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Le coût de la mobilisation pour Biya à Paris
(07/08/2006)
L’argent du contribuable a été débloqué par le Cabinet civil de la présidence de la République pour la mobilisation des militants du Rdpc.
Par Norbert N. OUENDJI

On n’a pas fini de parler de la visite de Paul Biya en France, du 26 au 28 juillet. Près de deux semaines après, ce voyage officiel alimente encore les conversations dans certains milieux camerounais de l’hexagone. Il ne s’agit pas de revenir sur le bilan récolté à l’issue de cette mission essentiellement économique et politique. Ici et là, on veut surtout comprendre les raisons de l’échec de cet événement qui n’a pas mobilisé grand monde.

Des militants de la section Rdpc de France sont beaucoup plus préoccupés par ce malaise, d’autant plus qu’ils voulaient profiter de cette balade parisienne de leur illustre camarade, non seulement pour marquer des points par rapport à leur capacité de mobilisation, mais aussi pour lui faire passer des messages de soutien et des doléances. Qu’est-ce qui a donc fait problème, alors qu’un budget a été alloué aux autorités consulaires pour supporter les charges liées à leur déploiement ?

1 – Le cabinet civil, les fonds publics et le Rdpc

Nous avons en effet (re)découvert comment l’Etat continue de mettre impunément les fonds publics au service du parti au pouvoir ou à détourner l’argent du contribuable au profit de la formation politique présidée par Paul Biya. Dans un “ message fax urgent ” envoyé aux présidents des sous-sections Rdpc de Marseille, Lyon, Toulouse et Bordeaux le 21 juillet, Basile Messobot Sep, consul du Cameroun à Marseille, rassure : “ Les frais de transport de vos localités respectives à Paris seront remboursés sur place pour les militants qui voyagent par train ”. De plus, le ministre plénipotentiaire souligne que les dépenses relatives à l’hébergement et au petit-déjeuner sont plafonnées à 55 euros par personne, soit un peu plus de 36 000 Fcfa... “ Il est recommandé aux militants de réserver une nuitée dans des hôtels de première classe ”, précise-t-il. Quant aux factures de location de bus, elles devaient être réglées directement aux sociétés concernées par Nkwelle Ekaney, consul général du Cameroun à Paris et président de la sous-commission (de sept personnes) chargée de la mobilisation des compatriotes installés en France. Nous n’avons pas pu obtenir le montant global du pactole mis à la disposition de ce dernier par le cabinet civil de la présidence de la République. Toujours est-il que la façon dont il a été géré pose problème. Elle divise notamment les membres de la section Rdpc/France, certains estimant avoir été lésés dans le partage de ce “ gombo ”, qu’ils revendiquent comme s’il s’agissait d’une somme émanant de la trésorerie de leur parti.

“ La logique transparente voudrait que toute subvention soit solennellement remise à une délégation du parti en fixant les objectifs et la répartition équitable à respecter entre les sous-sections. Le choix d’allouer les moyens de façon secrète et discrétionnaire est injuste […]. Pourquoi s’étonner du médiocre résultat dès lors que l’argent n’est pas allé pour l’essentiel à l’entreprise de mobilisation ”, souligne un rapport non daté établi par quelques membres du Rdpc/France, parmi lesquels Jean-Baptiste Amvouna, dont la qualité de vice-président est contestée par les officiels. “ Des cars à moitié remplis sont passés par des villes où des militants n’ont pas pu venir faute d’argent. La plupart des groupes de danse ont été payés par des sponsors extérieurs ”, observent-ils, exprimant leur soif de savoir à quoi a servi l’argent débloqué pour organiser l’accueil de Biya en France.

2 - Le coût de la mobilisation

Ce document révèle que chaque sous-section était censée recevoir 7000 euros (plus de 4,5 millions Fcfa), ajoutant, sans aucun autre détail, qu’une seule en a bénéficié. Information que dément vivement le consul général du Cameroun : “ Les gens racontent n’importe quoi. Notre budget ne nous permettait pas ce luxe. Nous avons utilisé ce qu’on nous a donné en respectant les directives de la hiérarchie. L’argent était distribué en fonction du nombre des personnes constituant les délégations ”. Il ne consent pas à donner le moindre chiffre. Il n’aide pas non plus à en savoir davantage sur les indiscrétions concernant les cotisations que les personnels de l’ambassade et du consulat auraient initiées pour relever le budget jugé insuffisant. “ Tout ce qu’il faut savoir est que nous avons respecté nos engagements. Nous nous sommes occupés de tout le monde”, affirme ce diplomate à la porte de la retraite.

