Un angle du couloir de la maternité A de l’Hôpital central de Yaoundé est littéralement envahi par une meute de femmes d’âges différents. Elles ont plusieurs dénominateurs communs. Elles viennent d’accoucher, elles sont toutes passées par le bloc opératoire. Et, surtout, elles sont retenues depuis plusieurs semaines pour non paiement des frais. L’aînée des mamans séquestrées a 47 ans, la plus jeune en a 22, d’autres ont 25, 29 ou 30 ans. Certaines sont en "détention" à l’hôpital depuis le mois de décembre. C’est le cas de Ngah Owona, la plus jeune. Elle a accouché par césarienne et a une facture de 108.250 Fcfa à payer. Son Kit (une sorte de paquet minimum, préparé par l’hôpital pour intervenir au bloc dans les cas d’urgence avant le remboursement de la famille) a été réglé. Ce kit coûte 65.000 F. Ngah Owono affirme que cela a financièrement saigné sa famille qui est a bout d’efforts. Son train-train quotidien est dur à l’hôpital. Elle vit de la solidarité des mieux nanties qui lui donnent à manger, pour elle et son bébé. Son partenaire n’a plus fait signe de vie depuis qu’elle a refusé de se faire avorter. La jeune fille ne connaît d’ailleurs que le prénom de cet amant : Désiré qui travaillerait dans un garage de Yaoundé.
Le petit ami d’Antya Marianne, 26 ans, une autre pensionnaire en " otage " à la maternité est inspecteur de police. On a dû aller le contraindre, manu militari, pour qu’il consente à faire un tour à l’hôpital le jour de l’intervention chirurgicale de sa maîtresse. " Il a d’abord donné 30.000 Fcfa, puis a envoyé ensuite 10.000 F. Depuis un mois, il n’y a plus mis les pieds, explique Florence, la nièce de Marianne. Au téléphone, il dit n’avoir plus d’argent pour elle". Antya a eu une grossesse extra-utérine. Il lui reste à payer 106.000 Fcfa.
Avounda Anne, la doyenne de ces mamans insolvables, en était à sa sixième grossesse avec trois enfants vivants. Elle est retenue à la maternité principale depuis la semaine de Noël où elle a aussi subi une intervention chirurgicale des suites d’une grossesse extra-utérine. Le bébé qu’elle a perdu était le fruit d’un mariage récemment contracté. Elle est consciente qu’à 47 ans, une grossesse est à risque. Mais elle se défend : " je voulais aider mon mari. Brûlé en bas âge, les séquelles de la brûlure l’ont rendu méconnaissable. En plus, il est estropié. Il souffrait de n’avoir jamais connu de femme. Lorsqu’une amie m’a présenté sa photo, je me suis dit que j’avais l’occasion de vivre la joie d’une femme au foyer tout en aidant une créature de Dieu qui n’avait jamais connu le plaisir d’une relation intime ". L’enfant est venu. Mais la grossesse n’est pas arrivée à terme. Pire, Anne Avouda paie depuis deux mois le prix de sa charité dans les couloirs de la maternité principale de Yaoundé. Elle doit plus de 170.000 F à l’hôpital.
Le service des affaires sociales de l’institution fait de son mieux pour alléger les souffrances de ces femmes. Hier, Christine Nomo, assistante sociale, en service à l’hôpital, arpentait le cabinet du directeur pour plaider leur cause. Elle a pu ainsi obtenir une réduction de l’ordre de 50% pour Mawout Odette, mère des triplés. Christine Nomo affirme d’ailleurs que le Pr. Biwole Sida fait tout le mieux qu’il peut pour ces indigents. " Il va très souvent au delà de nos espérances , mais il faut aussi que l’hôpital vive ".
Le jour, la vie semble moins pénible mais, c’est presque le calvaire la nuit. Il faut braver les moustiques, le froid, sur des matelas qui n’offrent aucun confort pour ces jeunes mamans qui viennent toutes d’être opérées.
Source: Cameroon Tribune
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