Une année politiquement lisse ? Certains politistes du dimanche avaient indiqué, du fait du manque d'un rendez-vous électoral, qu'il n'y avait pas grand'chose à attendre dans un pays généralement cadencé par une animation politique de circonstance, lorsqu'il faut justifier une existence avant d'obtenir des financements pré électoraux. C'était sans compter avecle fait que, ayant pris des rendez-vous avec la communauté internationale pour assurer une véritable transparence des prochains scrutins, le gouvernement camerounais était attendu.
L'équipe de Inoni Ephraim le savait certainement, qui, dès le mis de mars mettait en mission à l'étranger des ministres et des collaborateurs du président de la République, en vue de se renseigner sur les procédures de création et de fonctionnement des commissions électorales indépendantes et de processus électoraux équitables et libres.
Il s'agit de Marafa Hamidou Yaya, ministre d'Etat en charge de l'Administration territoriale qui se rendra dans quelques pays d'Afrique australe. Tandis que Pierre Moukoko Mbonjo, le ministre de la Communication, devra partager l'expérience ouest-africaine. Philémon Yang, secrétaire général adjoint à la présidence de la République a, quant à lui, reçu pour mission d'explorer les expériences nord-américaines en la matière.
Mais comme les résultats de ces missions tardaient à être partagés avec l'opinion et que les multiples réunions avec le Commonwealth, partenaire à la transparence électorale, restaient aussi secrètes, une initiative venant de l'Eglise catholique va polariser l'attention. En synergie avec des organisations de la société civile et des représentants de plusieurs partis d'opposition, l'Eglise catholique fait deux propositions de loi pour améliorer la transparence électorale : l'une regroupe, en une loi unique, les modalités d'organisation de l'élection présidentielle, des élections législatives et des élections municipales, alors que l'autre propose un nouvel organe chargé, en lieu et place de l'Onel ou de l'Administration, de l'organisation matérielle du processus électoral.
Le projet, quoi que adoubé plus tard par plueieurs autres formations politiques, ne trouvera pas grâce aux yeux du gouvernement qui, voyant le temps passer, organise rapidement des consultations par les soins du Premier ministre, Inoni Ephraim, avant de proposer à l'Assemblée nationale, à l'occasion d'une session extraordinaire, le projet de loi portant création de Elecam. Une loi qui suscitera la controverse, notamment au sujet des pouvoirs exorbitants accordés au président de la République dans le processus de nomination des membres de Elecam, et au sujet de la mise en place effective des organes de Elecam ; mais qui sera finalement adoptée sans les représentants du Sdf et de l'Udc, créant un grave malentendu au sein de l'opinion.
Caste des Intouchables
L'autre malentendu politique de l'année aura sans doute été ce qu'on a rapidement appelé "Opération Epervier ", du nom de la campagne engagée en début d'anne contre les supposés fossoyeurs de la fortune publique. Des développements plus conséquents sont consacrés aux diverses arrestations d'anciens pontes du régime ainsi qu'au point des procédures judiciaires. Mais la manière dont les diplomates étrangers en poste à Yaoundé (notament l'Américain Niels Marquardt, qui dénonce la gesticulation du pouvoir sans grands effets, et le Hollandais Norbert W. M. Braakhuis qui demande de " montrer que les intouchables ne sont pas intouchables " montrera bien que l'opinion s'attendait à plus, et que le président l'avait plus ou moins promis aux principaux représentants à Yaoundé des partenaires au développement.
Mais ce ne sera pas le dernier malentendu. L'autre naîtra des conséquences politiques attendues de l'atteinte par le Cameroun du point d'achèvement de l'Initiative Ppte. Dès le lendemain de l'annonce de cette " victoire du Cameroun ", qui justifiera d'ailleurs un inhabituel message à la nation du président Biya, la capitale commencera à bruire de rumeurs de remaniement ministériel pour lequel chacun a sa petite idée. Paul Biya attendra cinq bons mois avant de "lâcher " ce fameux nouveau gouvernement plutôt ébouriffant qui, selon des sources généralement bien informées, aura encore dérouté les diplomates à qui on avait promis une amplitude plus importante.
Paul Biya, il est vrai, est passé maître dans l'art du contre-pied. Même lorsqu'il se retrouve au pied du mur. Comme en ce mois de mai où la presse lui rappelle (ce qu'il n'apprécie guère) que son mandat de président du parti Rdpc sera bientôt caduc. Du coup, il fera convoquer un congrès extraordinaire du parti des flammes qui, en un jour, lui permettra de rétablir sa légalité, sans régler le problème du congrès ordinaire du parti, annoncé depuis au moins trois ans…
Mais on ne saurait ainsi faire un mauvais procès au président de la République qui, du haut de son magistère, a tout de même réalisé des actions positives. D'abord, son calme, sa confiance au droit international et son entregent auront permis, après le dernier rendez-vous du 12 juin à Greentree aux Etats-Unis, re régler définitivement (du moins on l'espère), l'épineuse question du différend frontalier avec le Nigeria au sujet de la presqu'île de Bakassi. Toutes les grandes agences d'information mondiale, à destination de l'Afrique principalement, reprendront, deux mois plus tard, la nouvelle : le Nigeria a restitué au Cameroun le territoire de Bakassi. Pour certains, c'était la fin " d'un vieux conflit colonial ", pour d'autres la victoire de la diplomatie, parce que les "deux pays ont privilégié jusqu'au bout la diplomatie ", au lieu de faire parler les canons.
" Le drapeau nigérian a été remplacé par celui du Cameroun à Archibong [Akwa dans son appellation camerounaise], capitale de la partie nord de Bakassi, lors d'une cérémonie marquant le transfert officiel de souveraineté".
Il y a également eu, au plan positif, les séjours du chef de l'Etat en Asie, au Japon et en Chine principalement, d'où il est revenu avec de nombreux contrats, même si le contenu des accords fait toujours l'objet d'un mystère devenu habituel. Ce qui n'autorise pas à oublier le dernier séjour à polémique du chef de l'Etat en France et, surtout, sa participation au sommet de la Cemac à Bata en Guinée Equatoriale, où son malaise a failli créer une situation similaire à celle de juin 2004, où les rumeurs les plus folles faillirent faire dégénerer le pays ? Tout ça pour une histoire de " Nnam Ngon " mal réchauffé…
Source : Quotidien Mutations
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