En 2005, la Société nationale des hydrocarbures qui gère les intérêts de l’Etat dans le secteur pétrolier, a versé 310,1 milliards au Trésor public, représentant la quote-part de l’Etat camerounais dans l’exploitation pétrolière camerounaise. Ce chiffre qui représente près du quart des ressources du pays, n’aurait certainement représenté que la moitié, si ce n’était la flambée des cours mondiaux du pétrole, observée à la suite de la multiplication des catastrophes naturelles, et aussi, de l’instabilité dans certaines zones de grande production (Proche Orient). Ceci montre, en tout cas, que le Cameroun demeure très largement dépendant de sa production pétrolière, bien que celle-ci soit en déclin. Ces chiffres, auxquels il faut ajouter quelques 22 milliards représentant les dividendes de l’Etat du Cameroun en sa qualité d’actionnaire unique, sont pourtant loin de traduire une amélioration de la production pétrolière.
Aujourd’hui, le Cameroun est devenu un tout petit producteur de pétrole, en plus, produit du pétrole d’assez mauvaise qualité (voir plus loin). Cette baisse de la production pétrolière semble désormais irréversible. En moins de dix ans, elle a chuté de plus de la moitié, pour se situer aujourd’hui à un peu moins de 4,5 millions de tonnes par an. La production pétrolière camerounaise, démarrée en 1977, a atteint sont pic en 1986, avec plus de 10 millions de tonnes produits en un an, soit une moyenne de 175 000 barils par jour. La baisse de la production s’est accélérée dès le début des années 1990 ; et en 1995, la production camerounaise tombait à 5 millions de baril par an. En 1994, Paul Biya fait prendre des mesures incitatives, en réaménageant les contrats pétroliers à l’avantage des multinationales, pour les encourager à développer les champs marginaux (les domaines pétroliers de faible potentiel). Cela n’a certes pas renversé la tendance, mais dès 1997, ces contrats avantageux ont permis de développer des puits dans le bassin Douala-Kribi-Campo : ce qui a stabilisé la production à environ 5 millions de tonnes par an. Aujourd’hui, avec une moyenne de production de 100 000 barils/jour, le Cameroun est déjà à la queue des pays producteurs de la zone Cemac (tous les pays sauf la République centrafricaine, qui a d’ailleurs des perspectives assez prometteuses au nord-est). Et, son rang au niveau africain est presque marginal à côté des mastodontes tels que le Nigéria, l’Algérie, l’Angola, ou même déjà, la Guinée équatoriale. La production actuelle est essentiellement pourvue par les champs off shore du bassin du Rio del Rey (dans la zone maritime contiguë au Nigeria) et le bassin Douala-Kribi-Campo frontalier de la Guinée équatoriale.
Appels d’offres
En désespoir de cause, les autorités ont multiplié des mesures pour stopper la chute, à défaut de renverser la tendance. Au total, une dizaine de permis de recherche ont été distribués, ces deux dernières années, aux firmes déjà présentes dans l’exploitation, pour tenter de stopper la baisse de la production. Cette distribution de permis d’exploration, à tour de bras, vise donc à stopper le ralentissement de la production, et à en réduire l’impact sur les recettes d’exportations et les finances publiques. Une technique qui a montré quelques fruits au cours des années 1990, concomitamment à la refonte de la fiscalité pétrolière ; mais dont l’effet semble limité aujourd’hui. A cette période, alors que les puits en exploitation étaient quasiment asséchés, la Société nationale des hydrocarbures a lancé l’exploration de ”champs marginaux”, à travers la refonte totale de la fiscalité pétrolière avec les firmes étrangères et le lancement d’appels d’offres pour 13 nouveaux blocs pétrolifères. Les perspectives de découvertes majeures étant peu prometteuses. Selon certaines firmes, la totalité de ces permis n’a pas encore été achetée. Ce qui contraint les autorités camerounaises, au-delà des mesures incitatives notamment fiscales offertes, à intensifier le marketing et à partager les risques. Par exemple, dans la plupart des opérations d’exploration menées au Cameroun, la Snh contribue financièrement à la prise de risques, étant entendu qu’elle partagera également les gains, le cas échéant.
Il y a un foisonnement d’entreprises pétrolières dans le domaine de l’exploration au Cameroun. A côté de Total Fina Elf qui a trusté près des 2/3 de la production pétrolière nationale, on trouve Mobil Producing Cameroon (aujourd’hui filiale du groupe ExxonMobil), Pecten Cameroon Company (filiale de Shell International) et Philips Cameroon. Avec les permis de recherche mis en vente par la Snh au cours des années 1990, d’autres sociétés sont intervenues : Kelt Cameroun devenue Perenco en 1995, Cms Nomeco Cameroun, Globex, Euroil, Fusion Oil & Gas, Grynberg Petroleum Company et Addax. Mais, les investissements dans l’exploration restent mesurés du fait du potentiel faible. La signature du contrat pétrolier avec Total E&P, il y a une semaine, fait partie de ces mesures tendant à relancer la production. Tout au plus, les autorités ont-elles réussi à ralentir la chute. Entre 2004 en 2005, la production nationale de brut est passée de 30 millions de barils/an, à 27,3 millions de barils. Le tout, dans un contexte où des manœuvres ont été mises en place, pour faire repartir la production. Ainsi, au cours des premier mois de l’année 2005, des forages avaient été lancés par des multinationales étrangères sur trois champs pétroliers offshore dans le bassin du Rio del Rey contigü aux eaux nigérianes. Des études d’impact et d’évaluation étaient, dans la foulée, lancées sur quatre autres champs pétroliers, dont un onshore à Edea, vers le centre du Pays. “Ces efforts, expliquait alors M. Atangana Mebara, le président du conseil d’administration de la Snh, ont permis, malgré le vieillissement des champs, d’atténuer le déclin naturel de la production nationale de pétrole brut ”. On voit aujourd’hui qu’il n’en a rien été. Fin 2005, les investissements réalisés, pour l’exploitation du pétrole dans le bassin de Rio Del Rey et celui de Douala-kribi-Campo, étaient estimés à 100 millions de dollars, essentiellement partagés par Total, Snh, Conocophilips, et Pétronas. L’espoir viendra-t-il de l’Orient ? Fin 2004, une délégation d’hommes d’affaires chinois a rencontré les responsables camerounais du secteur pétrolier, en vue de négociations. Brian Junjang, président de la firme chinoise, Cgc Overseas Contruction Co. Ltd (dont la filiale pétrolière, Star, opère déjà dans quelques pays africains) disait vouloir coopérer avec la Snh dans le domaine de l’exploration et de la commercialisation du pétrole.
