Parce qu’elle abrite désormais un lac artificiel.
Sur une superficie de plus d’un hectare, et couvrant plusieurs mètres de profondeur, des eaux verdâtres imposent leur étendue aux visiteurs. Les bruits provoqués par les canards qui y nagent et les cris des oiseaux accrochés aux branches mortes, ne présagent d’aucun danger. Mais la psychose qui a pris le contrôle de l’actualité, et envahi les dizaines de familles qui habitent le voisinage est mieux expliquée par l’une des premières victimes.
"Tous les matins et soirs, l’air est irrespirable ici. Nous allons peut-être mourir à cause de ces odeurs. Je sais que nous sommes déjà intoxiqués. L’heure est grave. Les moustiques nous ont aussi envahi", se lamente Elise Tchana. Cette ménagère de 30 ans, dit vivre un calvaire sans assistance avec sa famille de neuf membres, et regrette que leur "champ de caféier qui se trouvait là ait complètement été rasé".
Les derniers manguiers, avocatiers, bananiers et palmiers qui témoignent de l’existence antérieure d’une végétation sur le site, sont complètement asséchés. Des troncs secs de bananiers, les petites herbes brûlées sont visibles ici et là. Lydie Ekosso, une cultivatrice habitant Sosso, à moins de 50 mètres du lac, craint le pire parce qu’"il se pourrait que ça peut exploser un jour, si ça dure comme ça".
Selon les témoignages recueillis à différentes sources à Nkongsamba, le lac artificiel de Sosso se serait formé à la faveur des premières pluies qui se sont abattues sur la ville au mois de décembre 2005. "Les carcasses de voitures abandonnées par un garagiste et les déchets déversés de manière anarchique ont bouché la buse d’écoulement de la rivière qui enjambe la nationale séparant Nkongsamba de Baré", explique François Nguepe Nguepe, secrétaire général de la commune urbaine de Nkongsamba. Ce dernier affirme en outre qu’un éleveur de porcins serait à l’origine de la pollution de l’importante réserve d’eaux usées qui menacent la population.
Mais d’où proviennent les émanations gazeuses qui font craindre les riverains du Lac? Sylvie Poumiba, chimiste au groupe Bocom international explique: "une accumulation des matières organiques dans le lac a entraîné une décomposition avec dégagement des biogaz (méthane), autour de 80% de l’ensemble de gaz échappé, du carbone organique. Le méthane est un gaz très toxique, pouvant causer l’asphyxie à concentration élevée".
Pour expliquer la couleur verdâtre, qui fait craindre aux autorités et à la population de Nkongsamba, une éventuelle catastrophe naturelle. Elle affirme que "les marées vertes sont dues à un excès d'éléments fertilisants (azote, phosphore) dans l'eau". Pour l’instant, dit-elle, il n’y a pas de risques d’explosion, ce cas de figure ne pouvant se produire qu’au bout d’une longue période, et à très forte concentration des gaz au fond du lac.
Mobilisation
Si le délégué du gouvernement auprès de la commune urbaine de Nkongsamba (Cun), Emmanuel Ngollo Ngama, n’a pu s’exprimer sur la question, le secrétaire général de cette institution, François Nguepe Nguepe affirme que ses services ont saisi la Direction de la protection civile au ministère en charge de l’Administration territoriale à Yaoundé, "pour dire qu’il y a risque de catastrophe géophysique, écologique et sanitaire avec la présence de ce lac artificiel".
Ce responsable communal soutient que la Cun a déjà acheté des produits chimiques et des moustiquaires d’une valeur de deux millions de francs Cfa, en vue du traitement des eaux du lac. "Nous avons acheté du matériel (pioches, pelles et autres) d’un montant de 1.5 millions de francs destiné à l’investissement humain par les populations", ajoute-t-il.
Mais autour du lac, les populations soutiennent qu’elles n’ont rien reçu des autorités. "Nous nous débrouillons seuls à déboucher la buse pour libérer les eaux", s’insurge Mathieu Iyong, un habitant du quartier Sosso. Prenant leur destin en main, et hantés par la psychose qui vient des "odeurs insupportables de tous les jours", les riverains utilisent les moyens de bord pour dégager les eaux du lac.
La buse en contre-bas du lac est prise d’assaut, chaque dimanche, par les hommes, les femmes et les jeunes de Edzomoa–Sosso. Mais Sylvie Poumiba met en garde: "il faut empêcher toute intervention anarchique dans ce lac, baliser la zone à l’aide d’une clôture, faire un traitement biologique des eaux et enfin déboucher et élargir la buse bouchée".
Source: Quotidien Mutations
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