Le Palais de justice de Yaoundé centre-ville a retrouvé sa quiétude des jours ordinaires hier, mercredi 1er mars 2006, au lendemain de l’audience consacrée aux débats au fond de l’affaire qui met aux prises Grégoire Owona, le ministre délégué chargé des Relations avec les assemblées, au journal L’Anecdote et son patron, Jean-Pierre Amougou Bélinga. Ces débats avaient permis de se rendre compte que le journal ne disposait d’aucun élément de preuve pour soutenir l’inscription du nom du ministre dans le "Top 50 des homosexuels présumés du Cameroun". Le bluff du journal ayant été démasqué, l’ambiance haineuse et bruyante, qui caractérisait les premières audiences du procès en diffamation intenté par le ministre, est redevenue calme. Civilisée.
Hier, au Palais de justice, il n’y avait plus ces jeunes gens excités, qui arboraient des tee-shirts aux messages hostiles à l’homosexualité, balançaient des quolibets et menaçaient de s’en prendre physiquement au ministre et à ses avocats, comme la veille, au sortir de l’audience. Ils ont fait place nette. Comme Jean-Pierre Amougou Bélinga, leur "idole". Alors que le patron de l’Anecdote était attendu pour la suite du procès, il a fait dire au tribunal, par la voix de l’un de ses avocats, qu’il était malade et hospitalisé. Une annonce qui a fait sourire certains, compte tenu de la superbe affichée par l’accusé la veille. Les collaborateurs du patron de presse, ses " experts ", étaient tout aussi invisibles.
Cette absence de l’accusé, assimilée par certains à une échappée, n’a pas empêché Alexandre Amougou Anaba, le président du tribunal, de donner la parole aux avocats des deux parties pour leurs plaidoiries et au procureur de la République pour son réquisitoire. Et comme de coutume, les conseils de Grégoire Owona étaient les premiers à intervenir. Ils seront quatre à monter au créneau pour démontrer que leur client avait été diffamé et que son honneur et
sa considération ont été bafoués. Ils vont "plaider uniquement le préjudice moral", et exiger que l’accusé soit condamné à faire publier, à ses frais et sous astreinte financière, dans une vingtaine d’organes de presse, le verdict du tribunal et verse un franc symbolique au plaignant à titre de dommage.
Larmes
Ces avocats diront, dans leur démonstration, que Amougou Bélinga avait "l’ambition d’exister", ce qui l’a poussé à "se mettre en vedette". D’où sa volonté de nuire. Ils ont donné lecture des réactions de plusieurs organisations professionnelles des journalistes, qui ont condamné à l’unanimité le travail de l’Anecdote. Reporters sans frontière a par exemple parlé de "média de la haine" pendant que l’Union internationale de la presse francophone (Upf) souligne, au sujet des accusations de ce journal "qu’un responsable de publication permettant cela, nie toutes les règles qui fondent un exercice honorable et licite de son métier".
Au moment de parler du préjudice subi par M. Owona et sa famille, compte tenu du caractère infamant de l’accusation d’homosexualité dans la société camerounaise, le ministre a craqué et s’est mis à verser des larmes. On apprendra ainsi que l’un de ses enfants l’a mis en demeure de donner la preuve de sa non appartenance à la caste des homosexuels, pour renoncer à son projet de se suicider. Le procureur de la République, soulignera que "le journal a agi assez légèrement et causé beaucoup de dommages". "Les faits sont assez graves parce que nous n’avons pas eu les preuves que nous attendions", ajoutera-t-il. Il demandera que la loi soit appliquée dans toute sa rigueur.
Contrariés par l’absence de preuves de leur client, les avocats de l’Anecdote s’investiront à démonter que Grégoire Owona avait été injurié et non diffamé, que sa citation directe était mal conçue, pour plaider la relaxe de l’accusé pour " infraction non caractérisée ". Au bout de 5 heures d’audience, le juge a décidé de mettre l’affaire en délibéré. Le verdict tombera vendredi prochain.
Source: Cameroon Link
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