Notre enquête a toutefois permis d’avoir quelques données. Aujourd’hui, Le Messager est en mesure de révéler que la délégation conduite par Serge Kanga, président de la sous-section Rdpc de Toulouse, a perçu une somme comprise entre 5000 et 7000 euros avant de faire le déplacement de Paris mercredi 26 juillet à 5h du matin. Celle de Lyon, avec à sa tête Angeline Akoumba, s’en est tirée avec 5100 euros (plus de 3,3 millions Fcfa), dont 2500 euros (plus de 1,6 millions Fcfa) pour la location d’un bus de cinquante places, 1950 euros (plus de 1,2 millions Fcfa) pour le logement et 650 euros (426 000 Fcfa) pour la restauration. Bordeaux a reçu 3000 euros (près de 2 millions Fcfa) le 25 juillet, tandis que Messi, venu de Strasbourg, a perçu une indemnité forfaitaire de 180 euros (118 000 Fcfa) pour une nuitée à Paris, tout comme deux de ses camarades ayant voyagé avec un mini bus loué pour le seul trajet aller...

3 – L’énigme “ Mbarga ”

Nous n’avons pas pu collecter des éléments consistants sur les sous-sections Rdpc de Marseille, Nantes et Lille. Mais elles sont également passées à la caisse. Paris n’aurait pas été oubliée. Cette dernière éventualité est évoquée par ceux qu’on appelle dans la capitale française les “ rebelles ” du parti au pouvoir, particulièrement les auteurs du rapport cité plus haut : “ […] on ne saura jamais quelle somme a été remise au président de la section [Ndlr : Armand Mbarga]. Il ne validera jamais les commissions corrigées lors d’une longue séance de travail le 20 juillet, toujours sans sa présence [sic], occupé par ses transactions avec le consul général. C’est ainsi que le jour de l’arrivée du président [Biya], aucun cadre du parti ne maîtrise rien ”. Joint au téléphone vendredi 4 août (après plusieurs tentatives infructueuses) pour avoir sa version des faits, Armand Mbarga a différé notre conversation, promettant de nous rappeler...Engagement non honoré, alors que les accusations formulées contre lui sont graves. Il est au cœur de toutes les critiques au sein et en dehors du Rdpc/France. Son absence pendant la semaine qui a précédé l’arrivée de Biya à Paris n’aurait pas facilité les choses. Son attitude embarrasse certains de ses camarades, qui auraient pourtant soutenu son option de réclamer, dès son retour du Cameroun où il avait participé au congrès extraordinaire du Rdpc, “ une autonomie du parti dans la mobilisation de ses militants et une restitution des subventions [qui lui étaient] destinées ”.

“ Quand il partait au pays, nous lui avons demandé de prendre certaines dispositions. Il n’a rien fait. Nous nous sommes débrouillés comme nous pouvions ”, souligne la présidente de la sous-section de Lyon, faisant observer qu’ici, comme ailleurs, des affiches ont été faites pour les besoins de la cause. Mme Angeline Akoumba insiste sur l’apport de Bordeaux, même si globalement, au 21 Quai Le Gallo, siège de notre ambassade à Paris, on pense que le parti n’a pas été très actif dans la préparation de cette visite. Dès le 19 juillet, la sous-section de Bordeaux avait préparé un document de cinq pages articulant les modalités d’un accueil idéal. Son président, Me Martin Longo, avocat au barreau de Bordeaux, a passé une semaine à Paris pour défendre ce projet et contribuer à la mise en place d’un dispositif adéquat. Il avait notamment fait confectionner des badges pour les différents membres du parti concernés. Comme lui, beaucoup ont abandonné leur boulot pour aller à la rencontre d’un personnage pour lequel ils disent avoir de l’admiration. Ils ont plutôt eu affaire à un “ fantôme ”. Ils n’ont pas pu discuter avec celui qui a été reçu à l’aéroport d’Orly le 26 juillet par le ministre français du Tourisme... Ils sont rentrés bredouille. Désillusionnés. Ils se disent déçus, y compris par leur président, Armand Mbarga, qui n’aurait pas fait les démarches nécessaires pour solliciter une audience avec le septuagénaire d’Etoudi. “ Nous ne savions quoi dire à nos militants lorsque nous sommes rentrés à Lyon. Beaucoup étaient convaincus que le chef de l’Etat, qui est aussi le président du parti, nous avait reçu. C’est une grosse frustration ”, déplore Angeline Akoumba.

4 - Le couac de la Place Vendôme

Le principal tournant pour les Camerounais était la Place Vendôme, précisément devant l’hôtel Ritz où était logé Biya. C’est ici qu’ils avaient la chance de le voir et de le rencontrer. Si à l’ambassade du Cameroun à Paris, on se réjouit de l’accueil populaire que lui a réservé quelque 300 personnes à Orly, certains observateurs et partisans du Rdpc s’interrogent sur la défaillance observée ici. “ Même si le seul car arrivé avec cinq minutes de retard avait été à l’heure, il n’y aurait pas eu grand monde, juste une cinquantaine alors qu’il était prévu au moins un demi-millier de militants devant l’hôtel, c’est-à-dire trois sous-sections provinciales, trois sous-sections de Paris ainsi que les non-militants. Aucune autorité n’y était présente ”, constate le rapport mentionné précédemment. La représentation diplomatique de notre pays se défend, indiquant qu’il était difficile, voire impossible d’être à la fois à l’aéroport et à l’hôtel Ritz pour l’accueil du chef de l’Etat, compte tenu de la distance qui sépare les deux destinations et des obligations protocolaires qu’exige ce type de visite. Elle précise que les services de sécurité française n’étaient pas favorables à une très grande mobilisation, mais apprécie le doigté avec lequel ils ont encadré le groupuscule qui y est resté quelque temps, dans l’espoir de voir le président.

