Le jeune garçon a les yeux enflés et tout rouges ainsi que la démarche claudicante. Menaçant, il intercepte la voiture de marque Mercedes, de type 190 que conduit une dame à l’Avenue Kennedy à Yaoundé. Les cheveux en bataille, tenant fermement une étoffe imbibée de colle qu’il inhale, l’adolescent exige à cette dernière de lui donner quelques pièces. De l’argent avec lequel il s’achètera de la colle plus tard. S’il ne vole auprès d’un marchand distrait. "Ce stupéfiant tant prisé par les enfants de la rue est considéré comme une drogue, au même titre que plusieurs autres substances euphorisantes", précise les responsables du Comité national de lutte contre la drogue.
Une thèse que réfutent les consommateurs de l’Avenue Kennedy. "On ne se drogue pas. C’est juste pour oublier, confie Abdouraman, 15 ans. Parfois quand j’ai faim et que je n’ai rien à manger. Je prends la colle qui me permet de dormir et d’oublier que j’ai un creux au vendre" Il poursuit : "Pour nous, la colle est plus accessible que les autres drogues comme le banga qu’on peut avoir en volant auprès des gens qui quémandent l’argent en route ou chez d’autres personnes."
Toutefois, il n’y a pas que les enfants de la rue qui tombent dans l’engrenage des stupéfiants. Selon certaines données en effet, la plupart des personnes ayant côtoyé la drogue se recrutent dans la classe moyenne au Cameroun. Justine Ango, 30 ans, employée dans une société d’assurance se souvient qu’il y a un an, elle a " failli sombrer dans la consommation de la drogue. J’avais l’impression que je n’étais pas comprise et suis allée chez une tante, qui fabriquait des huiles de cheveux avec de la Marijuana. J’ai commencé à soutirer quelques quantités que je fumais dans ma chambre. Ça me faisait du bien à ce moment là. Mais, heureusement, je me suis vite rendue compte que ça ne m’était pas d’une grande aide car, lorsque je sortais de l’état de léthargie où j’étais plongée, je me retrouvais face aux mêmes problèmes. J’ai décidé d’arrêter."
Tabac
En effet, selon des informations données par Pascal Magloire Awono, responsable du Centre-Vie du Comité national de lutte contre la drogue (Cnld), contrairement à ce qu’on pense, la consommation de stupéfiants est un réel problème de société au Cameroun. De façon générale, d’après les chiffres du Cnld, il touche davantage le milieu jeune où, 60% a déjà consommé toutes les catégories de drogues confondues.
Ce sont eux qui sont la cible des dealers qui les incitent à la consommation et les initie à la vente de ces produits auprès de leurs camarades dans les universités ou les lycées. Par ailleurs, 25% de camerounais ont déjà consommé une drogue dure (cannabis et autres drogues synthétiques), 40% ont consommé des drogues douces (alcool et tabac), 10% de camerounais sont affectés ou victimes de ce phénomène.
Au sein de ce Centre situé à l’hôpital central de Yaoundé, on estime à environ 300 personnes les cas de toxicomanie gérés depuis le début de l’année en cours. "Le plus souvent, explique Pascal Magloire Awono, ce sont des parents qui nous emmènent leurs enfants ou les membres d’une tontine qui le font pour l’un des leurs. Quand on essaie de leur parler, ils disent qu’ils fument du tabac mais, au cours des discussions, on se rend vite compte que, en plus du tabac, la personne concernée prend d’autres euphorisants. Généralement, se sont les parents qui viennent avec leurs enfants ces derniers, lorsqu’ils se présentent seuls, font partie d’un réseau de dealers et qu’ils souhaitent quitter."
Au niveau du centre qu’il dirige, les personnes accrocs à ces substances sont ensuite orientées, selon les moyens, vers des centres spécialisés ou des médecins. "Pour ce qui est de enfants de la rue, nous nous contentons de les mettre en garde contre les méfaits de ces drogues. Lorsqu’ils sont malades, nous les orientons vers le ministère des Affaires sociales qui a tout un programme qui leur est destiné", précise-t-on.
Pour ce qui est des euphorisants les plus courus au Cameroun, on retrouve les amphétamines et autres médicaments usés pour soigner l’épilepsie. On parle également de Morphine et de plusieurs autres drogues synthétiques le plus souvent consommées par les personnes qui ont assez de moyens. Le Cannabis, cultivée puis exportée en majorité dans les provinces Sud-Ouest et Nord-Ouest ainsi que dans plusieurs autres villes du pays, et d’autres plantes euphorisantes sont plus accessibles et donc consommés par les adolescents sans argent.
Source : Mutations
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