L'auteur durant une conférence au Centre d'Accueil de la Presse Etrangère de Paris
Reflet de la déchéance physique et morale d’un monde en mal être et en totale perdition, la prostitution, aussi appelée « le plus vieux métier du monde » est, sans nul doute, l’un des plus grands fléaux que l’humanité n’ait jamais connue. De tradition ancienne, cette pratique dénuée de tout sens moral tend, depuis quelques décennies déjà, à se pérenniser et à revêtre un caractère universel. En effet, loin d’être l’apanage exclusif des pays occidentaux et de leurs ressortissants, cette forme d’esclavage qui relègue la femme au rang de simple objet au service de la perversité, de l’égoïsme et de la cupidité des hommes, se présente pour de nombreuses populations étrangères, notamment pour celles de couleur, victimes de discriminations et d'ostracismes en tout genre, comme LE moyen de survie par excellence.
Comment une telle activité, aussi ignoble soit-elle, portant atteinte à la dignité humaine et allant à l’encontre des droits fondamentaux des hommes en les privant ainsi du droit de disposer d’eux-mêmes, peut-elle être aussi prisée ? Quelles en sont les causes, les conséquences ? Comment est-elle organisée ? Quels sont les mystères qui l’entourent ? A ce jour, nul ne saurait donner de réponses exactes et péremptoires fondées sur une expérience réelle, concrète et pratique de la chose. Néanmoins, de nombreux auteurs, notamment Amely-James Koh Bela, se sont penchés sur la question en tentant d’y apporter, du mieux que possible, quelques réponses et éclaircissements palpables.
Ainsi, militante associative engagée depuis plusieurs années déjà, Amely-James Koh Bela a choisi à travers son oeuvre, La prostitution africaine en Occident, de lever le voile sur les réalités de ses filières et de ses pratiques. Basé sur de nombreuses enquêtes et études sur le terrain, cet ouvrage se pose à la fois en authentique « préventif » contre l’industrie du sexe et ses dérives, mais aussi en une véritable arme de dénonciation à l’égard de ses mentors. Son but n’est autre que de mettre en garde toutes ces jeunes filles africaines attirées par cet « Eldorado », qui n’est d’ailleurs qu’un leurre, que représente l’Europe et qui leur est si bien « vendu » par ces « autoroutes de l’information ». Il s’agit bien là de les protéger en leur présentant l’autre facette pour le moins négative, de ce « pseudo » paradis, où les valeurs morales tendent à s’effacer au profit du vice et de l’immoralité.
Afin de mieux appréhender la genèse de la prostitution mais aussi les spécificités propres (même si celles-ci tendent à se rejoindre) à chacune des principales filières présentes en Europe, l’auteur nous propose de remonter dans le temps et dans l’espace. Ainsi, pour ce qui est de la filière européenne, il conviendrait de dire que la crise économique survenue à la suite de l’effondrement du bloc soviétique dans la décennie 1990, a encouragé le recours à des pratiques illicites par la création et la mise en place de réseaux de proxénètes et de mafias dont le but était, tout en exploitant la misère morale et économique d’individus désillusionnés et crédules, de développer une activité lucrative à même de leur fournir une rente journalière. L’essor de la filière africaine se justifie de la même manière. En effet, la gestion néo-patrimoniale de nos régimes caractérisée par l’absence de transparence et d’alternance au niveau du jeu politique, la tendance à l’autocratie, à la conservation et à la personnalisation du pouvoir, a considérablement influé sur la situation socio-économique des pays africains, ébranlant ainsi de jeunes consciences qui, à la recherche d’une vie meilleure, se retrouvent une fois de l’autre côté de l’océan, enrôlées dans des circuits illégaux dont elles ne peuvent à la longue se défaire.
Ce « mal sociétal » a su trouver sa justification dans un monde en pleine mouvance et en perpétuelle mutation. L’essor des nouvelles technologies favorisé par la mondialisation et ses dispositifs, a engendré des effets pervers à l’échelle mondiale, pavant ainsi la voie à la création d’une image enviée mais troquée de la réalité occidentale. En effet, les « routes de l’information » tels la télévision et l’Internet ont aussi pour but, même s’il ne s’agit pas de leur vocation première, de conditionner les esprits. Tout est fait pour nous faire rêver et nous faire croire que tout est possible dans le pays de « l’homme blanc » ; un pays de rêve et de magie, autrement dit, un monde parfait.
