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Démantelement d'un réseau à la Camair?
(14/11/2006)
ç’aurait pu être un vol ordinaire de la Camair, sans ces sacoches bizarres...
Par Serge Alain Godong

Ali Boukar, qui va désormais y passer ses 24 prochains mois – pour avoir été reconnu coupable de s’être mêlé à un trafic international de drogue – en a d’ailleurs quelques franches prédispositions. Puisque, mardi dernier, il empilait jurons et incompréhensibles onomatopées, debout, dans l’enceinte du tribunal de grande instance de Bobigny. Sauf que, en France, bien peu de gens savent souvent exactement de quoi cela retourne.

Surtout lorsque les personnes qui les entendent sont des juges, individus tendant structurellement à se méfier de tous ceux qui ont justement enfariné le visage du Bon Dieu avec l’éclat argenté d’une petite poudre blanche.

Toute une histoire qui se déroule entre les mois de janvier et novembre 2006, année de référence, pour ceux qui veulent se donner à l’écriture des polars. Avec des protagonistes dont les visages peupleraient alors, pourquoi pas, certains quartiers sinistres de Medellin, en Colombie : Sanny Marouf, 34 ans, de nationalité béninoise (dans le rôle du facilitateur) ; Oluseyi Aboola Adeyinka, 41 ans, de nationalité britannique mais d’origine nigériane (affecté à la tâche de récupérateur des "colis") ; Philip Uit den Bogaard, 40 ans, de nationalité belge, aux fonctions demeurées inconnues ; Ali Boukar, 31 ans, stewart à la Camair, plaque tournante de toute la mésaventure ; et, bien entendu, toute une armée de policiers.

Six heures à bord d’un vol Cameroun Airlines qui se pose (normalement) à Paris – et à l’heure – paraissent toujours, à peu de choses près, relever d’un miracle : les passagers sortent de l’appareil, avec l’impatience d’une colonne de prisonniers proches d’une évasion. L’équipage les suit, costumes bleu nuit et chemises blanches. Tout se passe comme à l’ordinaire : sourires de dentiers, satisfaction convenue.

Parfait donc, dans le meilleur des mondes, mois de janvier parisien où l’hiver se montre aussi inclément que pénétrant. Détail comme un autre, tout de même, dans cet univers où le vent fait respirer la glace : un autobus attend les membres de l’équipe de vol au bas de la passerelle.

Il y a des hommes postés devant, les bras croisés, les bustes rebondis. Aucun d’entre eux ne semble prêt à sourire. Une fois l’équipage rassemblé au pied de l’escalier, il y a un homme en civil qui leur demande à tous de bien vouloir prendre place dans la navette présente. Joseph Houachissi, le commandant de bord, et François Bingono, le chef-pilote, s’y engouffrent, entraînant tout leur monde dans la même nasse.

En tout, une quinzaine de personnes. Chacun d’eux occupe une place au hasard. Karamoko Issiaka est le nom du chauffeur du bus ; il doit être malien, quelque chose, comme ça. Il ne parle pas. Mais conduit tout ce monde, au bout de quelques centaines de mètres de la porte J23, vers un bâtiment situé non loin de la zone d’atterrissage.

"Descendez de l’autobus avec tous vos bagages !" intime l’un des hommes, un Blanc. Il parait qu’il est douanier. Son nom ? Caroff M. Houachissi et sa troupe sont à terre. "Nous allons effectuer la fouille de vos bagages parce qu’il paraît qu’il y en a parmi vous a qui transportent des colis interdits", leur dit-il. L’équipage Camair est installé dans une salle. Les hommes de la Douane française s’introduisent alors dans le véhicule, le fouillent sans une minutie particulière et en sortent avec deux colis : des sacoches. Ils les apportent à l’endroit où se trouve installé l’équipage. Elles sont clairement mises en évidence sur le comptoir.

