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L'universalité de la litterature africaine
(26/02/2006)
Avec un titre original et fort évocateur, Désir d'Afrique, du Congolais Boniface Mongo-Mboussa, est une initiation à la littérature africaine et une clé pour la comprendre.
Par Paul Yange

Avec un titre original et fort évocateur, Désir d'Afrique, du Congolais Boniface Mongo-Mboussa, est une initiation à la littérature africaine et une clé pour la comprendre(1). Sous forme d'interviews, plus de vingt-cinq auteurs livrent les raisons du choix des thèmes abordés, la structure des ouvrages et les traits caractéristiques des personnages. Pédagogique, Mongo-Mboussa les amène à expliquer ce que le non-initié ne comprend pas de prime abord. Fluide et clair, il retrace un long historique dans le but de montrer qu'il existe bien une littérature et une tradition littéraire africaines.

Les thèmes de prédilection des "anciens", tels Léon Gontran Damas, Aimé Césaire, Léopold Sedar Senghor, Birago Diop, Chinua Achebe, Camara Laye, Tchicaya U Tam'Si, ou Mongo Beti, étaient : la réhabilitation de l'image de l'homme noir et de la mémoire africaine, la colonisation et la décolonisation, l'exil, l'immigration ou encore des idées novatrices comme le métissage. Lorsque la nouvelle génération s'est emparée de ces thèmes, les critiques littéraires ont salué sa nouveauté, or il est plus judicieux d'évoquer l'oeuvre des jeunes auteurs en termes de continuité et non pas de rupture. Cela ne veut pas dire que la littérature négro-africaine reste enfermée dans un carcan. L'apport et la pertinence des thèmes abordés par la nouvelle génération ne sont plus à prouver, et Mongo-Mboussa souligne « l'entrée fracassante en littérature » dans les années 1980 des Sony Labou Tansi(2), Tierno Monénembo (3), Boubacar Boris Diop (4).

Mongo-Mboussa prend alors le parti de dégager les "fragrances modernes" de la littérature négro-africaine. rien n'est plus réducteur pour un auteur africain que d'être cantonné dans la classification "écrivains africains". Ce n'est pas parce qu'il est africain que son oeuvre doit être attachée à son origine. A juste titre, le romancier togolais Kossi Efoui se révolte contre ces stéréotypes : "L'oeuvre d'un écrivain africain ne saurait être enfermée dans l'image folkloriste qu'on se fait de son origine, (...) il faut en finir avec cette tendance à rejeter l'authenticité d'une oeuvre dans laquelle on ne retrouverait pas une soi-disant spécificité africaine. (...) La littérature africaine est quelque chose qui n'existe pas."

La révolte d'Efoui est partagée par d'autres. C'est le cas du Djiboutien Abdourahman Waberi (5) : "Certains pensent qu'un écrivain du tiers-monde doit faire une littérature utilitaire puisqu'il vient d'un pays, d'un continent où il y a 70 % d'analphabètes. Quand on me tient ce type de discours, j'explose !" Ces réactions soulèvent deux questions : le désir d'universalité desdits auteurs africains et l'identification de leur lectorat. Cette quête de l'universalité, être écrivain sans autre épithète, est légitime surtout à l'heure de la mondialisation. Dans ce contexte, contraindre les écrivains à ne produire que des ouvrages afro-africains reviendrait non seulement à amoindrir leurs capacités, mais aussi à limiter le monde littéraire.

Cependant, ignorer les spécificités locales n'est pas le propos de Boniface Mongo-Mboussa. Ces dernières peuvent résider dans le style et la langue de l'auteur. L'introduction des langues vernaculaires ou de l'argot dans certains ouvrages l'atteste. Ahmadou Kourouma(6) marie ainsi des expressions malinké au français sans que cela altère la valeur de ses écrits. Lorsque Mongo-Mboussa interroge le Sud-Africain Zakes Mda(7) sur la présence de l'oralité dans son oeuvre, ce dernier affirme : "Cela m'est venu naturellement." Il s'agit d'un héritage culturel qui, espérons-le, ne sera pas éliminé.

Problème : la grande majorité des lecteurs se trouve dans les pays industrialisés, où la situation matérielle permet au plus grand nombre d'accéder facilement aux ouvrages. En outre, les maisons d'édition sont situées dans les pays du Nord. Dans ces conditions, l'auteur négro-africain se trouve quasiment dans l'obligation d'adapter sa production aux exigences de ce lectorat occidental, son « public de raison » pour reprendre l'expression de Mongo-Mboussa. Par conséquent, si l'auteur négro-africain écrivait pour son « public de coeur », il condamnerait à mort son oeuvre dans la mesure où les pays en développement ne sont pas encore des terrains propices à l'édition et à la diffusion. Par ailleurs, les objectifs de l'alphabétisation sont loin d'être atteints et le pouvoir d'achat ne permet pas d'acquérir des livres. Tel est le dilemme de l'écrivain négro-africain : produire une littérature pour son pays et dans son pays ou des ouvrages formatés pour un public occidental.



D'après NABO SÈNE, Le monde diplomatique juillet 2002

(1) Boniface Mongo-Mboussa, Désir d'Afrique, Gallimard, coll. "Continents noirs", Paris, 2002, 325 pages, 19,90 euros.
(2) La Parenthèse de sang, Hatier international, coll. "Monde noir", Paris, 2002, 144 pages, 55,43 euros.
(3) L'Aîné des orphelins, Seuil, Paris, 2000, 156 pages, 14,48 euros.
(4) Murambi, le livre des ossements, Stock, Paris, 2000, 228 pages, 16,80 euros ; Les Tambours de la mémoire, L'Harmattan, Paris, 1990, 237 pages, 13,72 euros.
(5) Balbala, Gallimard, coll. "Folio", 2002, 187 pages, 4,50 euros.
(6) Allah n'est pas obligé, Seuil, Paris, coll. "Points", 2002, 223 pages, 6,95 euros.
(7) Le Pleureur, Dapper, Paris, 1999, 288 pages, 8,84 euros.









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