Cette firme est intéressée, par le bassin du Rio del Rey, où plusieurs puits sont déjà en exploitation sur la côte camerounaise, et le bassin du Logone Birni au Nord du pays, une zone où il n’y a pas encore eu d’activité d’exploitation. Les premières recherches, effectuées depuis quelques années, dans le Logone Birni, ont montré un potentiel intéressant. “Dans cette perspective, explique, M. Moudiki, la Snh mettra à la disposition de Cgc Overseas Construction Co les données sismiques en sa possession, afin de permettre à cette société de mener ses propres évaluations”. Avant, la firme Sonatrach (une entreprise algérienne du secteur pétrolier, qui fédère les intérêts de plusieurs pays occidentaux dans le secteur énergétique) avait poursuivi, sur le site du Logone-Birni, des travaux de prospection entreprises, en son temps, par Exxon, après que la défunte Elf, qui s’est longtemps comportée en légitime propriétaire du pétrole camerounais, eut connu quelques ennuis. Il s’avère que sur la côte camerounaise, largement dominée par la firme française Total (qui a hérité du portefeuille de la défunte Elf), il n’y a pas de place pour d’autres firmes. Amerada Hess, qui opère en véritable magicien en Guinée équatoriale, où il découvre régulièrement des puits juteux, n’a pas pu opérer durablement au Cameroun, où il entendait prospecter dans le bassin Douala-Kribi-Campo, où, dit on, on ne trouve que des puits marginaux. Alors même que, cette zone est située à la frontière avec la Guinée équatoriale, et représente, selon d’autres spécialistes, un grand potentiel de production de pétrole de bonne qualité.
Bakassi
Même le Fonds monétaire international, malgré toutes ces mesures, a un optimisme assez mesuré : “ la production camerounaise devrait diminuer à moyen et à long terme, mais le rythme de cette diminution demeure incertain. La production pétrolière a chuté de moitié au cours des deux dernières décennies. Cependant, grâce aux dernières découvertes, la production devrait augmenter de 5% en 2006-2007, et rester stable sur 2008-10 ”. Le temps pour les autorités de distribuer d’autres permis de recherche. Le pire dans l’affaire, c’est certainement la décote qui frappe le pétrole camerounais. Sur les marchés internationaux, il n’est certainement pas le plus couru déjà par son origine au golfe de Guinée. “Dans le golfe de Guinée, les bruts, s’ils ne sont pas proches du Brent, ne présentent une décote moyenne que de 1 à 2 dollars par rapport au Brent ”, indique l’Observatoire de la gestion des revenus pétroliers dans une étude récente. Mais dans le cas du Cameroun, cette décote semble aggravée du fait d’une qualité peu prisée, comme en témoigne cette note de conjoncture du Fmi, datant de 2005 : “ les bruts camerounais sont des bruts lourds, et la décote par rapport au brut de référence Weo (World Energy Outlook) s’est récemment accrue.
Les capacités de raffinage mondiales existantes privilégient le brut léger ces temps derniers, ce qui a cause une augmentation sensible des écarts léger-lourd. Au Cameroun, le décote par rapport au Weo de référence a atteint 5 dollars Eu par baril au dernier trimestre 2004, au lieu de 2 dollars Ue par baril en moyenne antérieurement ”. Pourtant, le pétrole reste, de loin, le principal atout du gouvernement camerounais, qui en tire quelques 310 milliards à la faveur de la hausse des cours. Autre mesure envisagée par le Cameroun, pour relancer sa production pétrolière, la restauration de la souveraineté du Cameroun sur la presqu’île de Bakassi, en partie occupée par les forces nigérianes, depuis plus de 10 ans. En 2002, la Cour internationale de justice avait rendu un arrêt confirmant la souveraineté du Cameroun sur cette presqu’île réputé riche en pétrole et en ressources halieutiques. Malgré l’intermédiation de l’Onu, qui s’est impliquée au plus haut niveau, le Nigéria tarde à retirer ses troupes. D’autant que le pétrole présent dans cette zone maritime frontalière entre les deux pays, est de grande qualité. Les convoitises aux odeurs de pétrole continuent de geler la démarche du Nigeria vers le respect du droit international. Dans le cadre des manœuvres nécessaires pour obtenir de la communauté internationale des pressions sur le Nigeria, le rapprochement actuel de Paul Biya, avec les Etats-Unis est un élément déterminant.
Source : La Nouvelle Expression
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