Rechercher
Rechercher :
Sur bonaberi.com   Google Sur le web Newsletter
S'inscrire à la newsletter :
Bonaberi.com
Accueil > News > News
Jusqu’où peut aller Paul Biya ?
(28/02/2006)
L’interpellation de certains anciens dg de sociétés d’Etat ne rassure pas sur la détermination de Paul Biya à assainir les mœurs publiques.
Par Xavier Luc Deutchoua

L’arrestation de certains anciens dirigeants d’entreprises publiques et de leurs collaborateurs a un double mérite. Elle apporte de l’animation dans un Cameroun qui, depuis l’avènement de Paul Biya au pouvoir, et exception faite des soubresauts de la période de transition Ahidjo-Biya, puis, plus tard des remous des années de braise, a "la triste réputation d’un pays où rien ne se passe". L’expression est d’un diplomate. Le second mérite, si l’on veut prêter de bonnes intentions au Renouveau qui n’en est pas à sa première campagne d’assainissement des mœurs publiques, est de donner l’occasion de mesurer le niveau de duplicité de la classe politique camerounaise

Divine surprise, en effet, c’est dans les rangs du Rassemblement démocratique du peuple camerounais, le parti au pouvoir que se manifestent des réactions les plus surprenantes. Le parti au pouvoir, à travers les motions de soutien au chef de l’Etat qui fusent des sections du Rdpc, semble découvrir, aujourd’hui seulement, un fléau mille fois dénoncés dans les colonnes de Mutations. L’Alliance nationale pour la démocratie et le progrès (Andp), un parti aux résultats électoraux peu reluisants, a aussi adressé une salve de soutien au Chef de l’Etat, perdant ainsi une bonne occasion de se taire, ne serait-ce que parce que son leader, Hamadou Moustapha, ancien ministre de l’Urbanisme et de l’Habitat, n’a pas encore fait le bilan de sa gestion du patrimoine immobilier de l’Etat. Où étaient donc passés ces rédacteurs de motions au temps où les chevaliers du pillage de la fortune publique s’en donnaient à cœur joie ?

De toute évidence, le pouvoir s’organise à tirer le maximum d’avantages de cette situation. Le moyen semble tout trouvé de divertir un peuple, irrité, angoissé et frustré par 24 années de promesses non tenus et d’espoirs déçus. On ne saurait interpréter autrement le spectacle de l’arrestation des quatre anciens dirigeants de société d’Etat. La volonté de les humilier était manifeste. Autant l’interpellation des leurs collaborateurs s’est effectuée sans vague, dans l’absolue discrétion, autant on a noté comme une jouissance non dissimulée de la part des Force de maintien de l’ordre commis par le pouvoir à traîner dans la boue l’honneur des Dg déchus. La résidence de Gilles Roger Belinga mise sens dessus dessous, les cartables de ses enfants en partance pour l’école fouillés, le téléphone de son épouse confisqué…. Avait-on besoin de tant de cerbères et de ramage pour conduire chez le procureur de la République des personnalités dont les domiciles et adresses sont connus des autorités policières et judiciaires? L’arsenal juridico administratif du Cameroun prévoit la résidence surveillée, que l’on aurait pu appliquer aux prévenus.


Mépris

En vouant les présumés voleurs au mépris, Paul Biya, chantre du respect de l’autorité de l’Etat, a assurément réussi un coup médiatique. Ce qui est à craindre, c’est que la tension, disons la demande, ne monte dangereusement au cours des prochains jours, et que de rumeur en rumeur, la liste des présumés fossoyeurs de la fortune publique ne s’allonge, obligeant le président à aller dans le sens de l’opinion. Déjà, des voix s’élèvent pour exiger le respect de l’équilibre régional dans les arrestations. Cet appel incite au moins le pouvoir à clarifier son jeu: sur quelle base s’opère la sélection? Ne pas y donner une réponse rapide donnerait à penser que Paul Biya se joue des clans qui se lynchent actuellement dans la perspective de sa succession. Ou que la sortie du vice-Premier ministre Amadou Ali était un ballon d’essai destiné à identifier les têtes de Turcs du public .Il faut donc craindre que le pouvoir se laisse aller au jeu du populisme. Dans la suite de l’opération, il est souhaitable, à chaque fois, de poser comme dogme le primat de la présomption d’innocence.
Jusqu’où le pouvoir peut-il pousser la lutte contre la corruption et le détournement des fonds publics et la mauvaise gestion? Ceux qui gardent à l’esprit le souvenir du Mounchipougate peuvent redouter le tout prochain essoufflement du président de la République On se souvient des espoirs suscités par cette affaire dans le cœur des partisans de la gestion transparente des finances publiques, et de la douche froide infligée aux Camerounais par la tournure donnée aux évènements. A l’époque, en 1999, il était question de faire mentir la première place remportée dans le classement de l’indice de perception de la corruption de Transparency International.
Autre chose de nature à refroidir les Camerounais, l’absence d’implication des forces politiques dans le processus en cours. Une fois admis la nécessité de transformer les mœurs publiques, et face à la difficulté de la lutte contre la corruption, on se serait attendu à une démarche commune entre le pouvoir, les partis de l’opposition, les syndicats, la société civile, sans oublier la presse. Dans une démarche consensuelle, ces forces auraient pu s’entendre sur les objectifs de l’action répressive à entreprendre : la privation de liberté aux gestionnaires coupables d’indélicatesse, ou la restitution de biens mal

