Il y a un an à peine, les supermarchés de Yaoundé inondaient d'oeufs de Pâques à la veille de cette fête chrétienne. De Tigre à Score, des rayons entiers étaient emplis de ces charmantes friandises deux semaines auparavant, preuve que la fête était imminente. Par contre cette année, l'effervescence est tombée d'un cran.
En effet, seul le magasin Score a affrété deux rayons " de faible dimension " pour l'occasion. " Nous avons eu trop de casses l'année dernière ", explique Jean-Marie Monthé Ngansop, responsable du magasin. Mais la raison principale est que les Camerounais n'ont pas la culture des " oeufs ", qui ne sont rien d'autre que du chocolat, blanc ou noir, en coque. Sous diverses formes, le chocolat est empaqueté soit dans des étuis en carton soit dans des emballages spéciaux. Pour les Camerounais donc, la fête ne se résume qu'à une retraite spirituelle individuelle ou en communauté. Aussi, ne trouvent-ils pas nécessaire de faire quelconque cadeau en cette période puisqu'elle est le reflet ou le moment de réconciliation avec le " Créateur ". C'est la raison pour laquelle, ils ne courent pas les magasins et en profitent pour remplir églises et autres assemblées. " Moi, je ne sais pas qu'on fait des cadeaux à Pâques, reconnaît Alain-Martin Bengono. Ce n'est pas la fête de Noël que je sache ".
C'est à partir du XIe siècle en Europe qu'apparut la pratique d'offrir des oeufs parce que le jour de Pâques marquait le début de l'année. Offrir des oeufs était alors synonyme de voeux de "bonne année" sous le signe de la fécondité. Une anecdote religieuse raconte aussi que c'est grâce à l'interdiction par l'Eglise de toute consommation d'oeufs durant le carême au IVe siècle que cette coutume a pris corps. Car, les poules, elles, ne faisant pas le carême, continuaient à pondre des oeufs. Ainsi, les chrétiens se les partageaient en y ajoutant une touche artistique au matin de Pâques après la messe. Ceci symbolisait l'esprit de solidarité et d'affection ; une manière d'exprimer la renaissance, un nouveau départ dans la vie des uns et des autres.
Un détour dans nos us et coutumes établit que la fête de Pâques coïncide avec le début de la saison des pluies, signe de " résurrection ". Car après une longue saison sèche où tout était " brûlé ", c'est la régénérescence. Les plantes fleurissent, la nature verdit.
Les Camerounais qui sont réputés grands " copieurs " de coutume occidentale sont en laisse cette fois-ci. Seuls quelques expatriés se dirigent vers les rayons " Spécial Pâques "des supermarchés de Yaoundé. Quelques peaux noires s'y avancent par contre par curiosité, histoire de jouer les snobs. C'est le cas de Théophile Kouna, qui avoue " Je n'y connais rien, mais comme je vois les Blancs toucher, moi aussi j'essaye ". " C'est dans les maisons avec des jardins que l'on fait ce genre de pratique. Moi, je vais à la messe dimanche et je fais la paix avec ma famille, c'est tout ", fait remarqué Nicole Ekassi.
Dans un pays producteur de cacao, il est fort temps que l'on se mette au partage du chocolat, au moins le jour de Pâques, ne ferait de mal à personne.
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