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La source intarissable de Monseigneur
(09/03/2006)
L’évêque, Jan Ozga, a fait ériger des points d’eau dans le village, mais le projet peine à s’étendre à toute la population, faute de moyens.
Par Jean-Bruno Tagne, à Doumé

Doumé. Petit village situé à un peu plus de 60 km de Bertoua, dans la province de l’Est. La route qui mène au village est bosselée et poussiéreuse. Les deux côtés de la route sont clairsemés de maisons construites en terre battue, aux toits de chaume et couvertes de poussières.
Les chèvres, cochons et autres animaux domestiques ensauvagés cavalcadent au passage des voitures qui soulèvent un impressionnant nuage de poussière, tout en violant le calme du village avec leurs vrombissements.
L’animation au village est rare. Même pas au marché, lieu par excellence des animations de toutes sortes en zone rurale. C’est là que converge en principe tous les villageois pour leurs rendez-vous d’affaires où même pour les rendez-vous galants. Le marché de Doumé lui, est plutôt calme. Pas vraiment grand monde. Peut-être ce 1er mars 2006 n’est-il pas jour du marché?
Doumé c’est son évêché. Ce village compte parmi les privilégiés du Cameroun sur ce plan. La raison, nous explique-t-on, est que Doumé fut le carrefour de l’évangélisation dans toute la vaste province de l’Est. La battisse qui accueille les services de l’évêque est une merveille dont la construction n’est pas terminée. L’architecture est simple, mais agréable. Les techniciens ont abondamment utilisé le bois. C’est ce qui manque le moins dans cette région forestière.

L’évêque, Jan Ozga, a une préférence pour le "Bubinga" dont il dit être amoureux. Il ne s’en est donc pas privé. Que ce soit dans sa chapelle ou dans son bureau, le plafond, le mobilier et les sculptures sont faits grâce au "Bubinga". Tout est beau et baigne dans une propreté immaculée. Aux toilettes, les chasses d’eau sont abondamment approvisionnées. De quoi surprendre dans ce village, inconnu de la Société nationale des eaux du Cameroun (Snec).
La réponse à ce mystère se trouve en contre bas des services de l’évêché. Là, se trouve une source qui a été construite il y a 3 ans. Nous y trouvons une dizaine de femmes qui lavent joyeusement leur linge. Elles profitent de cette eau potable qui coule à n’en plus finir. Une aubaine à Doumé où les populations peinent à avoir la moindre goutte d’eau potable. "Cette eau nous fait un grand bien. Avant il était impossible pour nous de rester là et de laver nos habits. Il y avait énormément de sangsues et en plus l’eau n’était pas propre. A la moindre pluie, le torrent nous envahissait et on ne pouvait plus rien faire ici ", explique une jeune dame tout en continuant de cogner du linge sur le sol cimenté. La buanderie rêvée pour ces ménagères

Distribution
Comment en est-on arrivé à ce point d’eau qui coule dans les tuyaux depuis pratiquement 3 ans et 24 h/24 ? La technologie est assez complexe. Les techniciens ont commencé par creuser sur le flanc d’une petite colline. Puis, l’eau a été conduite dans une première citerne où un dispositif de filtrage a été construit. Ensuite cette eau repart dans une deuxième citerne qui, elle aussi, a un dispositif de filtrage et de traitement. L’eau ressort par des tuyaux et coule au niveau de la "buanderie". Cette description est certes sommaire, mais c’est un peu la technique qui a été utilisée.
Pour permettre la distribution de cette eau à l’évêché et à tout son voisinage, une autre technologie, cette fois plus coûteuse a été mise en œuvre. Pour simplifier les choses, l’eau arrive à la "centrale" et est automatiquement traitée avec du clore. La centrale de distribution d’eau se trouve juste à côté du dispensaire de Doumé. Il s’agit d’une petite maison à l’intérieur de laquelle se trouvent deux gigantesques cuves. Celles-ci sont reliées à des générateurs et à des appareils de toutes sortes.

