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Edition : Le Cameroun contrôlé par l'étranger
(28/07/2006)
Selon des statistiques disponibles aux éditions Clé à Yaoundé, la part des éditeurs locaux dans la production des manuels scolaires au programme au Cameroun baisse d'années en années.
Par Justin Blaise Akono

Selon des statistiques disponibles aux éditions Clé à Yaoundé, la part des éditeurs locaux dans la production des manuels scolaires au programme au Cameroun baisse d'années en années. De 22,7% en 1994-1995, elle est passée à 15% en 1997-1998 puis à 12,7% en 2004-2005. Dans l'enseignement technique, les éditeurs locaux n'ont que 0,4%. En 2006, les prestations des éditeurs locaux se présentent comme suit: 16,67% pour l'enseignement maternel et primaire, 8,24% pour le secondaire général, 2,5% pour le secondaire technique et 33,33% pour le secondaire anglophone. Daniel Nadjiber, le responsable marketing et commercial des éditions Clé estime que "la part des éditeurs locaux dans le marché du livre scolaire représente quelque 6%. La part du secteur anglophone, en nette progression, est évaluée à 20%".

Les enjeux financiers des différentes évaluations sont énormes. "Le marché du livre scolaire représente plus de 10 milliards Fcfa. Les 6% des locaux peuvent baisser de 1 à 2%, car les livres édités par les Camerounais sont consacrés à la littérature", confie Daniel Nadjiber qui ajoute que "les livres de littérature ne sont pas prioritaires pour les parents, ils ne coûtent pas cher et sont toujours en concurrence avec les éditeurs étrangers". Une situation que les éditeurs locaux n'apprécient pas. Ils brandissent l'argument culturel pour exprimer leur colère. "Les dirigeants africains n'ont pas encore compris le poids de la culture dans le développement. On ne voit pas encore le livre comme le socle de la construction nationale", opine Serge Dontchueng Kouam, le directeur général des Presses Universitaires d'Afrique (Pua), par ailleurs président de l'association des éditeurs du Cameroun.

Les éditeurs camerounais disent être les seuls à pouvoir intégrer dans les manuels scolaires la culture locale. "Même en mathématique, il est plus important de s'approprier les noms des personnes et des lieux pour que l'élève se sente concerné", pense Daniel Nadjiber. Ce que ne soutient pas totalement Jean-Claude Awono. Pour le président de la Rondes des poètes, "les éditeurs du Nord financent l'expertise locale pour pouvoir intégrer l'aspect culturel dans les manuels scolaires. Car ils ont beaucoup de moyens". Néanmoins, le Rwandais Tharcisse Gatwa, directeur de Clé, par ailleurs président du réseau des éditeurs du Cameroun (Rec), avance qu'"aucun pays étranger n'aidera [nos] pays dans la tâche d'élévation des capacités intellectuelles pour leur développement, ni dans la construction d'une identité culturelle à la hauteur des enjeux internationaux". Et pourtant, relever ce défi reste un défi pour les éditeurs locaux.

Les éditeurs sont chargés de recevoir les manuscrits, de les lire, les traiter, les faire imprimer s'ils sont bons à publier et d'assurer leur diffusion. "Hormis les Presses universitaires d'Afrique et les éditions Clé, les autres maisons d'édition sont presque inexistantes", pense Jean-Claude Awono, le président de la Rondes des poètes, qui possède aussi une maison d'édition éponyme. Dans la zone francophone, l'on dénombre une dizaine de maisons.

Précarité
Notamment les éditions Clé créées en 1963 par l'Eglise évangélique et considérées comme leader dans le secteur local ; le Ceper (centre d'édition et de production pour l'enseignement et la recherche), né des cendres du Cepmae (centre d'édition et de production des manuels scolaires) créé par l'Etat juste après l'indépendance, les Classiques camerounais, la Sopecam (société de presse et d'édition du Cameroun), les Presses universitaires de Yaoundé, Ka'arang (à Ngaoundéré) et les Presses de l'Université catholique d'Afrique centrale, pour les plus connus. Dans la zone anglophone, l'on peut citer Anucam, Cosmos Publisher et Press Book. Mais, "la plupart des maisons d'éditions anglophones sont des succursales des firmes étrangères", informe le président de la Ronde de poètes.

Toutes affichent presque les mêmes tares : des livres mal façonnés, qui laissent couler des encres, présentent des reliures approximatives, des pages qui manquent, des erreurs de grammaire et d'orthographe, etc. Souvent, lorsqu'une maison obtient l'aval de la commission nationale des agréments des manuels scolaires de produire un livre, les stocks sont insuffisants, le produit ne parvient pas à temps et à tous les élèves, faute de moyens de diffusion et de distribution efficaces. La coédition entre locaux n'est pas encore une réalité. Or, le livre en général, principalement le manuel scolaire exige d'énormes moyens financiers à investir pour la recherche. Des capacités que possèdent les éditeurs du Nord.

En choeur, les éditeurs camerounais excipent le manque de moyens financiers. "Les maisons d'éditions se débrouillent avec les moyens de bord", reconnaît Jean-Claude Awono. Et Serge Dontchueng Kouam de renchérir qu'"aucune banque ne peut consentir à nous faire un prêt préférentiel pour financer la production du livre". Dans le chapelet des insuffisances, les éditeurs locaux disent être sinistrés par la piraterie et des pratiques peu louables des dirigeants politiques. "Les éditeurs étrangers font de la concurrence déloyale à travers des pressions politiques", accuse Daniel Nadjiber, le responsable marketing et commercial des éditions Clé.


Doléances

Certains éditeurs, sous le sceau de l'anonymat, estiment que le partenariat entre la Fondation Chantal Biya et Edicef (France), qui construit les écoles "Les Champions Fcb" au Cameroun depuis quelque temps en est une parfaite illustration. Les responsables du réseau des éditeurs du Cameroun accusent la Société civile des droits de la littérature et des arts dramatiques (Sociladra) de harcèlement. Selon Tharcisse Gatwa, le président du Rec, la Sociladra exige que les éditeurs paient une taxe d'estampillage du livre estimée à 200 Fcfa par exemplaire. Or, les éditeurs pensent que l'adhésion à cette société de collecte de gestion collective n'est pas obligatoire.

"Le paradoxe est que le maximum du budget du Cameroun va dans l'éducation et rien n'est fait pour s'approprier le manuel scolaire", constate Serge Dontchueng Kouam. Le président de l'association des éditeurs du Cameroun s'insurge contre la privatisation du Ceper. "On ne privatise pas l'éducation, on ne libéralise pas ce secteur", ajoute-t-il. Les éditeurs, réunis sous la coupole du Rec, estiment que l'Etat devrait leur accorder un quota d'au moins 50% des manuels au programme scolaire, dans les domaines où ils ont soumissionné et que les listes adoptées par la commission nationale d'agrément des manuels scolaires soient publiées au plus tard le 1er mai afin de permettre aux éditeurs de faire imprimer les stocks nécessaires et de les acheminer sur toute l'étendue du territoire. Les fondamentaux pour espérer se faire une place au soleil de l'édition compétitive.

Source : Quotidien Mutations




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