La détection du virus de cette maladie (H5N1), qui est très mortelle autant pour les oiseaux que pour les humains, a créé une espèce de panique dans le proche voisinage du Nigeria.
Au Niger, pays qui partage une frontière longue de 1.500 kilomètres avec le Nigeria, une vaste campagne de sensibilisation des populations a été lancée. Des patrouilles mixtes ont été déployées le long de cette frontière pour éviter l`importation des volailles et des produits dérivés en provenance du Nigeria. L`embargo sur les poulets nigérians a été décrété dans de nombreux autres pays tels l`Afrique du Sud, le Tchad… Face à quelques indices laissant croire que l`épizootie avait déjà franchi la frontière, les autorités nigériennes ont d`ailleurs sollicité des experts de l`Agence des Nations unies pour l`Alimentation et l`Agriculture afin de monter un plan d`urgence.
Qu`a fait le Cameroun, pays qui partage une frontière tout aussi longue avec le Nigeria dans le même temps ? Pourquoi toute cette panique autour de la grippe aviaire ? Dans le présent dossier, Mutations fait le point de la situation.
Hier, le Sras, la vache folle, le chikungunia, le tsunami, les cyclones, les inondations, les criquets pèlerins, les oiseaux migrateurs, les crashs d`avion… Et maintenant la grippe aviaire. Partie, semble t-il, de l`Asie, l`épizootie affole le monde entier, y compris les pays développés où on ne badine pas avec les questions de santé publique. L`Afrique, jusqu`ici empêtrée dans une lutte sans merci et, pour l`instant, sans issue contre le sida, n`est pas épargnée par ce virus de la grippe aviaire qui se répand à grande vitesse et qui, a déjà provoqué la perte d`au moins 95 vies humaines, de 10 milliards d`Euros et de 200 millions de poulets.
Le Cameroun a échappé à la plupart de ces calamités. Mais il a lui aussi perdu sa sérénité depuis douze jours. Le déclenchement de la maladie au Nigeria le 08 février dernier, expose le pays à un risque certain. Les deux pays partagent 1200 Km de frontière. Dans la partie septentrionale en général, dans la province de l`Extrême-Nord en particulier, les populations des villages riverains se mêlent au quotidien, et entretiennent des relations à la fois familiales et d`affaires, dont un intense trafic d`animaux (bétail, volailles, ânes, chèvres et moutons). Sans parler de la frontière maritime parcourue par de centaines de commerçants, et des barrages de retenue d`eau de Mbakaou (Djérem), de Maga (Noun), ainsi que le Lac Tchad qui sont autant de point d`attraction pour les oiseaux migrateurs, porteurs du virus H5N1.
La nouvelle de la présence du virus aux portes du Cameroun a déclenché une psychose au niveau des pouvoirs publics. Quelques habitants de Yaoundé ont même vu dans les 800 poulets morts dans une ferme à Emana, dans la banlieue de Yaoundé, la preuve de la présence du H5N1 dans nos murs. Dans tous les cas, depuis quelques jours, le poulet sous toutes ses formes, donne la chair de poule à plusieurs Camerounais. Et relance le débat sur le poulet congelé qui, avec la grippe aviaire, constitue une potentielle menace contre la santé.
Le reproche fait à l`importation frauduleuse et massive, enregistrée depuis 1998, d`être la principale cause dela faillite du secteur avicole au Cameroun, n`est pas nouveau. En avril 2004, au cours d`une campagne de sensibilisation, le Service d`appui aux initiatives locales de développement (Saild), une Ong influente, a lancé une autre accusation contre les poulets congelés, qui constituaient aussi une catastrophe pour la santé publique. Les cargaisons expédiées sans état d`âme sur le marché camerounais sont selon le Saild impropres à la consommation en Europe. Le risque est grand, compte tenu de la cupidité de certains importateurs, de voir les poulets infectés arrivé sur le marché camerounais.
H5N1
Les pouvoirs publics semblent avoir pris la mesure de ces risques. Interpellé au premier chef, le ministre de l`Elevage, de Pêches et des Industries animales (Minepia), chargé de veiller sur le parc à volailles du pays, a sonné l`hallali le 14 février dernier. Un état-major de crise est sur pied. Au cours d`une conférence de presse, il a déroulé le plan anti-H5N1 du Cameroun. La surveillance, est renforcée aux frontières, dans les ports et dans les aéroports. Les brigades de surveillance épidémiologique se déploient progressivement dans le pays. L`Unicef et la Fao ont accepté de prêter main forte aux Minepia. La première a promis un don de 50 000 dollars, la seconde a proposé son expertise. Un fonds d`un milliard serait rassemblé à ce jour, et mis à la disposition des délégations provinciales.
Il ne s`agit pas d`une simple stratégie de prévention, mais aussi de lutte. C`est dans le cadre de la lutte que le ministère de la Santé pourrait intervenir. Il a reçu de l`Organisation mondiale de la santé Oms), une provision de Tamiflu, produit du laboratoire Roche, le seul médicament dont l`efficacité contre le H5N1 est avérée.
Que vaut ce plan d`urgence? Les structures de surveillance mise en place sont-elles suffisamment préparées ? Apparemment non: elles font face à ce genre de problème pour la première fois.? De quelle efficacité peuvent être les mesures d`interdiction des importations de la volaille nigériane, quand on sait que la frontière est poreuse et l`administration laxiste et corrompue? Les populations sont-elles suffisamment sensibilisées sur les précautions à prendre? Pas encore: une campagne médiatique digne de ce nom est préférable aux propos mielleux des ministres qui, bien souvent, ne rassurent que l`instant d`un point de presse. Deux semaines après l`alerte à nos frontières, les éleveurs, les vendeurs de poulets, les ménagères, bref toute la chaîne qui part de la ferme à la table n`en sait toujours pas grand-chose sur les méthodes de prévention. Quid, par exemple, des risques de contamination de l`animal à l`homme? Le virus H5N1 est-il transmissible de l`homme à l`homme? Quelles dispositions prendre dans les villages quand on sait que le poulet élevé à l`ancienne constitue la principale source de protéine animale à la campagne? Quels sont les signes par lesquels on reconnaît un oiseau attaqué par le virus? Quelles précautions prendre au niveau de la cuisson?
Ces questions, et bien d`autres pourraient trouver réponse dans une campagne de sensibilisation agressive. Dans un passé aujourd`hui oublié, à l`occasion d`une épizootie de choléra, on se rappelle que les pouvoirs publics mirent en marche tous ce que le pays pouvait compter de grosses artillerie médiatique: panneau, affiche, spot radio… Les résultats obtenus à l`époque furent spectaculaires. Avec les moyens démultipliés de sensibilisation disponible à l`heure actuelle, on se contente d`une timide conférence de presse. En attendant un prochain séminaire ou un colloque…
Source Cameroon Link
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