Ce dispositif, explique l’évêque Jan Ozga, consomme énormément l’énergie électrique et, à la moindre coupure, plus d’eau. C’est pourquoi il dispose d’un puissant groupe électrogène de 30 Kva. Pour donner une idée de la puissance de ce générateur, disons qu’il est capable d’alimenter tout le village de Doumé en électricité. Cet appareil offert par une famille italienne permet de pallier les coupures d’électricité (du réseau Aes-Sonel), par ailleurs très nombreuses dans la région.
Aujourd’hui, la ville de Doumé dispose de 5 bornes fontaines, dont l’une à l’école catholique, l’autre au dispensaire, etc. Tous ces points d’eau fonctionnent à merveille "grâce à Dieu" et pour le bonheur des populations. Lesquelles tournent progressivement le dos aux maladies liées à la consommation de l’eau salle qui étaient jadis leur lot quotidien. Exit également le chemin de croix de certains habitants de Doumé, qui devaient parcourir des kilomètres à la recherche d’une eau de qualité approximative.

Chemin de croix
Pour y arriver, il a fallu dépenser 78 millions de francs Cfa. 45 millions sont venus de l’ambassade de France, à travers le Fond social de développement (Fsd) et 35 millions du diocèse de Doumé. Cet argent a servi à la construction des citernes, à l’aménagement de la source, à la construction des bornes fontaines, à l’achat du matériel et à payer la main d’œuvre. Il a également fallu un homme dévoué pour conduire ce projet.
Jan Ozga, c’est son nom. Evêque de Doumé depuis le 1er mars 1997, ce fringant prêtre polonais de 50 ans, bien en jambe, est la tête pensante du projet " eau pour tous à Doumé ". Ses collaborateurs confient que pendant la réalisation des travaux, il a souvent enfilé bottes et gants pour rentrer dans la vase avec les ouvriers. Ce qui lui vaut d’être adulé par ses fidèles. "C’est un homme très travailleur. Il n’est pas du genre à donner des ordres en restant à l’écart. Lui-même se mouille, comme tout le monde. Depuis qu’il est à Doumé, il a redonné vie non seulement à la ville, mais surtout à l’Eglise locale ", confie l’abbé Joseph Théophile Tara.

Mgr Jan Ozga n’est pas pour autant satisfait. Il est même très amer face à la pauvreté galopante qui règne à Doumé. "C’est inquiétant de voir un tel niveau de pauvreté ", lance-t-il. Mais sa plus grade colère reste liée à l’impossibilité dans laquelle il est de pouvoir réaliser son rêve d’eau pour tous à Doumé. Malgré sa source intarissable et 5 bornes fontaines, l’évêque estime n’avoir pas encore atteint son but. Ce d’autant qu’il a les capacités techniques pouvant lui permettre d’alimenter tout le village de Doumé en eau potable.
C’est qu’il se heurte à un déficit de moyens qui pourraient lui permettre d’étendre son projet aux quartiers encore dépourvus d’eau. L’Etat reste muet face à ce problème qui relève pourtant de l’eau, un domaine vital et même de santé publique. "C’est incroyable qu’un pays comme le nôtre ne puisse pas être capable de pousser un tel projet d’une grande importance. Et quand on voit ce pourquoi on dépense des fortunes dans ce pays, on a de quoi ce demander où va notre pays", commente un jeune homme originaire de la région.

Cette situation ne manque pas de rappeler au souvenir de l’évêque le chemin de croix qui fut le sien lorsqu’il fallait acheminer au Cameroun le groupe électrogène offert par une famille italienne. Il confie qu’il en avait fait la demande au Vatican, qui lui avait plutôt donné le contact d’une famille en Italie qui voulait faire ce don à une communauté religieuse. Il n’était donc pas destiné au Cameroun au départ. Jan Ozga se rend donc en Italie et réussit à obtenir le groupe, qui est entièrement refait aux frais du donateur.
Le colis part d’Italie sans problème, mais lorsqu’il arrive au Cameroun, les tracasseries commencent. L’évêque est sommé de payer des droits de douane dont le montant tutoie ce qui a été dépensé pour restaurer l’appareil et le transporter jusqu’au Cameroun. Le prélat n’en croit pas ses yeux, ce d’autant que, semble-t-il, les colis venant du Vatican sont exonérés de droits de douane. L’évêque saigne sans gémir et paie. Aujourd’hui, l’eau coule à Doumé, pas pour tout le monde certes, mais elle coule et reste intarissable.



Source: Camerounn Link


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