Non loin du lieu du terrible accident d’Ebebda, le 23 juin dernier, est stationnée dans une petite broussaille, une Toyota corolla irrécupérable de couleur bleue. Selon les riverains, ce véhicule immatriculé CE 4491 J aurait été projeté dans les champs quatre jours plus tôt lundi 19 juin, par un camion de 10 roues, opérant habituellement dans le transport du sable. Une femme s’en est tirée les deux jambes broyées. Les autres occupants suivent encore des soins. L’hécatombe de vendredi, a une fois de plus été provoquée par le manque de vigilance du chauffeur d’un autre camion, qui s’est engouffré sur un minibus de marque Toyota Coaster, tuant plus de 30 personnes.
Sans doute pas exhaustifs, ces deux exemples suffisent néanmoins pour démontrer que quelque chose ne va pas chez ces transporteurs de sable. Des indiscrétions révèlent que 85 % des accidents de la circulation survenus entre Yaoundé et Ebebda, sont provoqués par ces camionneurs d’un autre siècle. “ Ils roulent toujours à vive allure et ne respectent ni panneaux de signalisation, ni les autres usagers de la route. C’est pour cela qu’on les appelle les tous puissants sur ce tronçon ”, dénonce Eko’o Jean, transporteur sur l’axe Ebebda Obala. Et de se consoler comme il peut : “ Mais je crois que Dieu commence à être juste, parce qu’il leur a aussi arraché la vie dans l’accident de vendredi ”.
Camionneurs sans cœur
Parfois même, ce sont des convoyeurs devenus, par un concours de circonstance, conducteurs qui commettent ces drames, avec la bénédiction de leurs patrons. “ Un jour alors que je transportais des gens pour Bafoussam, j’ai rencontré un de ces camionneurs qui s’amusait avec la voiture. Chaque fois que je le débordais, il accélérait et me dépassait avant de ralentir. Nous avons fait comme cela plus de 5 fois avant que je ne m’aperçoive qu’il jouait. A un poste de police, j’ai signalé cela et on l’a interpellé. Vérification faite, il n’avait ni permis de conduire, ni carte d’identité, ni l’âge requis pour conduire un gros-porteur ”, se souvient un autre conducteur d’une agence de voyage, rencontré sur le lieu de l’accident.
C’est dire s’il y a un besoin urgent de mesures en vue de discipliner ces hors la loi, qui terrorisent les usagers de la route en semant pleurs et désolations dans les familles. L’indifférence affichée par certains de ces camionneurs, démontre à suffisance, qu’ils ont des pierres à la place du cœur. “ On est né pour mourir. Ce n’est pas parce que les gens sont morts que vous allez raconter des bêtises. Avant, moi-même je ralentissais lorsque je voyais les feuilles vertes sur le goudron parce que je sais que cela signale généralement une obstruction devant. Mais à un moment donné, en voulant sécuriser leurs enfants, les parents ont pris l’initiative de poser les feuilles vertes sur la route pour nous obliger à aller lentement. Tu comprends que même si c’est vraiment pour annoncer un danger l’allure va être la même. Les gens doivent savoir que le camion ne doit pas discuter la route avec les petites voitures ”, argue un jeune transporteur de sable, originaire du département de la Lékié, qui requiert l’anonymat.
Le laxisme des forces de l'ordre
La commission mise sur pied par le Premier ministre devra à tout prix tenir compte de cette triste réalité. Et faire des propositions conséquentes au gouvernement. Au regard des incapacités récurrentes du gouvernement à aménager des infrastructures de communication conséquentes entre nos villes, même s’il n’est pas envisageable de créer une route secondaire exclusivement réservée aux seuls camionneurs, des dispositions nécessaires devraient alors être prises, pour discipliner d’une manière ou d’une autre ces camionneurs. Par exemple, à défaut de supprimer purement et simplement la desserte de cette région par les camions, l’on devrait déjà penser à multiplier les dos d’âne, comme cela se fait sur la route Douala-Bafoussam, afin de contraindre les usagers petits ou gros-porteurs à réduire la vitesse, au moins le temps d’une manœuvre délicate. Mais plus : il faudra que ces unités des forces de l’ordre qui campent par dizaines d’unités sur ces axes routiers nationaux servent enfin à autre chose qu’à extorquer de l’argent aux usagers. Par exemple, il va falloir qu’elles soient mises en demeure d’appliquer rigoureusement les règlements en matière de respect de la charge des véhicules. Car, la difficulté, pour les autorités mais surtout la presse à indiquer précisément le nombre de victimes humaines de cet accident est liée à la disparité entre le contenu réel des véhicules accidentés de transport et les manifestes de chargement. Dans le cas de vendredi dernier, il y avait plus de passagers dans le minibus que le nombre de places prévues.
Si cette disparité ne porte aucune conséquence, du moins sur la couverture par l’assureur du transporteur des dommages, corporels notamment, comme l’a expliqué au Messager le directeur général d’Activa Prima de Douala, M. Tchouanga, il reste qu’elle peut être l’une des raisons lointaines des bilans aussi élevés de tels accidents. De plus, quelles que soient les indemnités que peuvent percevoir les ayant-droits des victimes d’accidents aussi tragiques que stupides, on doit à la vérité de dire que chacun de nous préférerait voir le ou les siens comme cette famille Bangoulap qui y a perdu un noble couple (Tchatat), vieux de plus de 50 ans de mariage, vivant que mort dans de telles conditions. Dans tous les cas, parce qu’il ne sera pas difficile d’établir que la responsabilité de tels drames est humaine, il appartient plus que jamais aux autorités publiques d’agir pour que plus jamais cela ne se reproduise.
Source : Le Messager
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