Dans un bar en feu au milieu d'une vingtaine de chambres en planches entièrement consumées, un baffle explose. Il est 11h, en ce lundi 3 juillet 2006. Le bruit provoqué par l'explosion crée la panique dans la foule venue assister à la scène qui se déroule à quelques mètres de la pharmacie d'Etoudi. Selon les témoignages recueillis sur place, ces chambres, postes de travail des prostituées qui envahissent le carrefour Etoudi la nuit tombée, ont été saccagées, puis incendiées hier matin, par des individus présentés comme étant les vendeurs de sable d'Olembe. Et auxquels se sont mêlés certains habitants du quartier, précise un officier de police en service au commissariat du 6ème arrondissement. En plus de ces chambres de passe reconnaissables au nombre de préservatifs usagés éparpillés sur le sol, ces individus en furie ont passé dans les flammes les matelas et les lits d'au moins cinq auberges dont certaines sont entretenues par les débits de boissons installés dans le coin.
Les auteurs de ces incendies entendaient ainsi protester contre l'assassinat de leur collègue, un certain Sylvestre, plus connu sous le sobriquet de Gauché, survenu aux aurores. "Gauché [dont le corps a été déposé à la morgue de l'hôpital central de Yaoundé], qui est bien connu dans le quartier est sorti vers 5h pour aller au travail. Il conduit un camion qui transporte le sable d'Ebeda pour Olembe. Pendant qu'il se faisait embêté par une prostituée alors qu'il attendait un taxi, un gars lui a arraché sa sacoche. Il s'est mis à le suivre. Le gars l'a entraîné dans un couloir où il a été poignardé à mort, à quelques pas des chambres de passe qui ont été incendiées", raconte Alban Mengui, un habitant du quartier.
Et de poursuivre : "Les vendeurs de sable [qui se sont débinés à l'évocation du sujet] ont estimé que leur collègue a été tué avec la complicité des prostituées. D'ailleurs, tout le monde sait ici que ces filles sont de connivence avec les bandits, auxquels elles livrent leurs clients soupçonnés d'avoir un peu d'argent". Des propos que corroborent nombre d'habitants du quartier rencontrés hier sur le lieu du drame. "Il y a six mois, un gendarme a été tué ici dans les mêmes conditions. La multiplication des prostituées dans le quartier a augmenté l'insécurité. Il ne se passe plus un jour sans que quelqu'un ne soit agressé ici", déclare Carole Mvogo, dont la maison jouxte les chambres de passe incendiées hier.
En plus des prostitués et des exploitants des auberges, les habitants du carrefour Etoudi accusent le manque d'éclairage public en ce lieu situé, fait remarquer un homme dans la foule des curieux, "à quelques mètres seulement du palais présidentiel et d'un commissariat de police [celui du 6ème arrondissement]", dont les éléments sont descendus sur le lieu des évènements peu après la furie populaire. Les renforts venus aussi bien des équipes spéciales d'intervention rapide (Esir), du commissariat central, du Groupement mobile d'intervention (Gmi) et de la brigade de gendarmerie d'Emana, n'ont cependant conduit à aucune interpellation .
Un officier de police au commissariat d'Etoudi affirme, en effet, que " quatre personnes seulement ont été gardées au poste de police. Ce sont des employés des auberges, qui ont requis la protection de la police parce qu'ils se sentaient menacés par la population". Idem à la brigade de gendarmerie d'Emana, où un agent soutient que "personne n'a été conduit ici dans le cadre de cette affaire. D'ailleurs, c'est le commissariat du 6ème arrondissement qui est chargé de l'enquête".
Source : Quotidien Mutations
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