L’on avait coutume de voir des jeunes femmes se livrer à la manucure dans les marchés de Yaoundé. Or, depuis quelques mois, des jeunes gens s’intéressent à ce secteur encore en friche. Si certains parmi eux le font par pur plaisir, Manuel Propre et Cyrille Le Mignon en ont fait leur gagne-pain. Au carrefour, Mvog-Mbi à Yaoundé, où ils sont établis, ils ne sont pas à l’abri des quolibets et des intrigues. " Doctor ongles ", par ci, " le mannequin " par là. Leur activité contraste bien avec la vente du pain, des oeufs, des chaussures en matière plastique et des ustensiles de cuisine qui a cours ici. Manuel Propre et Cyrille Le Mignon posent des ongles aux femmes. Et cela depuis trois ans.
Pour la gent masculine majoritaire dans ce coin du marché, " c’est un véritable scandale de voir deux hommes bien musclés faire des choses de femmes ". Hier, alors que Manuel et Cyrille s’attelaient à leur tâche, un jeune homme d’une trentaine d’années a interrompu sa marche pour les observer. Etonné de voir deux " garçons " manier avec dextérité des faux ongles et du vernis à ongles, au lieu de faire un métier qui fait appel à leur robustesse, il s’est juste exclamé : " c’est la paresse !" avant de reprendre la route. Pour d’autres, ils sont considérés comme des homosexuels.
Quand ce n’est pas eux-mêmes qui sont l’objet des remarques désobligeantes, ce sont les clientes qui en font les frais. A tour de bras, les passants lancent des " Tu vas encore laver les habits ", " Tes mains-là peuvent encore tenir la houe ?". Manuel et Cyrille accueillent tout cela avec sourire et philosophie. " Chacun a son opinion. C’est vrai que c’est étrange de voir deux hommes poser des ongles aux femmes, mais c’est un métier comme les autres ", avoue Cyrille Le Mignon. Pour attirer les clientes, ils y vont, eux aussi, de tous les compliments et de tous les petits noms possibles : " Bijou ", " ma puce ", " poussinet ", " ma jolie ". Les femmes aimant se faire complimenter, ils réussissent toujours, six cas sur dix, à en faire des clientes.
Approche
Poser les ongles est un véritable rituel pour ces deux jeunes hommes détenteurs d’un baccalauréat et d’un probatoire A4. Entre des chansons mimées pour mettre les clientèles à l’aise et des questions sur leur vie, ils les traitent avec des égards dignes de bons courtisans. "Notre objectif, c’est de mettre nos clientes à l’aise. Une seule qui part mécontente, c’est près de cinquante clientes potentielles que l’on perd. Alors, il faut tout faire pour les satisfaire par un travail soigné ". Le prix des poses dépend de la marque et du modèle. Ainsi pour la pose américaine qui consiste à poser l’ongle artificiel sur la moitié de l’ongle naturel, il faut débourser 2.000 Fcfa. Les poses ordinaires quant à elles reviennent à 1.500 et 1.000 Fcfa. Pour les femmes qui désirent y ajouter des effets décoratifs, c’est 500 francs de plus qu’il faut prévoir. Ils utilisent en moyenne une palette par jour.
Cependant Manuel et Cyrille avouent s’être lancés dans ce métier par effet de conjoncture. Tous les deux ont effectué un voyage au Bénin, l’un pour acheter des bijoux l’autre " pour se chercher ". La vie au pays de Mathieu Kérékou n’a pas été facile et c’est sur le tas que Manuel se forme en observant une femme qui en a fait son gagne pain au marché central de Cotonou. Revenu au pays en 2003, il prend place au carrefour Mvog-Mbi où le rejoint Cyrille un an plus tard. Les vingt clientes qu’ils reçoivent par jour leur permettent de subvenir à leurs besoins et à ceux de leurs familles. En attendant de trouver un endroit et des capitaux pour démonter toute leur expertise : pédicure, massage, soins du visage et coiffure.
Source: Quotidien Mutations
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