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2000 habitants en danger de mort
(05/06/2006)
Des sapeurs pompiers exposent plus de 5.000 litres de chlore périmés à Nkapa. Alors que les autorités restent muettes, des émanations de gaz ont déjà incendié des palmeraies.
Par Alexandre T. Djimeli

Le soleil est presque au Zénith. Bassine d’eau à la tête, une dame traverse, hésitante, l’endroit où sont entreposés en quinconce les sept robustes magnums de produits toxiques qui sèment la terreur dans le village depuis près d’un an. L’air est alourdi par une odeur bizarre, on dirait un mélange à la fois de souffre, de butane et de propane. Qu’importe ! ici l’on ressent un étouffement progressif pour qui ose s’arrêter pendant quelques minutes. Pieds nus et tout de noir vêtue, la dame sait que ses jours sont en danger. Mais elle n’y peut rien. “La seule source d’eau à boire du village c’est là derrière”, lance Michael, un paysan du retour de la palmeraie.

L’endroit où sont entreposés ce que l’on appelle désormais au village “les fûts de la mort” est désert. Trois mois après le retour des pluies, aucune herbe n’a germé dans les dix mètres alentours. Torse nu, les bambins de l’école publique de Nkapa à proximité de laquelle jonchent les fûts en profitent pour recueillir du bois de chauffage sec. Comme à leur habitude, ils organisent des courses-poursuites dans les champs désertifiés. “Quand il fait bien soleil, le gaz arrive à l’école ; on est obligé de congédier les enfants. Les cours ont ainsi été suspendus plusieurs fois en saison sèche”, affirme une maîtresse de l’école publique.

Au loin, on remarque une chute grave de feuilles d’arbres qui continuent de s’assécher. “ Le gaz s’échappe de ces fûts depuis le 2 août 2005. A un moment c’était très grave. Les gens qui passaient sont même tombés et puis après, on a constaté que les arbres s’asséchaient… ”, explique Ebenezer Esome, le propriétaire de la plantation siège de la sinistrose. Fatigué de se plaindre, il s’est enfin résigné. Ce mercredi 24 mai 2006, il travaille dans sa plantation… comme si de rien n’était. L’essentiel des villageois font de même. Mais certains ont déserté le village.




Un produit dangereux pour l’homme…


Les informations recueillies auprès de l’Organisation de défense des droits de l’homme et de la protection du citoyen (Odhpc) indiquent que le gaz contenu dans les fûts abandonnés à Nkapa c’est du chlore périmé, conditionné dans de robustes bonbonnes de 800 litres, chacune. Il s’agit d’un “élément chimique… à l’odeur suffocante (Larousse)” qui entre dans la composition de plusieurs produits d’utilisation courante. Périmé ou non, il est très dangereux pour l’homme et son environnement. Les travaux de Susan Salomon et James Anderson (1986) montrent que le chlore est responsable de la destruction de la couche d’ozone. Or celle-ci est essentielle à la vie sur terre car elle la protège des rayonnements ultraviolets nocifs émis par le soleil.

Sa dégradation implique, selon ces chercheurs, “une élévation des risques pour la vie : brûlures superficielles, conjonctivites, cataractes, augmentation des cancers et vieillissement de la peau, maladies du système immunitaire, etc.” Par ailleurs, un environnement en permanence exposé au chlore provoque “une réduction de la photosynthèse, avec pour conséquence la diminution des rendements et de la qualité des cultures, disparition du plancton, premier maillon des chaînes alimentaires aquatiques...” Au-delà, certains experts confient qu’il peut servir à la fabrication de bombes et gaz lacrymogène… C’est dire le danger auquel sont exposés les habitants de la zone de Nkapa et ses environs, dont Douala, Mbanga, Loum, etc. Comment ce dangereux gaz est-il parvenu en ces lieux, s’interrogent encore les habitants.



Des sapeurs pompiers épinglés


Des renseignements recueillis auprès de la brigade de gendarmerie de Nkapa, de la 201e compagnie d’incendie de Douala (sapeurs pompiers) et de la délégation provinciale de l’Environnement et de la protection de la nature pour le Littoral s’accordent sur le fait que ces fûts de chlore sont la propriété de M. Fodouop, le directeur de la société Supermont dont le siège est à Douala. Ce dernier avait en effet importé ce produit pour son laboratoire de fabrication d’eau de javel. Entre-temps ses affaires ont périclité et le gaz est resté inutilisé. Les habitants de Bonabéri (Douala) où il était stocké se sont plaints des effluves qui se dégageaient déjà. C’est alors qu’il a contacté Bocom, une société spécialisée dans l’incinération. Celle-ci lui a demandé une forte somme d’argent (autour de 10 millions de Fcfa) pour détruire ce chlore.

Incapable de payer, le propriétaire s’est alors tourné vers des sapeurs pompiers à qui il a donné de l’argent pour le faire. Le produit aurait dû être détruit à Miang le 31 juillet 2005 mais les commissionnaires se sont trompés de chemin. “Ils ont plutôt pris le chemin de Dibombari et le camion s’est embourbé là”, indique un habitant, qui poursuit : “C’est alors qu’ils ont jeté les fûts ici.” La nuit, des habitants ont cru qu’il s’agissait de l’huile de palme détournée à la Socapalm proche et ont tenté d’ouvrir les vannes pour puiser “leur part”. C’est ainsi que le gaz s’est épandu un peu partout, enfumant tout le village. On ne percevra les effets que quelques semaine plus tard : des palmeraies brûlées en combustion lente.

Mais les sapeurs pompiers ne reconnaissent pas leur responsabilité dans cette affaire. En l’absence du colonel commandant de la 20e compagnie d’incendie de Douala en mission, aucun militaire n’accepte de se prononcer sur la question. Mais des sources bien introduites à la base révèlent que le responsable qui avait été contacté par M. Fodouop avait fait des affaires personnelles et n’est plus en service là-bas. A la délégation provinciale de l’Environnement pour le Littoral, le silence est aussi d’or. Apparemment, le dossier n’y intéresse plus personne, le délégué étant plus occupé à surveiller les réfrigérateurs au port de Douala.

Source: Le Messager


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