A partir de 20h30, le nombre de cinéphiles de “ Ernesto ciné ” augmente. Nous sommes à Bonamoussadi, une sorte de quartier général des étudiants à Yaoundé. L’engouement n’est pas pour le journal de la Crtv. L’heure est plutôt à “ L’allumeuse ”, le film X du jour. Sur le tableau d’affichage, on peut lire : 20h30 l’Allumeuse, 22h Les tigresses.
Dans la pénombre de la salle, une vingtaine de jeunes, entre 18 et 30 ans, cherche des places stratégiques au fond de la salle. Quelques filles sont également de la partie, accompagnées de leur copain. “ Il faut qu’une fille soit vraiment courageuse pour venir ici seule, parce que les garçons ont souvent des mots et des comportements très déviants ”, confie Ernest Mbia, le tenancier de “ Ernesto ciné ”. “ J’espère que tous les mineurs sont dehors ”, lance une voix grave dont on distingue difficilement le visage dans la salle mi-obscure. La loi dans ce ciné club dispose qu’à 19h30, les moins de 18 ans doivent libérer la salle. Car, les projections qui suivent sont réservées aux adultes. Quant à savoir comment s’effectue le contrôle, “ Je me contente de regarder l’aspect physique. Quand je constate que tel à un aspect très jeune, je lui demande de sortir. C’est vrai qu’il y a certains qui se faufilent souvent ”, explique Ernest. A croire que les enfants qui grandissent vite n’ont pas de problèmes dans ce milieu. Surtout qu’il faut juste prévoir une somme de 100F pour l’entrée.
Engouement
Pour atteindre le vidéo club de Ernest, il faut se faufiler entre des murs exigus, suivre une piste à la fois rocailleuse et glissante. Ni ce parcours compliqué, surtout dans la nuit, ni même la précarité du cadre, n’empêche les amateurs des films X d’honorer leur rendez-vous. La plupart d’entre eux sont des étudiants qui s’y rendent pour diverses raisons. Pour Didier F. étudiant en histoire à l’université de Yaoundé I, “ c’est pour m’instruire davantage sur le sexe et pouvoir satisfaire chaque jour ma copine. Je veux être à jour sur les types de positions par exemple ”, explique-t-il, l’air enthousiaste. Pour d’autre, c’est une forme de distraction. Vincent, 26 ans, est un habitué des lieux. Il déclare que c’est une façon d’échapper à l’infidélité. “ Ma copine est allée en vacances depuis plus d’un mois. Alors, je viens un peu me satisfaire ici pour ne pas la tromper. Ça me permet de calmer mes instincts sexuels ”, avoue-t-il, décontracté. D’après Annette qui se trouve en galante compagnie, “ c’est pour désacraliser le sexe et être à l’aise pendant les moments intimes ”.
“Ernesto ciné ” est l’un des trois vidéos clubs subsistant dans le secteur. A quelque 300 mètres de chez Ernest, se trouve le vidéo club où Mesmer Tekem officie comme “ katika ” ( gérant en quelque sorte). “ Lolo à gogo ” est le film “ choc ” de la soirée. Placé devant la porte, il contrôle les entrées et les sorties. A voir sa mine, il n’y a pas de complaisance. “ Les parents venaient souvent faire des problèmes ici, se plaignant qu’on laisse leurs enfants regarder les films pornographiques. Donc, maintenant, nous sommes très rigoureux, parce qu’on ne peut pas arrêter de projeter ces films. Ce sont eux qui nous font avoir un peu d’argent”, s’empresse-t-il d’expliquer.
La vulgarisation des vcd (video compact disc), il y a quelques années, à amener la plupart des video clubs à faire faillite. Ceux encore en activité arrivent à tenir grâce à la projection des films pornographiques très courus. Ces appareils qu’on retrouve maintenant à des prix dérisoires permettent à bon nombre de gens de regarder les films chez eux. C’est le cas de Stéphane, étudiant en faculté de sciences, qui sort de chez Mesmer avec un lot de CD en mains. “ Je viens souvent louer les films chez les gérants des ciné clubs, surtout les films X. Je fais même une sorte de collection de ces films. Ça me permet souvent de passer de bons moments ”, déclare-t-il. Plusieurs, comme lui, préfèrent se terrer dans leur chambre pour visionner “ les grands matchs”.
Source : La Nouvelle Expression
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