Depuis deux semaines, Jacqueline M. M vit la peur au ventre. Employée de maison dans une famille américano-libanaise, elle est coincée dans la capitale du Liban, Beyrouth, qui subit les assauts de l'aviation militaire israélienne. Après le kidnapping de deux soldats de Tsahal par un commando du Hezbollah libanais, le pays du cèdre brûle et s'écroule au fur et à mesure que les bombes israéliennes s'écrasent sur lui. " Tout le temps, il y a des raids aériens. On voudrait partir, mais on ne peut pas bouger ", nous a expliqué Jacqueline M. M au téléphone.
La jeune femme qui a quitté le Cameroun pour travailler comme fille au pair est coincée comme des dizaines d'autres Camerounais. Dont de nombreux étudiants. Certains ont essayé de se faire exfiltrer par les forces armées françaises, sans succès. " L'on nous a expliqué que l'armée française ne pouvait nous évacuer que s'il y avait une demande du Cameroun agréée par le quai d'Orsay (ministère des Affaires étrangères, Ndlr). Depuis lors on ne peut plus s’adresser à l’ambassade de France qui attend un signe des autorités camerounaises ", explique-t-elle. Un autre Camerounais qui a tenté la même démarche s’est vu expliquer que l’évacuation a un coût que " quelqu’un doit supporter ". Or, ajoute-t-il, " nous sommes trop pauvres pour partir de manière inopinée ".
La semaine dernière, la demande que doit faire le Cameroun n'était pas encore expédiée. Un cadre du ministère des Relations extérieures expliquait cependant " que la situation devrait être gérée à partir de notre ambassade à Riyad ". Mais, s’empresse-t-il d’ajouter, "c’est au cabinet [du ministre Laurent Esso] qu’il faut s’adresser, pour savoir quand une décision sera prise ". Tandis qu’à la toute nouvelle direction des Camerounais de l’étranger on assure s’activer sur ce dossier, à Beyrouth, certains Camerounais confirment l'initiative de l'ambassade camerounaise en Arabie Saoudite. " Mais depuis qu'on a constitué une liste de 80 personnes, nous attendons en vain ", se lamente Jacqueline. Le souci de ces expatriés s'est accru depuis que le gouvernement israélien a dit sa volonté de ne pas arrêter les attaques qui ont déjà fait 340 morts.
Selon Guy Dongmo, étudiant en management à l'université Saint Joseph de Beyrouth, les démarches du Cameroun sont handicapées par l'intérêt de son représentant local : " le consul actuel n'a pas [...] obtenu un plan d'évacuation dans les jours à venir ! Que deviendront les plus de 300 Camerounais dont la majorité est constituée de filles ou de femmes qui font des ménages ici ? Et comme en " plus, les familles libanaises ou occidentales [lorsqu'elles] réussissent à trouver un moyen pour s'en fuir, n'hésitent pas à abandonner les pauvres femmes de ménage à la merci des éventuelles bombes... "
A Beyrouth et ailleurs au Liban, certains Camerounais regardent avec envie les ressortissants africains de pays tels que le Gabon et le Sénégal s'en aller sous le couvert d'une opération marocaine d'évacuation des sujets de Mohammed VI. " C'est Dakar et Libreville qui ont demandé cela au Maroc et ils se sont entendus pour le réaliser. Qu'est-ce qu'on attend à Yaoundé pour passer au moins un accord du même type ? ", s'interroge un autre étudiant de l'université Saint Joseph.
Pour nombre de Camerounais qui ont séjourné au Liban et ceux qui s’y trouvent, les heures qui passent sont angoissantes. Comme pour cet ancien étudiant beyroutin qui a relayé et commenté auprès des médias, les appels de détresse de ses camarades en séjour au Liban : " La semaine dernière, le congrès du Rdpc a occupé toute l’administration, maintenant on annonce la visite du président Biya à Paris, probablement en compagnie du ministre des Relations extérieures. Comme les activités du président passent avant tout, ce n’est pas de bon augure pour mes amis. "
Source : Mutations
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