Dans les services du délégué général à la Sûreté nationale (Dgsn), Edgar Alain Mebe Ngo’o, un commissaire de police rencontré, est sans ambages : "la délivrance des pièces officielles camerounaises aux ressortissants étrangers est d’une banalité affligeante dans notre corps.Les Libanais ne sont pas les seuls à détenir nos pièces officielles. Il y surtout des Sénégalais, des Maliens, des Nigérians et… bien sûr des Chinois". Joint au téléphone à ce propos, le délégué général à la Sûreté nationale, Edgar Alain Mebe Ngo’o dissimule mal son embarras. "Je préfère ne pas trop m’avancer sur cet autre sujet qui concerne selon vous, le commissaire divisionnaire Mbarga. Je considère cependant que vous me donnez là, une information qui nécessite l’ouverture d’une enquête", se contente-t-il de dire.
En effet, au cours du mois de février 2006, le chef du secteur opérationnel de la sécurité du territoire (Sost) pour le Littoral à Douala (renseignements généraux), le commissaire Bikaï et son adjoint le commissaire Ntock, sur dénonciation d’un tiers, interpellent deux ressortissants libanais : Nimer El Kadry Khodor et Omais Khaled dont le train de vie et la régularité des déplacements à l’étranger ne correspondent pas au volume de l’activité. Au cours des investigations que les deux commissaires mènent par la suite, ils s’aperçoivent que les mis en cause sont détenteurs de cartes nationale d’identité et de passeports camerounais. Interrogés sur l’origine desdites pièces officielles camerounaises, Omais Khaled dira qu’il est né à Ngaoundéré dans la province de l’Adamaoua. C’est alors que les responsables du Sost lui demandent s’il est détenteur du décret du président de la République qui lui confère la nationalité camerounaise.
Car, faut-il le rappeler, la loi camerounaise ne reconnaît la nationalité camerounaise à un ressortissant étranger que si le chef de l’Etat signe un décret dans ce sens. C’est alors que faute d’un tel document, Omais Khaled est interpellé et ses pièces (passeport et carte nationale d’identité) retirées. Alors que l’enquête suit son cours, les deux Libanais recourent au chef de la division du contrôle des services de police (Dcsp) encore appelée police des polices, le commissaire divisionnaire Victor Hugo Mbarga.
Ce dernier, selon des sources concordantes dans différentes unités de police à Douala, exerce des pressions sur les deux commissaires en vain. De guerre lasse, il effectue en personne une descente à Douala où il somme les commissaires Bikaï et Ntock de remettre les pièces retirées faute de quoi, les deux hommes risquent la suspension. Sans succès! Car, le secteur opérationnel de la sécurité du territoire du Littoral à Douala saisit la direction de la surveillance du territoire (Dst), qui jusque-là n’était pas au courant de cette situation.
Affaire de trop ?
La Dst à son tour demande d’approfondir l’enquête et de retenir les pièces incriminées. Ce que n’aurait pas apprécié le commissaire divisionnaire Mbarga, qui aurait brandi la menace de faire parvenir un dossier disciplinaire au Dgsn. Nimer El Kadry Khodor et Omais Khaled sont deux ressortissants libanais, associés dans le cadre d’une société dénommée Mak group Sarl.
Si la police reste sans éléments suffisants contre Khodor, elle retient de Khaled selon ses pièces d’origine camerounaise qu’il est né à Ngaoundéré le 25 décembre 1969. Transporteur de profession, il est grand d’un mètre soixante seize. Sous ses cheveux noirs, scintillent des yeux marron.
Son passeport camerounais numéro 03/Ps/49/730 492 qui expire le 05 juin 2008, lui a été délivré le 06 juin 2003 par le commissaire de police Jean-Pierre Oyono Engong. Longtemps avant l’obtention de cette pièce, sous le numéro 100.531.206, une carte nationale d’identité camerounaise lui a été délivrée le 27 juillet 1999 à Ngaoundéré...
Il reste que le nom du commissaire divisionnaire Mbarga se retrouve, une fois de plus, dans une affaire de la police où il est question d’argent, de trafic d’influence et de rapport à adresser à la hiérarchie. La dernière en date concernait les trois commissaires de police sanctionnés par le Dgsn, il y a quelques semaines, et où des sources de plus en plus nombreuses à la police accusent le commissaire divisionnaire d’avoir trop rapidement bouclé l’affaire et induit le Dgsn en erreur, alors qu’on ne sait toujours pas ce que sont devenues les cassettes saisies et qui mettaient en cause de hautes personnalités de l’Etat (et de la police) pour pratique de l’homosexualité.
Son nom a également été cité sur deux autres affaires au moins, l’une sur un réseau de faux visas vers la France, l’autre sur un réseau de faux timbres, qui n’ont jamais connu de lumière et où était impliqué un général de l'armée camerounaise. Ce qui explique sans doute l’embarras du patron de la police.
Source: Quotidien Mutations
|