Qu`est ce que les individus qui se sont engagés hier matin à marcher vers le palais de l`Unité avaient en tête ? Il est encore bien difficile de répondre à cette question. Ils étaient une cinquantaine, tous vêtus de blanc, avec des brassards rouges au bras, et ont été dispersés brutalement aux environs de 9h, au niveau de la sous-préfecture de Yaoundé II (Tsinga), par les éléments de la police et de la gendarmerie. Ceux-ci ont en effet reçu l`information selon laquelle des manifestants étaient en route pour le palais d`Etoudi.
Dans leur fuite, ces individus ont évité de dire quoi que ce soit sur leurs intentions. On pourra juste apprendre de l`un d`eux qu`ils avaient quelque chose contre la gestion actuelle du Cameroun. Assis à même le sol sur le chemin qui mène au lycée de Tsinga, un des manifestants exige qu`on fasse venir un émissaire de l`ambassade des Etats-Unis d`Amérique afin qu`ils puissent dire quoi que ce soit. Il y a là des jeunes et des vieux, des femmes et même des enfants qui jettent des regards ébahis autour d`eux. On s`interpelle en langue bassa. Le blanc des vêtements n`a plus rien d`immaculé. Les séquelles de coups de matraques et de brodequins, ainsi que des chutes consécutives à l`arrivée des gendarmes y ont laissé des marques. Un des hommes acceptent quand même d`en dire un peu plus. "Um Nyobé s`est réincarné. Les gendarmes l`ont arrêté. Si vous retrouvez la compagnie où ils l`ont enfermé, il pourra vous dire l`objet de notre marche." Au niveau du carrefour de la sous-préfecture de Tsinga où la manifestation a été dispersée, il y a encore une foule de curieux qui parlent des "Bassas qui voulaient marcher pour Um Nyobé". Certains ont été arrêtés et conduits à la légion de gendarmerie du Centre à Yaoundé.
C`est le cas notamment du meneur de cette marche, celui qui se passe pour la réincarnation de Um Nyobé, et qui s`appelle en réalité Esaïe Bikay Nyee. Il était accompagné par Martin Molou, colonel de l`armée de l`air à la retraite, que l`on a surpris dans les locaux de la gendarmerie, comparant la situation du Cameroun à celle du Nigéria, où, selon lui, il y a moins de misère. En même temps que les quatre autres personnes interpellées, à savoir Towada, Manye, Feumba et Ntamack, ils devaient être entendus pas les gendarmes. Le préfet du département du Mfoundi, en même temps que le secrétaire d`Etat à la défense, ont été mis au courant de la situation.
Mais, un certain nombre de questions restent posées. Les personnes qui ont marché hier n`ont voulu se reconnaître aucun lien avec quelque faction de l`Union des populations du Cameroun (Upc). Les individus que nous avons rencontrés avaient l`air normaux, mais très décidés à faire entendre leur voix. Comment ont-ils été entraînés dans cette marche ? Que fait un colonel à la retraite dans le groupe ? Même à la gendarmerie, ils n`ont pas été plus clairs et le jeune Bikay a fait savoir qu`il sait tout seul ce qu`il avait l`intention de dire au président de la République s`il était parvenu à le rencontrer hier.
Source : Mutations
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