A peine rentré des Etats-Unis où, avec son homologue camerounais, Paul Biya, il a signé lundi 12 juin, à Manhasset, près de New - York, un accord sur la mise en application de l’arrêt de la Cour internationale de justice (Cij), reconnaissant et proclamant la souveraineté du Cameroun sur la péninsule de Bakassi, le président nigérian, Olusegun Obasanjo a tenu à s’adresser à ses compatriotes. Il leur a adressé jeudi 15 juin, un message radio – télévisé, dans lequel il leur explique les termes de l’Accord de Greentree conclu sous les auspices de l’Onu ; et surtout tente de rassurer les populations nigérianes de Bakassi en direction desquelles, des appels à la résistance ont commencé à être lancés au Nigeria. “ Les troupes du Nigeria se retireront dans les 60 prochains jours après avoir combattu vaillamment pour protéger les vies et les biens des Nigérians de la péninsule... pendant les 13 dernières années, confirme Obasanjo, si pour quelques circonstances extraordinaires, le besoin d'un délai supplémentaire se faisait sentir pour le retrait des troupes nigérianes, le secrétaire général de l'Onu pourrait décider d'accorder 30 jours supplémentaires au total ”.
Selon l’Accord, poursuit le président nigérian, “ les deux îles d'Atabang et d'Abana, dans la partie occidentale de la péninsule de Bakassi, continueront d'être administrées par le Nigeria pendant deux ans après le retrait des troupes ”. Des policiers mobiles seront présents sur les deux îles pendant la période d'administration, explique le président. “ Pendant cette période, la frontière territoriale entre la zone du lac Tchad et la péninsule de Bakassi sera aussi définie et démarquée. Le processus se poursuivra avec des ajustements mineurs pour faire bouger et réinstaller des villages de chaque côté conformément au choix des populations ”. La frontière maritime sera aussi déterminée concrètement, confirme le n°1 nigérian, ajoutant que “ le nœud du problème ” est la péninsule de Bakassi elle-même, où des troupes sont déployées depuis 13 ans et où “ un nombre important de Nigérians ” vivent. “ Une période spéciale de transition sera mise en place pendant cinq ans après la fin de l'administration de la péninsule par le Nigeria pour permettre aux Nigérians d'avoir accès, sans formalités, à Bakassi ”, a encore indiqué le président nigérian.
Assurances
Olusegun Obasanjo explique qu’il a signé l’Accord de Greentree parce que le Nigeria a accepté l’arrêt de la Cij sur la camerounité de Bakassi. Le Nigeria, dit-il, a accepté cette décision “ parce qu’il est un ardent défenseur du respect de la loi tant nationale qu’internationale et croit en la résolution pacifique des conflits ”. “ Nous avons accepté ce verdict, malgré notre grande déception, avoue-t-il. Mais, comme la Cij l’a elle-même reconnu, la vie d’êtres humains est en jeu et nous devrions être plus concernés par leur situation que par l’eau et le sol ”. Le président nigérian assure ainsi s’être battu contre le Cameroun qui souhaitait, selon lui, un départ immédiat des Nigérians de Bakassi ; afin que les intérêts des populations nigérianes vivant dans la péninsule, soient scrupuleusement respectés.
Les 250 000 Nigérians de Bakassi vont maintenant choisir entre être re-localisés et demeurer sur la péninsule. Pour ceux qui voudront rester à Bakassi, l’Accord de Greentree met un certain nombre d’obligations à la charge du Cameroun. Olusegun Obasanjo souligne que l’Accord contraint le Cameroun “ à ne pas forcer les ressortissants nigérians vivant dans la péninsule à quitter la zone ou à changer de nationalité ; à respecter leur culture, leur langue et croyances, à respecter leurs droits à poursuivre leurs activités agricoles et la pêche et à protéger leurs propriétés et leurs droits fonciers coutumiers ”. L'Accord prévoit aussi de ne pas soumettre les Nigérians vivant dans la péninsule à des impôts, taxes ou devoirs discriminatoires et à les protéger de tout harcèlement, ajoute le président nigérian. Dans tous les cas, prévient-il, “ le Nigeria reste résolu à protéger les intérêts de ses citoyens et nationaux, où qu'ils vivent ”.
Résistance
En somme, selon le président Obasanjo, les Nigérians de Bakassi demeureront bien chez eux sur cette péninsule, souveraineté camerounaise ou pas. Reste à savoir si ce discours va apaiser les esprits déjà surchauffés à Bakassi et dans une partie de l’opinion nigériane. Le chef suprême nigérian de Bakassi, Etinyin Etim Okon Edet par exemple, maintient qu’il est hors de question de céder la péninsule au Cameroun. Mercredi 14 juin, 24 heures avant le message du président nigérian, Chief Etinyin affirmait que les habitants de Bakassi s'opposeront à toute tentative du gouvernement nigérian de transférer ce territoire au Cameroun. Ce faisant, il rappelle que le président Obasanjo avait lui-même promis qu’il ne céderait pas au Cameroun “ un pouce ” du territoire de Bakassi. Il appelle par conséquent les populations de Bakassi à se tenir prêtes pour la ‘’grande bataille’’. “ Nous obéissons encore au gouvernement du Nigeria, mais cette obéissance ne nous empêchera pas de prier Dieu pour qu'il intervienne dans cette situation. Vous verrez bien ce qui se passera après les 90 jours accordés pour le retrait des soldats nigérians ”, menace-t-il dans la presse nigériane.
Outre ses importantes ressources halieutiques, Bakassi pourrait contenir jusqu’à 10 % des ressources en pétrole et en gaz de la planète. Pas facile pour le Nigeria de s’en séparer. Il va pourtant bien falloir y arriver.
Source: Le Messager
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