l y a environ 15 ans, quelque six banques à capitaux mixtes ont dû mettre la clé sous le paillasson. Pour, entre autres raisons, l’importante ardoise des créances compromises.
Par Jacques DOO BELL
Il y a environ 15 ans, quelque six banques à capitaux mixtes ont dû mettre la clé sous le paillasson. Pour, entre autres raisons, l’importante ardoise des créances compromises. Pour recouvrer ces fonds, l’Etat a mis sur pied la Société de recouvrement du Cameroun (Src).
C’est par un décret du 18 août 1989 que la Société de recouvrement des créances du Cameroun (Src) a été créée. Placée sous la tutelle du ministère des Finances, elle avait pour objet principal, à l’origine, la reprise des actifs et du passif de la Société camerounaise de banque (Scb) non-repris par la Société commerciale de banque-Crédit lyonnais Cameroun, ainsi que le recouvrement contre rémunération, des créances douteuses et/ou contentieuses détenues par les institutions financières publiques. Son activité a été étendue par un autre décret, le 23 janvier 1991. Elle est ainsi chargée de la liquidation à l’amiable des actifs et du passif de tout établissement public de crédit qui lui est confié par l’autorité de tutelle. Elle peut, par ailleurs, étendre ses activités à toutes les opérations de recouvrement qui lui sont confiées, soit par des entreprises non-financières du secteur public, soit par d’autres entreprises des secteurs parapublics et privés.
Les banques en liquidation qui se trouvent dans le portefeuille de la Src sont la Cameroon Bank, la Bccc, la Biaoc, Paribas, la Banque camerounaise de développement (Bcd), la Société camerounaise de banque et le Fonader. Les banques pour lesquelles la Src dispose d’un mandat de recouvrement sont la société générale de banque au Cameroun (Sgbc), la Banque internationale pour le commerce et l’industrie au Cameroun (Bicic) et la Bmbc.
Disposant d’un capital de 500 millions de Fcfa, la Src est un établissement public à caractère financier. Pour mener à bien sa tâche, elle a, en décembre 1994, obtenu le privilège du Trésor qui lui permet de saisir les comptes et les avoirs des débiteurs qui se révèlent, fondamentalement, des mauvais payeurs. La Src, dont le président du conseil d’administration était le ministre de l’Economie et des finances jusqu’à une époque récente, s’affirme comme l’outil d’assainissement non seulement de la situation du secteur bancaire mais également de l’économie.
C’est un gendarme auquel il est difficile aujourd’hui d’échapper. Le recouvrement est son objectif principal. Elle a à gérer un gros porte-feuille de débiteurs que l’on retrouve souvent dans les hautes sphères de l’administration et du monde des affaires et qui, de ce fait, sont loin d’être des débiteurs de bonne foi. C’est donc dans le cadre de ses missions ordinaires qu’elle a dressé en début d’année la liste d’un certain nombre de ses créanciers qu’elle a saisi pour leur rappeler leur dette et leur faire payer si possible. Cette action peut être considérée comme un réveil de cette société qui a à sa tête de nouveaux hommes. Elle n’a donc pas à voir forcément avec l’opération Epervier ou alors les dénonciations voilées du président de la République.
Il existe néanmoins, laisse-t-on entendre à la Src, des personnalités qui paient spontanément dès lors que la Src les relance. Mais d’aucuns refusent systématiquement de payer. Cela se comprend d’autant plus que, ne pas payer ses dettes est un sport très prisé au Cameroun. La plupart de ces crédits avaient été contractés pour la construction des immeubles d’habitation ou à mettre en location. D’autres les auraient utilisés pour créer des entreprises ou unités industrielles qui aujourd’hui prospèrent, malgré la morosité économique ambiante. Avec toutes les garanties exigées par les établissements financiers dans ce genre d’opérations : avalistes ou biens hypothéqués, etc. Avec l’engagement formel écrit que les crédits seront régulièrement payés par virement irrévocables. Mais “ impossible n’est pas camerounais ” surtout quand on est un grand dans ce pays.
La plupart de ces débiteurs, malgré les revenus substantiels générés par les immeubles ou les affaires qu’ils ont engagés n’arrivent pas toujours à honorer leurs engagements vis-à-vis de la Src. Certains sont morts, certes, mais leurs ayant-droits ont hérité de leurs biens mais ignorent les dettes laissées. D’autres à l’instar de Pierre-Désiré Engo et Titus Edzoa sont en taule. Ainsi que Eyebe Lebogo depuis février dernier. Mais d’autres ne réagissent absolument pas dont certains ministres et proches collaborateurs de Paul Biya. Ce qui laisse perplexe le commun des mortels qui se demande quand est-ce que ces intouchables rendront-ils gorge ?
A la Src, on soutient que l’instauration de ce “gendarme” a malgré tout permis de moraliser quelque peu le fonctionnement de la société camerounaise. “ Chaque fois qu’une personnalité est nommée au gouvernement ou à un poste important dans l’appareil étatique, il nous est demandé d’établir sa situation vis-à-vis des banques ”, confie un cadre de la maison. Ce qui est à vérifier. La Banque mondiale aurait aussi souhaité que soit publiée la liste des personnalités publiques qui sont de mauvais payeurs. Une solution extrême, estime-t-on là-bas, mais qui ne manquerait pas d’être riche d’enseignements. En attendant, Le Messager dévoile ceux des débiteurs de la Src qui détiennent encore des milliards empruntés depuis des lustres auprès des banques dont ils ont provoqué la faillite. On y trouve de tout, voire des ministres en fonction. Comment donc ont-ils pu se trouver là où ils sont si leur dossier financier devait peser sur leur nomination ? Du pain sur la planche non seulement pour la Src mais aussi pour toute la batterie d’organes mis en place par Paul Biya pour traquer corrompus et autres prédateurs de la fortune publique, à savoir la Cour de comptes, la Commission nationale anti-corruption (Conac), l’Agence nationale d’investigation financière (Anif), le ministère chargé du Contrôle supérieur de l’Etat, etc.
Des barons pilleurs de banques
Les créanciers qui n’ont pas du tout réagi après avoir contracté la dette