Depuis des années, Marie M. était connue comme la maraine des camerounaises venues à Lyon "se chercher" comme on dit désormais au Cameroun, s’agissant des personnes qui veulent, à tout prix, fuir la misère et les injustices de ce pays. Cette femme dont le dernier mari est mort empoisonné, régnait en fait, sans partage, sur la prostitution. Elle était le pilier d’un réseau de recrutement au Cameroun de jeunes filles qu’elle exploitait dans l’industrie du sexe, sans états d’âmes, comme semble le montrer l’enquête policière française, dans la région lyonnaise. Elle en a récolté une bonne petite fortune, qui lui a valu, bien entendu, beaucoup de prestige au Cameroun, où depuis une vingtaine d’années, l’argent, quelle qu’en soit la provenance, est devenu la valeur cardinale.
Accusée de proxénétisme aggravé.
Marie M. ne fera sans doute plus son douteux business. Au terme d’une enquête de la Brigade des mœurs de Lyon, elle est, depuis mercredi 7 avril dernier, incarcérée sur ordre du parquet de Lyon, "pour proxénétisme aggravé". Selon le rapport de la longue enquête de la brigade française des mœurs -elle a duré plus d’un an-, Marie M. faisait venir de Douala et Yaoundé des dizaines de jeunes femmes. Elle prenait elle-même le soin de passer "ses filles" comme elle les appelait, à une sorte d’épreuve de sélection qu’elle voulait très rigoureuse. Une longue liste d’attente trouvée par les enquêteurs français n’en fait-elle pas foi ? Une fois arrivées en France, ces jeunes Camerounaises se prostituaient pour le compte de leur marraine -en réalité patronne- dans des fourgons de la Rue Montrochet, au deuxième arrondissement de Lyon.
Le business de Marie M. se serait sans doute poursuivi pour longtemps encore si, en bonne capitaliste, elle ne s'était pas mise à traiter ses outils de production -les filles- en véritables esclaves. En décembre 2002 en effet, plusieurs jeunes femmes qui se prostituaient à la solde de Marie M se sont plaint ouvertement de leur situation financière qui n’était guère reluisante, alors qu'elles étaient an "pleine activité". Jusqu’en février 2003, rien n’y fit. La Brigade des mœurs de Lyon, mise au courant de cette activité, a alors, pour la première fois, entendu le nom de notre compatriote, grâce à quelques confidences laconiques concédées par de jeunes camerounaises manifestement terrorisées. il a donc fallu plus d’un an d’enquête pour démonter tout le réseau mis an place par cette dame, entre le Cameroun et les confins de la région lyonnaise.
Selon une Camerounaise rencontrée à Lyon par le correspondant particulier du Messager et qui n’a accepté de parler que sous condition d’anonymat, Marie M. partageait la majeure partie de son temps entre Yaoundé, Douala et la France, notamment la ville de Lyon. A la rue Montrochet où elle a installé son fourgon, aux yeux des touristes venus des quatre coins du monde, elle était même devenue célèbre, défendant jalousement son "territoire" y compris contre des concurrents de plus en plus nombreux. Certaines filles ont été autorisées à acquérir leur propre véhicule, moyennant de substantielles redevances. Ses deux filles, l’une basée en Savoie, l’autre à Lyon, se seraient également prostituées sous sa férule.
Marie M. a tenté par divers moyens de ne pas se mettre sous le coup d’une mise en cause pour proxénétisme. Elle a ainsi usurpé l'identité d’une compatriote, quelle utilisait pour effectuer des virements internationaux. De meme, la dîme qu’elle prélevait sur les passes de ses protégées ne lui était pas remise directement. Les jeunes femmes envoyaient l’argent au Cameroun, à destination du compagnon de Marie M ou encore de sa femme de chambre, qui se chargeait de le déposer sur son compte.
Des jeunes filles exploitées et sous-payées
Plus d’une quinzaine de jeunes femmes ont travaillé pour Marie M depuis 2003. Chacune d’elles était obligée de lui reverser des sommes allant de 1.400.000 FCFA le mois, pour la "location" de fourgon, à 14.000.000 de FCFA en un an. Logées soit dans de modestes hôtels de Lyon ou encore en Savoie et à Paris, il arrivait aussi qu’elles ne quittent pas leur fourgon pendant plusieurs jours, y dormant et y prenant leurs repas. Le fourgon étant devenu le lieu de leur principal établissement dans lequel, on y trouve tout le nécessaire. Lit an étage, TV, cuisine, etc.
Marie M et une de ses filles ont été arrêtées par la Brigade des mœurs de Lyon le 5 avril dernier. Elles ont été déférées quarante huit heures plus tard au parquet de Lyon qui a ouvert une information judiciaire. Seule la mère jusqu’ici a été écrouée, la fille ayant été remise en liberté.
Agée de 37 ans, Marie M. a fait ses premières armes dans la région de Mulhouse. Jeune mère de deux filles qui la secondent efficacement dans ses activités, elle a épousé, il y a quelques années, un Alsacien. Ils sont partis vivre au Cameroun. Son époux a été empoisonné au Cameroun, dans des circonstances jamais élucidées.
La ville de Lyon est le chef lieu de la région Rhône-Alpes et du département du Rhône, à 460 km au Sud-Est de Paris. C’est dans cette ville et plus précisément dans des fourgons à la Rue Montrochet / Lyon 2ème que Le Messager est allé découvrir les pratiques répréhensibles de Mme Marie M. Elles entachent sans doute la réputation de nos compatriotes de la diaspora dont la plupart sont pourtant d'honnêtes battants. Des Camerounaises interrogées par Le Messager, au sujet de cette affaire qui ternit leur image, se disent «peu surprises» par ce scandale. D’autant que selon la plupart d’entre elles Marie M. ne serait pas la seule à s’adonner à cette pratique criminelle. «Beaucoup d’autres femmes ayant des couvertures dans la police camerounaise amènent régulièrement des jeunes camerounaises, parfois mineurs même, qu'elles exploitent dans la prostitution en Europe» a confié au Messager une compatriote jointe à Paris.
|