presque la même dans tous les pavillons de l’Hôpital central de Yaoundé (Hcy). Mieux, elle est partagée dans tous les grands hôpitaux publics de la capitale : Hôpital Jamot, Hôpital gynéco obstétrique, Hôpital de la garnison militaire, etc. On y retrouve de plus en plus des malades insolvables. Leurs conditions de misérable se trouvent aggravées par l’exclusion dont ils sont l’objet. “ La semaine dernière, il y a un ici qui dormait au couloir, à même le sol. Et d’un moment à l’autre, il y a au moins trois qui seront dans la même situation ”, affirme le vigile du pavillon Leriche (Traumatologie et Orthopédie).
De fait, le retrait du lit aux malades insolvables est une pratique courante. A la maternité, elles errent toute la nuit avec leurs bébés. “ Là où on trouve un lit vide, on se couche. Le jour où tout est occupé on dort sur le sol ”, révèle Edzougou. Le “ mari ” de Nadège lui a promis un matelas pour qu’elle puisse dormir confortablement au couloir, mais celle-ci a refusé parce “ les infirmiers ne seront pas contents s’ils voient ça. ”

Par ailleurs, les insolvables, dans la majorité des cas, ne bénéficient que rarement du soutien de leur famille. “ Mes gens ne viennent pas. Ce sont les autres malades qui me font manger les restes de leur nourriture, sinon je serais déjà mort ”, affirme Jules qui souffre de tuberculose au Centre Jamot. Il n’a pas la chance des laissés-pour-compte de la maternité qui se nourrissent à satiété des repas copieux de leurs voisines. Le vigile de la maternité de l’Hcy faisait remarquer à Nadège qu’elle a pris du poids depuis qu’elle est en “ prison ” à l’hôpital. Mais, même si le ventre est satisfait, la tête, elle, n’est pas tranquille. “ Je réfléchis toute la nuit. J’ai des insomnies et je pense à l’avenir qui, pour moi, est tout noir ”, lance Cécile. Tous ont le sentiment d’être en dehors du monde.

Entre 2003 et 2005, le directeur de l’Hôpital gynéco-obstétrique de Yaoundé avait carrément créé une cellule dans laquelle on parquait les insolvables. Ces derniers n’avaient même pas la chance de marcher dans les couloirs, de squatter les lits, de mendier auprès des autres malades et de discuter librement entre eux, comme aujourd’hui. Certains affirment, en bombant le torse, que la situation s’est améliorée. Reste que le nombre d’insolvables ne cesse de croître partout. Dans cette situation, de nombreux patients ont recours au service social de l’hôpital. Comment fonctionne-t-il ? Qu’offre-t-il aux indigents ? Comment obtenir qu’il vienne au secours ? Quelles sont ses limites ?

Source : Le Messager




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