Pour éviter des surprises, certaines délégations privées de l’étape d’Orly, étaient invitées à s’y rendre. Mais il faut reconnaître que les indications horaires leur ont joué un sale tour. A celle de Toulouse par exemple, il avait été demandé d’être au Ritz à 19 h. Or, Biya avait débarqué sur les lieux quelques minutes plus tôt. “ J’avais le cœur gros : avec ce loupé, j’ai réalisé qu’on avait voyagé pour rien ”, confie Serge Kanga qui, dans le civil, est responsable administratif et financier à la direction régionale de Decathlon pour le Sud-Ouest à Toulouse. Une déception qui a gâché la suite de sa soirée, si on s’en tient au témoignage qu’il nous a livré au téléphone samedi 5 août. Il a néanmoins pu rejoindre les compatriotes au cocktail dînatoire d’environ 500 couverts organisé par l’ambassade au Forum de Grenelle - rue de la Croix-Nivert ce jour-là, même s’il n’apprécie pas le désordre qui y a prévalu. “ On n’a pas respecté les gens. Pour être servis, il fallait batailler fort… ”. Ce sentiment est partagé par plusieurs autres militants. “ Nous avons la conscience tranquille ”, répond un collaborateur de Pascal Biloa Tang, ambassadeur du Cameroun en France depuis une décennie. “ Nous avons fait notre travail. Des dispositions utiles ont été prises dans un délai relativement court, pour mobiliser la communauté. Nous ne sommes pas déçus des résultats obtenus. D’ailleurs, nous avons reçu une lettre de félicitation de Yaoundé ”, ajoute-t-il.

Chacun tire donc la couverture de son côté. Au-delà du “ sabotage ” que soupçonne Jean-Baptiste Amvouna que nous avons eu au téléphone avant son départ au Cameroun la semaine dernière, il faut signaler que Biya se fiche pas mal de la diaspora. Toujours discret et manifestement paresseux, il ne fait aucun effort personnel pour s’entretenir avec elle lorsqu’il est à l’étranger. Les Camerounais n’ont pas la chance qu’ont les Sénégalais, dont le président défie parfois le protocole lors de ses descentes dans les quartiers de Bordeaux et d’ailleurs, lorsqu’il est en visite en France. “ Tout projet de rencontre avec les Camerounais a été écarté, aucune motion de soutien n’a été adressé publiquement ”, déplore la section Rdpc/France, craignant de ne pas avoir “ une autre opportunité d’aussi tôt ”…

5 – En finir avec le folklore

Au total, Biya a manqué une fois de plus l’occasion de sympathiser avec ses compatriotes d’ici et auxquels il n’a pas encore accordé le droit de vote ! De sa visite, il n’a tiré aucun bénéfice sur le plan affectif et politique, la diaspora camerounaise non plus. Par ailleurs, en donnant une coloration essentiellement “ Rdpc ” à la dimension “ mobilisation ”, les autorités diplomatiques sont tombées dans le piège de la discrimination et de l’exclusion. Cela leur a peut-être permis de mesurer les limites d’une telle stratégie et de comprendre qu’à l’étranger, elles représentent non pas le parti, mais les Camerounais dans leur ensemble. Elles doivent mettre les moyens qu’il faut, pour les identifier et les répertorier, au lieu de brandir l’argument, du reste contestable, qu’elles ont du mal à trouver des interlocuteurs autres que les représentants du Rdpc... On espère aussi que ces autorités tireront les leçons de l’improvisation et du manque de coordination qui ont caractérisé la gestion globale de cette visite présidentielle dont le volet communicationnel a été un fiasco flagrant.

Mais, en fin de compte, n’a-t-on pas mieux à faire que de perdre son énergie, son temps et l’argent du contribuable dans des futilités comme la mobilisation des gens pour la venue d’un chef d’Etat en France ou ailleurs ? Ce folklore, source d’intrigues diverses, de conflits de compétences gênants et d’appétits financiers nauséeux, est coûteux et foireux pour rien. Il est ridicule et pas du tout sérieux de réduire des Camerounais, parmi lesquels des élites et des hommes dignes de respect, à des applaudisseurs qu’on réquisitionne pour faire foule afin de donner l’impression au prince qu’il est populaire. Il faudrait aussi qu’un jour, ces derniers prennent conscience de l’instrumentalisation dont ils sont l’objet et en tirent les conséquences. Dans l’intérêt du développement du Cameroun.



Source : Le Messager










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