Rdpc : trop de folklore, d’argent, que l’idéologie repose en paix !
C’est avec une rare crudité dans les mots et l’expression que Paul Biya, le président du Rassemblement Démocratique du Peuple Camerounais a livré le discours d’ouverture du 3ème congrès extraordinaire du parti au pouvoir qu’il dirige, hier 21 juillet, en présence des délégués et des invités venus des quatre coins du pays et de l’étranger, pour un congrès dont le seul point à l’ordre du jour était la désignation d’un nouveau président du parti au pouvoir, après l’arrivée à échéance du précédent mandat le 7 juillet dernier.
Paul Biya a enflammé les foules et les esprits des Camerounais, au-delà même du palais des congrès où se tenait la rencontre de son parti. Le discours de près d’une heure prononcé à l’occasion aura été une diatribe sur les travers et les grossièretés de la gestion du parti, mais aussi du pays par ceux qui en ont la charge et qui se recrutent principalement (intégralement même) au sein du parti « des flammes ». Le chef du parti y a fait un bilan de son mandat, de la vie du pays ces 5 dernières années, des avancées comme la décentralisation, la mise en place des institutions pré vues par la constitution du 18 janvier 1996, la venue prochaine d’un code de la famille, l’adoption d’un nouveau code de procédure pénale qui contribue à unir d’avantage le pays, l’intégration de la société civile dans le processus électoral.
Il a même annoncé la mise en place effective su Sénat avant la fin de son septennat en 2011.
La montée en puissance de la justice populaire a également pris quelques lignes dans le discours du président sortant, pour seriner que la sécurité des populations incombe aux forces de défense, pas à des individus. Initiative PPTE, affaire Bakassi, rien ayant marqué ces derniers mois l’histoire du pays n’a été oublié, ni même « l’inertie ambiante » de l’administration camerounaise. Inertie, un mot qui avait déjà fait sensation au cours du discours à la nation du 31 décembre 2003.
Mais, a enchaîné aussitôt Paul Biya, « nous avons encore un grave problème de moral publique », évoquant sans ciller les fraudes, la corruption au sein de l’administration et de la société camerounaise. « Des sanctions sévères ont été prises au cours de ces derniers mois…et cela va continuer », a-t-il lancé dans une salle du palais des Congrès électrisée à chacune de ses formules choc dont l’onde parcourait également les militants massés à l’extérieur écoutant le discours, au moment où l’orateur va déclarer que «ceux qui se sont enrichis aux dépens de la fortune publique devrons rendre compte…les délinquants en col blanc n’ont qu’à bien se tenir ! »
C’est alors l’explosion d’applaudissements et de sons gutturaux dans la salle comme à l’extérieur où des chants laudateurs à l’endroit du chef du parti sont entonnés, interrompant le discours pendant une minute. Le président sortant du Rdpc va continuer sur le même erre : « les dérapages observés ces derniers temps ne sont pas seulement financiers… » Il évoquait ainsi les scandales liés à la publication des listes de présumés homosexuels et milliardaires du pays en début d’année. « Le prix de la liberté de la presse c’est la responsabilité ».
Ne pas confondre les biens de l’Etat et ceux du parti
Paul Biya a enfin porté un regard dur sur son propre parti, dont les pratiques ne sont pas des plus démocratiques, où l’argent a pris le pas sur la militantisme originel, le folklore submergé la réflexion et l’idéologie remplacée par des orgies gargantuesques. Il a dénoncé la confusion que certains cadres de son parti font entre les moyens du parti et ceux de l’Etat. «La distinction entre l’administration et le parti n’est pas évidente pour tous… nous ne sommes plus à l’ère du parti unique ! » a lancé Paul Biya à ces grosses légumes du parti qui sans vergogne, mobilisent de gros moyens de l’Etat pour la conduite des affaires du parti et bien souvent personnelles.
Le financement du parti doit se faire de façon autonome a tenu a rappeler Paul Biya, des propos, comme les précédents qui ont sans doute estomaqué ses plus fidèles supporters, directeurs généraux d’entreprises publiques, ministres, ou hauts fonctionnaires n’hésitant pas à mobiliser l’argent du service publique pour mener des actions partisanes. Paul Biya a donc désavoué « ceux-là », tout comme il a désavoué avec un rare cynisme le folklore de tout ce bataillon de « personnalités ressources » (ministre, Dg, hommes d’affaires) du parti qui font la pluie et le beau temps du parti sur toute l’étendue du territoire national au grand dam des présidents de sections et sous-sections élus. « Ce n’est ni l’argent, ni la capacité d’organiser des fêtes où on danse plus qu’on ne pense » qui font un parti politique ; et de poursuivre, « en effet, le folklore n’a rien à voir avec l’engagement politique ».
« Le Rdpc doit être un parti de militants et non un parti d’état-major ! » Une véritable révolution : Paul Biya lui-même dénonce la trop grande place que se donnent ses collaborateurs dans le parti au détriment de jeunes et de femmes, et de militant de base qui sont pourtant le socle populaire essentiel d’une formation politique.
Paul Biya désavoue les « baleines » du parti et se réconcilie avec sa base
Le Rassemblement démocratique du peuple Camerounais est devenu en effet ces dernières années au mieux une machine politique pour les réélection de Paul Biya à la tête du pays, au pire un cheval de bataille pour quelques « élites-personnalités-ressources-d’accompagnement » en quête de postes juteux au sein de l’administration très souvent au prix des luttes intestines viscérales dont le seul but n’ést que le positionnement d’un individu au devant du parti et donc de l’administration publique.
Un parti où les meetings n’ont plus d’intérêt que pour les festins gargantuesques, les distributions des sommes d’argent qui y ont cours, où l’on adhère bien souvent pour avoir des avantages au sein de l’administration, quelques rouleaux de tissus, un plat de nourriture ou une bouteille de bière. Et Paul Biya de regretter l’« Ecole des cadres du parti » qu’il faudra sans doute réhabiliter, pour redonner une dimension idéologique et populaire au parti. Le parti a besoin de recruter d’avantage parmi les intellectuels et les jeunes, a souligné l’orateur dans ce discours aussi dense qu’intense.
Puis, dans un timing et une orchestration suisse, propre à la discipline du parti, ce dont personnes ne se doutait est arrivé. En début de soirée, dans une déclaration lue par le vice-président de l’Assemblée nationale Hilarion Etong, les délégués du parti vont réélire Paul Biya comme président du parti pour les 5 prochaines années.
Il est resté, à la fin de ce congrès extraordinaire historique, l’impression que Paul Biya amorce lui-même la fin d’une époque dans son parti qui après lui, devra se rajeunir humainement et idéologiquement, pour gérer l’inéluctable transition politique en vue au Cameroun.
Avant de tourner la page d’un Rdpc où le folklore, la course aux postes administratifs (« mangeoire ») s’étaient installées comme idéologie, Paul Biya a renié «les élites » du parti pour se réconcilier avec sa base populaire.
"Je n'ai pas changé, je n'ai pas changé d'avis non plus", a lancé le président Biya dans son discours d'ouverture, il faut le croire, "on ne change pas le changement" !
Source : Cameroun on line
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