Tout porte à croire, par contre, que l’opération en cours n’est ni l’initiative personnelle du chef de l’Etat, ni menée dans le sens de l’intérêt exclusif des Camerounais. La chasse aux baleines a été ouverte par l’ambassadeur des Etats-Unis au Cameroun, Niels Marquardt, au cours d’un point de presse tenue à la Maison de la Presse à Yaoundé. Même si, par la suite, le vice-Premier ministre lui aura emboîté le pas, en annonçant l’ouverture prochaine d’au moins "six gros dossiers", on aura noté, avec l’interview accordée à Mutations par Norbert Braakhuis, l’ambassadeur des Pays-Bas, que la lutte engagée est le préalable au quitus des pays actionnaires du Fmi et de la Banque mondiale pour l’atteinte du point d’achèvement de l’initiative Ppte. Les observateurs auront noté l’activisme de Niels Marquardt reçu à deux reprises en une semaine au Palais de l’Unité.

Ce rapport trop voyant ne laisse aucun doute sur les commanditaires de la campagne anti-corruption. Aes-Sonel, entreprise ayant racheté la société parapublique Sonel est la preuve de l’intérêt des Américains à contrôler les puits de pétrole du Golfe de Guinée.
Enfin, vu le profil des mis en cause, on ne devrait pas espérer un recul significatif du fléau de la corruption et de la mauvaise gouvernance. Pour l’instant, le mystère demeure sur les faits exacts et les dossiers sur lesquels les prévenus seront interrogés. Mais s’il arrivait au tribunal d’ouvrir le livre de la gestion du Crédit foncier, de la Sic, du Port autonome et du Feicom, des surprises ne sont pas à exclure.

Pétrole

De longue date et de notoriété publique, les quatre entreprises précitées sont considérées par l’opinion publique comme des pompes à fric du Rdpc, pour ne citer qu’un cas. Les dg interpellés sont aussi, précisons avec insistance, tous d’éminents hiérarques du parti au pouvoir. Un hasard qui n’en est pas un. Comme in ne semble pas non plus relever du hasard que ces entreprises aient été de généreuses donatrices de certaines fondations…. Les pistes pullulent
Qu’on nous comprenne bien. Il n’est pas question de prendre la défense des Edou, Siyam Siwe, Bélinga et Ondo Ndong. Mais de dire haut et fort qu’à l’heure du bilan, toute la chaîne des bénéficiaires des détournements, si détournements il y a, devrait être démontée. Il est un trop facile de laisser à d’autres la responsabilité des déficits, de tirer à soi tout l’actif en accablant autrui sous le poids du passif
Jusqu’où peut donc aller le Président de la République? Pourra t-il frapper dans ses 5m2 sans mettre en péril les fondements de son régime? On peut penser que c’est après le départ de Paul Biya que le voile sera levé sur les vrais scandales financiers de ce pays.

Source : Cameroon Link


Partager l'article sur Facebook
 
Discussions Discussion: 10 bérinautes ont donné leur avis sur cet article
Donnez votre opinion sur l'article, ou lisez celle des autres
Sur copos Sur Copos
Les vidéo clips Les vidéos clips
Récents Récents


Accueil  |  Forum  |  Chat  |  Galeries photos © Bonaberi.com 2003 - 2025. Tous droits de reproduction réservés  |  Crédit Site