Elle est bien maquillée et vêtue d'une jupe noire ultra-courte et d'une chemisette moulante à carreaux qui laissent tout de suite deviner les contours de ses cent soixante-quinze centimètres de somptueuses courbes sur la poitrine. Avec sa bouche gourmande ornée d'un brillant à lèvres, de longs cheveux tressés en rasta et des grands yeux sombres cernés de noir à l'expression enfantine, Christelle ne se trompe pas de route.
Elle se rend au carrefour Kingué où elle va retrouver plusieurs de ses compagnes qui s’essaient, comme elle, chaque nuit tombée de faire le bonheur de beaucoup d'hommes. Avec pour objectif principal de se mettre le maximum d'argent dans la poche.
C'est le train-train de plusieurs jeunes filles qui se sont installées dans la capitale touristique du Cameroun et dont les cœurs ne battent plus qu'au rythme du sexe.
Dans la cité balnéaire, on note une recrudescence de la dépravation des mœurs. La prostitution, le tourisme sexuel, la pédophilie sont autant de maux qui gangrènent la ville. Ces pratiques ont pris de l'ampleur dans la cité avec l'arrivée du projet pipe-line Tchad-Cameroun. Aujourd'hui, filles et garçons (15-20 ans) sombrent dans un désordre sexuel innommable. Des raisons sont diverses. " Je sors pour chercher de l'argent. Car il faut que j'en trouve pour élever mon fils qui a 3 ans.
J'ai été chassée de ma famille quand je suis tombé enceinte. Je ne connaissais pas le père de mon enfant et il a fallu que je me batte pour survivre et aujourd'hui encore la situation n'a pas changé. Je vis à la sueur de mes cuisses" explique Christelle. Marie-Joëlle a une autre explication. " J'ai 22 ans et je vis dans une auberge et ceci parce que je suis plus libre. Avant, quand j'amenais un homme à la maison la nuit, maman était toujours obligée de se lever pour m'ouvrir la porte et souvent mes amants faisaient trop de bruits lors des opérations. Maintenant je travaille librement et tout le monde est content", déclare t-elle entre deux clins d'œil à un potentiel client de passage.
Si la plupart des filles de nuit sont issues des familles pauvres, il n'en demeure pas moins que d'autres sont bien loties. A l'exemple de Laure M., une grande brune, qui avoue se prostituer " pour le plaisir du sexe" puisque déclare-t-elle "un seul coup par jour ne peut la satisfaire".
Partout dans Kribi, le phénomène est connu de tous. Les attitudes les plus extravagantes ne choquent plus personne. Dans la ville, chaque fille se prostitue à sa manière. La multiplicité des partenaires sexuels est une pratique courue par les élèves qui ne peuvent pas sortir la nuit. Certaines ont encore honte de s'exposer aux regards concupiscents des mâles. "L’élève la plus fidèle de Kribi a au moins quatre hommes", soutient Lise M., une élève de 2nde, lors d'une journée de prévention contre les Vih/Sida dans son lycée.
Celles qui “travaillent” la nuit comme Christelle se reposent en journée. Leur terrain de chasse : "la zone du diable" comme l'appellent les Kribiens, commence au carrefour Kingué et s'étend à 500 m à la ronde. Le lieu abrite les plus grands débits de boisson. Là prospèrent les auberges de la ville. Ici, tous les "coups" sont permis. Sa majesté Mekundé Roger, Chef de 3e degré du quartier Afan-Mabé a perdu son latin. " Il faut réguler toutes les structures : bars, auberges, boîtes de nuit et autres lieux de jouissance.
Je crois qu'ils y sont pour quelque chose dans ce tourisme sexuel à Kribi. Je pense que ce fléau est dû ici au besoin matériel, à la pauvreté ambiante et surtout au manque du culte de l'effort. Car vous verrez que la majorité des prostituées ici sont les autochtones, quelques anglophones et quelques autres tribus en très petite quantité. Les Bamilékés sont rares dans le secteur parce qu'elles sont souvent bayam salam et ont à cet effet les ressources qui leur permettent de vivre", tranche-t-il, la voix pleine d'amertume.
Tout le monde est coupable
Le tourisme sexuel semble bien prospérer à Kribi et nourrit sa fille. " Me prostituer, confie Christelle, me procure une autonomie financière. Je peux m'acheter tout ce que je veux et aider mes frères et amis". Cette déclaration se révèle vrai au regard des prix appliqués. "Je peux aller avec 5 à 7 hommes par soirée. Soit 2000 Fcfa par coup aux heures de pointe (22 h - 02 h). Après je peux prendre 1000 Fcfa de 2h à 4h. Quand le matin est déjà là c’est-à-dire après cinq heures, je peux prendre 500 Fcfa pour le petit-déjeuner. Quand c'est pour passer la nuit avec un client, c'est une affaire de 5000 Fcfa à 7000 Fcfa.
Je sais qu'un homme qui a bu peut seulement tirer deux coups maximum et c'est toujours moi qui gagne".
Marie-Joëlle, elle, fréquente les milieux huppés où se retrouvent les gros bonnets. Ses prix varient entre 5 000 et 10000 Fcfa par prestation. Toutefois, Christelle avoue que " quand c'est fort, il nous arrive de nous contenter d'un morceau de poisson braisé et d'une bière pour partir avec un client. Même si c'est pour la nuit. On n'a pas souvent le choix".
Les clients se recrutent parmi les personnalités les plus insondables. Il n’y a qu’à observer les coupes et les plaques de voitures qui jonchent les trottoirs de ces coins du diable la nuit. Les touristes adorent. Jean-Michel R., un expatrié français se souvient. " Les filles de Kribi sont belles et nous les aimons bien. Mais il faut se méfier d'elles. Quand tu es avec l'une d'elles, si tu dors, elle te fouille minutieusement et elle disparaît après en emportant son butin. Elles aiment trop l'argent et alors quand elles en prennent, il faut qu'elles le payent de toutes les manières".
Cet amour est partagé. " Nous aimons bien les touristes. Surtout les expatriés parce qu'ils peuvent nous amener avec eux lors de leur retour et aussi parce qu'ils payent bien même s'ils nous demandent de faire les choses qui n'entrent pas dans nos mœurs comme les partouzes et surtout la sodomie.
Moi j'accepte tout parce qu'il me faut de l'argent. Il n'y a pas de honte quand on doit gagner sa vie durement" déclare Marie-Joëlle. " D’autres vont même avec des chiens sous le regard de leurs maîtres. Après avoir été maintes fois abusées, elles exigent désormais de se faire payer avant de servir. Le tourisme sexuel préoccupe les responsables locaux du groupe technique de lutte contre le Vih/Sida.
Source: Le Messager
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