“ Quand le doigt montre la lune, l’imbécile regarde le doigt. ” C’est par ce proverbe chinois que Basile Louka, secrétaire national à l’organisation de l’Upc a ouvert samedi dernier, 18 février la conférence-débat organisée dans le cadre de l’installation du nouveau bureau de la section régionale de Douala Ve. La conférence était axée sur l’actualité nationale de l’heure.
Il va sans dire que cette actualité tourne autour des listes des présumés homosexuels de la république et de fonctionnaires milliardaires qui font les choux gras de certains journaux depuis quelques semaines. Pour entretenir l’auditoire essentiellement composé des militants de l’Upc de tous les âges, il y avait outre le secrétaire national à l’organisation, Njock Hermann, délégué à la propagande et Me Tehge Hott, non moins cadre de l’Upc. Au milieu de ces trois, Ambroise Mandenguè Ntonè était le modérateur. Dans son propos, Basile Louka signale qu’à l’Upc “ on veut regarder la lune plutôt que le doigt. ” Compte tenu de la délicatesse du sujet, le conférencier précise que l’homosexualité comme d’ailleurs la diffamation sont condamnées par le code pénal camerounais et que l’Upc n’entend pas se substituer à la justice. Mais la question cardinale aujourd’hui, selon Basile Louka est de savoir : “ Qui gouverne le Cameroun ? Et comment le pays est-il gouverné ? ”
S’il apparaît, poursuit-il que, pour obtenir du travail, une promotion sociale ou accéder à un marché public, se faire payer une facture, il faut baisser la culotte, la tête et mettre son arrière-train à la merci d’un décideur, il y a problème. Car “ l’homosexualité n’est pas seulement condamnée par le code pénal camerounais, elle l’est aussi par la morale culturelle de notre environnement ”, a souligné l’orateur.
Comme pour retracer l’historique de la dépravation scandaleuse des mœurs qui taraude les cercles du pouvoir au Cameroun, Basile Louka rappelle que le Cameroun est l’un des rares pays au monde où, à l’indépendance, le pouvoir est revenu à ceux qui s’y opposaient. Alors, la puissance administrative a tôt fait d’imposer ses critères de cooptation à ses conscrits de la première heure. Il n’est donc pas impossible que ces critères continuent d’être en vigueur dans les réseaux qui gouvernent encore le pays aujourd’hui. Parlant des listes publiées par les journaux, Basile Louka estime qu’elles ne constituent que le doigt pointé vers la lune qui est un tournant vers lequel se dirige une nouvelle fois le Cameroun après les convulsions de succession qui ont ébranlé le pays de 1983 à 1984, puis celles de 91-92 avec les villes mortes. Aussi a-t-il demandé aux upécistes d’être vigilants.
Le Cameroun comme Sodome et Gomorrhe
Parlant des voies et des critères de cooptation qui conduisent vers les réseaux de pouvoir et des affaires au Cameroun, Hermann Ndjock dira de manière énigmatique comment il a été approché et comment il a décliné les offres. Le système est si gangrené que même le chef de l’Etat ne sait plus à quel saint se vouer. En témoigne son discours du 10 février à la jeunesse. “ J’ai pour ma part maintes fois dénoncé nos faiblesses et nos dysfonctionnements… Je compte beaucoup sur vous, chers jeunes compatriotes, pour m’aider à venir à bout de ces maux et améliorer nos performances ”, a-t-il déclaré en substance.
Que sont ces maux et dysfonctionnements ? Des diplômés de toutes les disciplines qui atteignent l’âge de la retraite sans jamais trouver d’emploi, la création des entreprises se heurte à une pression fiscale qui décourage si elle n’étouffe pas les initiatives dans l’œuf, la grande criminalité qui se montre de plus en plus audacieuse et spectaculaire, la corruption endémique. Autant de problèmes qui classent le Cameroun parmi les derniers de la planète. Pour le délégué à la propagande de l’Upc, le Cameroun traverse de nos jours la même situation que celle qu’ont connue Sodome et Gomorrhe, deux villes tristement célèbres dans la Bible. Hermann Njock estime que la question à laquelle il faut répondre aujourd’hui c’est : que faut-il faire ? Pour lui, l’Upc a besoin de s’asseoir et réfléchir.
Interpellé pour tracer la ligne de démarcation de la vie privée d’un homme public, Me Tehge Hott tranche qu’un homme public n’a point de vie privée. Chacun de ses actes passe au crible de l’opinion publique, notamment des médias. Il faut d’ailleurs dire à ceux qui s’évertuent par des arguties ineptes à faire de l’homosexualité une affaire de vie privée, qu’on ne saurait camoufler sous le fallacieux prétexte de chantage odieux exercé par des commis de l’Etat et des entreprises para-publiques sur les chercheurs d’emploi et les prestataires de service si souvent confrontés à ces pratiques sexuelles réprimées par les lois de la République. On retiendra d’ailleurs à l’issue de cette conférence-débat que l’Upc s’oppose vivement à la manière dont le pays est dirigé et espère qu’un jour la communauté internationale de plus en plus interpellée sur les dysfonctionnements du système camerounais et d’autres viendra donner force à la voix du peuple camerounais qui s’élève à la manière de celle de Rachel dont les enfants ont été passés au fil de l’épée par les soldats du roi Hérode.
La section régionale de l’Upc de Wouri V compte 17 membres. Elle est présidée par Mboua Mboua Joseph assisté de Hoga Jean-Uriel et Ndjib Yede Augustin. Le secrétariat est tenu par Marc Hianga.
Source: Le Messager
|