Il souffre dans sa chair et dans son esprit, à l’idée de savoir qu’il a été sauvagement battu par ceux qui sont sensés le protéger. Luc Christian Mouthé, trente-deux ans, est salarié chez Defontaine à la Bruffière en Vendée où il travaille comme tourneur-fraiseur. Membre de l’Association Loire-Atlantique- Cameroun, il possède les papiers requis pour être considéré comme immigrant régulier en France. De temps en temps, il achète des outils de seconde main (ordinateurs pour écoles, voitures, …) qu’il envoie au Cameroun. C’est au cours d’une opération similaire vendredi 23 juin à la fourrière Depanne 5000 située au 114 rue de l'étier 44300 Nantes qu’il a été attaqué “tel un terroriste” par une escouade de policiers.
“J’ai vu devant moi des gens qui ont montré leur carte de police et à peine m’ont-ils posé une ou deux questions qu’ils se sont jetés sur moi pour me rouer de coups et m’immobiliser au sol à plat ventre, pression sur ma nuque : je pouvais mourir. Puis ils ont alerté l’équipe mobile qui les a rejoints et tous se sont mis à me torturer, sous le regard des gens de la fourrière”, raconte Luc Christian, joint au téléphone vendredi dernier. Entraîné par la suite au commissariat, il apprendra qu’il est accusé de “tentative de coups”. Impossible pourtant de joindre le commissariat de Waldec Rousseau quand la communication téléphonique connaît des perturbations et que l’institution n’a pas d’adresse e-mail !
“Contusion para vertébrale droite”
Libéré 24 heures après la garde à vue, sa première réaction a été de rejoindre l’hôpital et de saisir ensuite les autorités nantaises, notamment le procureur de la République près le tribunal de grande instance de Nantes. Examiné le 24 juin au service des urgences du Centre hospitalier universitaire de Nantes, le Dr Hauet a établi qu’il souffre d’une “contusion para vertébrale droite”. Ce qui justifie une incapacité totale de travail de cinq jours, sauf complication. Dans sa lettre au procureur, M. Mouthé qui a porté plainte pour “coups et blessures” accuse des policiers du commissariat de Valdec Rousseau d’arrestation avec violence, coups de poings à la figure et blessures sans motif accompagnés de propos racistes. Il accuse aussi les travailleurs de la fourrière Depanne 5000 pour y avoir subi des violences physiques et morales sans assistance alors qu’il était là “en tant que client qui s'est présenté sur rendez vous”.
En effet, explique-t-il, “début juin, je reçois les offres de la prochaine vente aux enchères. Je suis intéressé par un véhicule. J’appelle le 22 juin pour voir l'état avant d'assister à la vente. Le rendez-vous est pris pour le vendredi 23 juin à 14h30.” Au moment où il regarde le véhicule, il se rend compte que le monsieur qui l’accompagnait n’est plus là. Surgit alors un policier qui “me demande ce que je fais là et m'accuse d'être en train de fouiller dans les véhicules pour voler. J’essaie de lui expliquer et il m’ordonne de vider les lieux. Je hausse le ton en lui disant qu'il n'a pas à me parler ainsi : c’est alors qu’il m’attrape par les vêtements et commence à me donner des coups de poings.” Les informations concernant le rendez-vous et l’accueil sont confirmées par Mlle Gautier Marie, employée administrative de la fourrière.
Racisme et violation des droits
Si Luc Christian Mouthe ressent l’humiliation au fond de son cœur, la communauté camerounaise à Nantes considère cette agression comme un complot raciste. “Nous sommes marqués par le silence des autorités françaises”, affirme Gervais Tekam, un Français d’origine camerounaise. “Que faisait la police en ces lieux privés? Pourquoi les gens avec qui le rendez-vous a bel et bien été pris n’ont pas réagi?” se demande-t-il. Dans sa déposition, Mlle Gautier affirme qu’elle n’a pas “été témoin des scènes qui ont suivi.” Mais les compatriotes de Luc Christian sont convaincus que le coup a été bien préparé, surtout quand ils se remémorent l’histoire de la ville.
Avec environ un million d’habitants, Nantes, ville portuaire maritime et fluviale à l’ouest de la France, a été rendue célèbre par la traite négrière. Chef-lieu du département de la Loire-Atlantique et de la région dénommée Pays de la Loire, la cité garde dans les faits et dans les esprits, l’idée de ce commerce des esclaves Noirs. Or cette traite était précisément une négation de l’humanité. La communauté camerounaise lie les propos racistes de la police à cette sombre histoire. “ Il s’agit du racisme. La France ne se révèle pays de droits et de libertés que quand une certaine catégorie de personnes est touchée. Cette affaire nous rappelle que l’agression des Noirs en Russie, au Liban, et dans les autres pays européens ne sont pas que des accidents!”, commente un Camerounais de Nantes.
Comme Pala, le Noir qui crie vengeance dans La Croix du sud de Joseph Ngoué, la communauté camerounaise crie au racisme et à la violation des droits et libertés individuelles.
Source : Le Messager
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