Depuis plusieurs jours, des responsables de certains grands cabinets d’expertise comptable sont convoqués par la police judiciaire et soumis à un rude interrogatoire. Les plus visés sont les cabinets qui certifient les comptes des sociétés d’Etat ou qui en assurent le commissariat aux comptes. Selon des informations glanées dans les milieux qui s’occupent de cette enquête, on aurait constaté que ces cabinets ont régulièrement certifié des comptes comportant de grossières irrégularités qu’ils ont systématiquement “ arrangées ”, se rendant ainsi complices actifs des gestionnaires indélicats. Ils ont par conséquent touché d’énormes rémunérations qui ne correspondent pas toujours à leurs prestations.
Cette pratique dure depuis des années. Et plusieurs dizaines d’entreprises publiques et para-publiques ont mis la clé sous le paillasson, alors que ces experts comptables “ agréés ” ont toujours certifié de “ bons comptes ” et présenté une image très reluisante des différentes sociétés où ils sont appelés à opérer. Quelques-uns d’entre eux ont été déjà placés sous mandat de dépôt à la prison centrale de Kondengui (Yaoundé) depuis la fin de la semaine dernière. D’autres arrestations sont annoncées et devraient s’opérer aussi parmi ceux qui ont déjà été entendus et relaxés. Depuis que les premiers experts comptables ont été entendus dans le cadre de la certification des comptes dans les sociétés d’Etat - c’est le cas de Bernard Claude Messy -, une vague de panique a envahi la corporation. Et les privilégiés qui avaient presque l’exclusivité des dossiers des sociétés d’Etat ont perdu le sommeil. Sont également dans le collimateur, les présidents de conseil d’administration et les administrateurs qui ont régulièrement donné des quitus de bonne gestion aux chefs d’entreprises, contre certaines largesses de l’entreprise, tout en voyant distinctement dans quel abîme les directeurs généraux conduisaient la boite.
Sont également dans le collimateur de la police judiciaire et de la justice, des hommes d’affaires dont il est établi qu’ils ont extorqué d’énormes sommes d’argent au trésor public par la contrebande ou la fraude douanière. Comme nous l’avons évoqué en exclusivité dans une de nos récentes livraisons, une liste de ces fraudeurs considérés comme le “ top ten ” de la fraude douanière, aurait été déjà déposée sur la table de Paul Biya. Parmi eux, on signale de grosses pointures du monde des affaires au Cameroun dont l’immense richesse n’est toujours pas justifiée par leur dynamisme. Ces fraudeurs, personnes morales ou physiques, se recrutent majoritairement dans la capitale économique. Certains milieux du Rassemblement démocratique du peuple camerounais (Rdpc) entendent pousser le président de la République à rechercher les délinquants économiques dans tous les secteurs de la vie nationale, afin que les militants du Rdpc ne soient pas présentés aux yeux du monde et livrés à la vindicte populaire comme les seuls fossoyeurs de la fortune publique au Cameroun.
Selon des informations, si le président de la République venait à autoriser le déclenchement d’une telle procédure, l’interpellation de ces hommes d’affaires ferait l’effet d’un coup de tonnerre, au regard de l’envergure des personnalités visées. Et la liste va au-delà du “ top ten ”. Bien évidemment, les douaniers, leurs complices dans les différentes opérations, sont aussi dans l’œil du cyclone. Quelques hommes d’affaires auprès desquels nous avons évoqué cette question cachent mal leurs appréhensions. Parce que, disent-ils, “ il est difficile d’opérer en douane au Cameroun sans traîner quelques casseroles ”. Mais les gens attendent toujours de voir jusqu’où peut aller le chef de l’Etat dans l’une des rares actions qu’il a engagées en 25 ans de pouvoir et qui bénéficient manifestement de l’adhésion de la majorité du peuple camerounais.
Source: La Nouvelle Expression
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