Dans la nuit du vendredi au samedi 4 mars, Nyemb David, 48 ans, habitant à Douala et ayant eu à gérer, à Bonamoussadi, la maison de Bembambè David qui vit en Europe, est battu à mort par un groupe d’individus. Son corps, inanimé, est ensuite transporté à l’hôpital Laquintinie de Douala par cette même bande qui feint alors d’ignorer que la victime est décédée. Dans la journée du samedi 4 mars grâce au concours des proches de Nyemb et de Bembambè, ce dernier a été mis aux arrêts dans les locaux de la brigade territoriale de gendarmerie de Bonamoussadi, après déposition de deux témoins oculaires. On aurait donc pu penser que, à ce stade des choses, l’affaire suit son cours normal. Que nenni. Et pour cause ! L’avocat de la famille de la victime, Me Loth Makon vient d’adresser un courrier (le 11 mars 2006) à M. le procureur de la République près le tribunal de Grande instance du Wouri pour une “ Demande d’intervention à l’occasion d’un assassinat ”.
Dans cette correspondance, le conseil du défunt fait part de son inquiétude et de celle da la famille en ce qui concerne le climat pas du tout serein qui entoure à l’état actuel de la procédure, le déroulement des opérations. Les craintes des proches et de l’avocat de Nyemb David se fondent particulièrement sur un certain nombre de points : “ La connivence flagrante et écœurante entre les gendarmes et le mis en cause qui bénéficie de mille attentions et privilèges, notamment la liberté de mouvements. L’intermédiation active de la concubine de sieur Bebambè David laquelle est un Inspecteur de police principal et actuellement en stage à l’Ecole de police de Yaoundé... Le refus du commandant de recevoir les représentants de la famille éplorée qui offre d’apporter sa contribution à la manifestation de la vérité. La preuve selon les collatéraux de Bembambè David, c’est le traitement de faveur dont jouit ce dernier pendant sa garde-à-vue... ”. Et de justifier en guise de conclusion l’urgence de cette intervention “ L’inquiétude de mes clients est légitime et fondée, et fort de la conviction que votre autorité renforcera la primauté du droit sur la force ”.
Repris de justice
Pour comprendre comment est-ce qu’on en est arrivé là, il convient de revenir sur les faits. Nyemb David, Bembambè David, sont deux vieux amis qui ont grandi avec tant d’autres ensemble à Mboppi. Des liens affectifs sont nés et la fierté d’appartenir à une enfance et une jeunesse communes les rapprochent encore plus. Et lorsque Bembambè alias Ekoutè, habitué des cellules de prison au Cameroun et ailleurs, quitte sa terre natale pour l’Europe dans des conditions qui restent troubles à ce jour, il confie naturellement la gestion de sa villa cossue qu’il vient d’édifier à Denver, le plus huppé des secteurs de Bonamoussadi. Nyemb David mène ainsi son petit bonhomme de chemin, veillant sur les biens de son homonyme. Jusqu’à cette nuit noire du meurtre. Nous sommes vendredi 3 mars, Nyemb David et Beyack Samuel sont assis sur la terrasse d’un bar, situé au Camp Yabassi à deux pas de la quincaillerie Sorepco. C’est là qu’à 21h30 un tiers vient informer Nyemb que son employeur, Bembambè le cherche. Le pauvre Nyemb est loin de s’imaginer le calvaire qui l’attend, presque comme Jésus au Mont Golgotha. Il le rejoint donc à Denver à Bonamoussadi, sous l’escorte de quelques commissionnaires de Bembambè. L’ami d’enfance, gardien du temple en l’absence de son homonyme de patron, n’aura même pas la faveur de franchir le seuil de la porte principale qui permet d’accéder au Bebambè’s land. Il est cueilli par une véritable escouade armée de gourdins, barres de fer et autres fouets : “ Ils lui ont administré une bastonnade en règle jusqu’à la mort avant de se débarrasser du corps sous un faux nom, à la morgue de l’hôpital Laquintinie, en voulant faire passer la cause du décès sur le compte de la justice populaire ”, explique Me Loth Makon dont la relation des faits rejoint les deux témoins oculaires qui déposé samedi 4 mars contre David Bembambè et qui ont ainsi contribué à l’interpellation de Bembambè et Djongo, deux des bourreaux de Nyemb. Sans nécessairement savoir que celui qui se fait surnommer Ekoutè sortait de prison en France où il venait de purger sa peine et de se débarrasser du bracelet électronique qui le liait aux autorités judiciaires françaises.
Garde à vue dorée
Mardi 14 mars 2006. Scène surréaliste à la Brigade de gendarmerie de Bonamoussadi. Deux individus habillés l’un d’un maillot couleur or du Milan Ac et d’un pantalon Jean’s, l’autre d’un maillot des Lions Indomptables de couleur verte. Ils boivent tranquillement une bouteille d’eau minérale en compagnie de celui qui est censé les avoir à l’œil. Les deux énergumènes ne sont autres que David Bembambè et Timothée Djongo, soupçonnés d’assassinat, complicité et non-assistance à personne en danger. Il semble presque libre de mouvement même s’ils doivent passer la nuit dans une seule et même cellule. Le troisième larron Takeu Yikon Lionel, le vigile de l’autodéfense qui gardait la guérite, à l’entrée de Denver, est lui souvent confiné en cellule. Peut-être à sa demande d’ailleurs. Quoi qu’il en soit, on peut s’interroger sur l’opportunité de garder à vue dans la même pièce trois prévenus d’une même affaire.
L’ascendance que pourrait exercer un Bembambè sur ses deux compagnons de misère est pourtant prévisible : “ Je ne sais pas ce que je fais ici. Mon patron m’a dit qu’il est entrain de tout faire pour que je sorte d’ici ”, répond par exemple Takeu Yikon quand on lui demande ce qu’il est venu chercher dans cette galère. C’est que David Bembambè, généreux “ faroteur ”, n’hésite pas à inonder de largesses le comité auto-défense de Denver. Du coup, les membres de ce comité le considèrent comme leur patron. Par ailleurs, la petite amie de David Bembambè, une élève officier de l’Ecole de police de Yaoundé rend visite chaque jour à son compagnon tout en oubliant pas d’exercer les pressions afin d’obtenir la remise en liberté de son cher et tendre : “ Cette dame s’est offusquée de ce que David Bembambè soit déféré à Ndokoti alors qu’elle dit avoir exigé que c’est Bonanjo qui se saisisse du dossier ”, indique-t-on à la Brigade de gendarmerie de Bonamoussadi.
Depuis la révélation de l’affaire par Chris Tobie de Radio Equinoxe, qui passait par hasard à Denver la nuit du crime, c’est tout Mboppi qui est en émoi. D’autant plus que les indiscrétions glanées dans l’entourage de la famille du défunt et d’autres observateurs, laissent entendre que David Bembambè, contrairement au sort réservé à Djongo, se la coule plutôt douce dans les locaux de la Brigade territoriale de gendarmerie de Bonamoussadi, le tristement célèbre Golgotha. Une brigade qui, en d’autres temps, avait fait parler d’elle dans l’affaire Moutombi. L’ex-chef d’agence de la Cecic d’Akwa, soupçonné de détournements de 13 millions Fcfa, avait été sauvagement frappé et torturé. Il succombera de suite de ces blessures. Les officiers de gendarmerie dont le Commandant de brigade Menanga fortement soupçonnés d’être plus ou moins directement à l’origine de la mort de Emmanuel Moutombi, sont aujourd’hui poursuivis en justice. Drôle de contraste avec le traitement infligé aux bourreaux présumés de Nyemb David.
Source : Le Messager
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