"A qui sont ces sacs, abandonnés sur l’un des sièges de l’autobus ?", demande M. Durand, l’un des membres de l’équipe de douaniers. Evidemment, personne ne répond. Il insiste : "A qui de vous appartiennent ces sacoches ?"

Paquets enrobés

Tout le monde secoue la tête pour dire que, non non, ce n’est pas moi. Bon, d’accord! Caroff et son collègue Pompouye décident alors de faire monter les débats : ils ouvrent les sacoches pour les "visiter", question de voir ce qu’elles cachent. Pendant ce temps, Karamoko Issiaka, le chauffeur de l’autobus, n’est toujours pas parti : il regarde tout cela avec les yeux arrondis d’un agent des services secrets.

C’est alors qu’il découvre que la première sacoche contient deux paquets enrobés de ruban adhésif de couleur marron. La deuxième sacoche, par contre, dissimule trois doubles parois anormalement épaisses dans lesquelles sont dissimulés trois petits paquets bien emballés. Les deux hommes interrompent leur visite. "Qui de vous a donc ces sacoches?", demande une fois de plus Durand ? Silence : certains, de cet équipage Camair, lui "tournent" même les yeux.

"Dans ce cas, puisque personne d’entre vous ne veut avouer, je vais vous demander de remonter dans le bus, et de vous asseoir à la place que chacun occupait avant de descendre tout à l’heure", dit-il. Mais l’affaire ne donne rien. Toujours un fantôme, comme propriétaire de ces sacoches. Les douaniers, somme toute habitués à ce type de situations, décident alors d’appliquer le jeu du "dilemme du prisonnier", c’est-à-dire, interroger les gens séparément pour faire disparaître la solidarité de groupe en émiettant la capacité de coordination par la circulation ou la dissimulation d’informations.

Les uns et les autres passent donc devant eux ; personne ne dit rien. Marie-Bernadette Manga vient s’asseoir. Elle s’écrie : "pardon Oh, moi je ne connais rien dans cette histoire !" Elle est au bord de larmes. Pitié ! Reste donc le tour de Boukar, Ali Boukar. On le traîne dans la salle d’interrogatoire avec ses deux bagages personnels. Question d’assurer une "réconciliation entre lui et les deux sacoches et obtenir tout simplement l’aveu, de lui, de ce que les sacoches en question lui appartiennent réellement".

Caroff présente alors à Ali le ticket d’embarquement en son nom, retrouvé dans les sacoches à problèmes. Ali est baba devant tout cela, trouvant sa capture complètement stupéfiante. Il n’est pas d’autre choix : "oui, je suis bien le propriétaire de ces deux sacoches", susurre-t-il d’une voix reptilienne; on le dirait ivre. Il est 0h 25, par là.

Caroff et Girard procèdent alors à un test "Cozart Cocaïne Soldis" sur chaque paquet. Boukar y pose un regard titanesque, vertical. Evidemment que tous réagissent positivement. Durand notifie alors au stewart de la Camair que "les faits relatés sont constitutifs d’une importation en contrebande de marchandises prohibées, fait prévu et réprimé par les articles 38, 75, 417 et 414 du Code des douanes". Durand fait aussi savoir au Camerounais qu’il est désormais, dès cet instant, 0h 30, placé en "retenue douanière". Les "marchandises" sont, bien entendu, saisies.

Les douaniers téléphonent alors chez M. Acchiardi, le substitut du procureur à la République du tribunal de Bobigny. Il est certes tard, mais ce n’est pas grave : cet homme est habitué à ce type de dérangements; c’est son job. Il est donc mis au courant de tout. Il demande que les hommes de la Direction nationale des recherches et des enquêtes douanières (Dnred) soient informés, dans le but d’approfondir le contrôle tout en déclenchant la procédure de police judiciaire. Durand nomme Caroff responsable de la retenue douanière d’Ali, toujours baba. Ce dernier est transféré vers un autre bâtiment, toujours au sein de l’aéroport de Roissy.



Source: Quotidien Mutations


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