De la sorte, c’est en parcourant les rues, en quête d’informations et de témoignages, qu’Amely-James Koh Bela a découvert dans ce monde abject qu’est celui de la prostitution, un environnement malsain dans lequel bon nombre de femmes sont contraintes, sous la menace, de soumettre leur corps aux désirs les plus poussés et les plus osés d’hommes sans foi ni loi. Fort de son expérience sur le terrain, l’auteur est parvenue à recenser plusieurs types et formes de prostitution et en est arrivée à la conclusion que chaque continent dispose de ses propres méthodes et pratiques en la matière. En Europe par exemple, la prostitution est visible, publique et se pratique aux vues et sus de tout le monde. Il n’est ainsi pas rare de trouver sur les trottoirs de certains quartiers populaires de la capitale française, de jeunes femmes, pour la plupart d’origine africaine, « aguicher » des hommes d’âge mûr, espérant ainsi tomber sur le celui qui saura assouvir leurs élans de cupidité les plus extrêmes. Pour certaines « péripatéticiennes » nouvellement entrées dans cet engrenage infernal, la prostitution est leur ultime recours. En effet, confrontées aux dures réalités que sont celles de la vie étudiante, avec tout ce que cela comporte comme contraintes tant d’un point de vue administratif que financier, ces jeunes filles, au départ, ne voient en la prostitution qu’un moyen ponctuel, rapide et efficace d’en venir à bout de leurs souffrances quotidiennes ; même si quelques inconditionnelles refusent d’y renoncer, préférant ainsi vivre, grâce à quelques compromis et concessions, de cet argent sale et gagné de façon immorale et léonine. C’est en sens que nous pouvons parler, à l’instar d’Amely-James Koh Bela, de prostitution « occasionnelle » ou « permanente ».
C’est ainsi que se tissent de réseau en réseau et surtout grâce à l’essor des nouvelles technologies de l’information, qui à cet effet servent de support, de nouvelles formes et types de prostitution comme la prostitution de luxe et le tourisme sexuel en période estivale. Dans le premier cas de figure, de plus en plus de femmes ont décidé de s’affranchir, se dégageant ainsi de toute contrainte extérieure, et de s’organiser en réseaux en proposant leurs services directement sur Internet. Cela leur permet ainsi de profiter pleinement des fruits de leur travail et de vivre en toute quiétude. Dans le cas du tourisme sexuel, celui-ci est organisé par des opérateurs, les « Tour Opérators ». Cette forme particulière de prostitution très prisée en été, permet à de nombreuses femmes, souvent mères de famille, de venir « travailler », le temps d’un été, dans les rues des principales capitales d’Europe. Cette activité représente pour ces dernières une véritable opportunité de procéder, avec l’argent récolté, à de nombreuses réalisations concrètes. Finalement, l’une des dernières formes de prostitution propre à l’Occident et pour le moins l’une des plus graves si ce n’est la pire, est la prostitution familiale. Clandestine et sévèrement condamnable, celle-ci consiste en l’exploitation abusive d’enfants souvent mineurs par des tantes qui, directement venues d’Occident en Afrique, les arracher aux mains de leurs parents sous prétexte d’alléger leur quotidien, les scolarisent et les mettent à disposition de clients, qui souvent les accaparent le temps d’un soirée ou deux, voire même un week-end entier.
Pour ce qui est de la prostitution en Afrique, celle-ci se pratique à tous les niveaux. Cependant, la forme la plus ignoble est celle pratiquée par de jeunes filles souvent non scolarisées qui, se pavanant des les rues, se prostituent pour le grand bonheur de leurs familles qui tirent profit de cette activité. Par ailleurs, confrontées depuis des décennies déjà à une crise économique et sociale, accentuée par une corruption grandissante, de nombreuses étudiantes désireuses d’entrer dans de grandes écoles sont contraintes de s’y soumettre ainsi qu’aux dérives qui en découlent. Le principe est le même dans le cas de la prostitution « institutionnalisée » où, pour accéder à un poste de responsabilité, des élites entrepreunariales louent leurs épouses à des fins déplorables. Finalement, la pratique de la prostitution que l’on peut qualifier de juvénile, a toujours existée en Afrique. Hommes comme femmes, en quête de nouveautés et de sensations fortes, se livrent à des gâteries en tout genre avec des partenaires beaucoup jeunes qu’ils entretiennent et qui leur donnent l’illusion de vivre une seconde jeunesse.
Le plus important réside quand même dans le fait que la prostitution est un « métier » qui repose sur un enseignement. En effet, le visionnage de films pornographiques dans lesquels sont mis en évidence des pratiques comme la coprophagie et la scatologie qui consistent en l’ingurgitation des matières fécales ou alors en la sodomisation de femmes dont « le bol fécal est descendu » est totalement insoutenable et répugnant. L’ondinisme qui commande de déverser ses urines mêlées au liquide séminal dans la bouche de son partenaire ainsi que la zoophilie qui n’est autre que l’acte sexuel entre des femmes et des animaux sont devenues, de nos jours, des pratiques particulièrement à la mode.
Bien que pour les tenants de ces orgies sauvages, la prostitution comporte des bienfaits qui à leurs yeux sont inégalables, il n’en demeure pas moins vrai qu’elle a des conséquences graves et souvent irréversibles sur la santé. A cet effet, Amely-James Koh Bela a, au terme de ses investigations, réussi à en dégager certaines qui pour elle, demeurent vraies et incontestables. La plupart de ces filles, souvent contre leur gré, ne se protègent pas lors de leurs rapports sexuels ce qui peut avoir plusieurs impacts négatifs. Le premier est la transmission de maladies sexuellement transmissibles (MST) tels la maladie du SIDA et les hépatites. L’hygiène n’étant pas de rigueur, celles-ci sont fréquemment sujettes à des infections vaginales à répétition, dont elles n’arrivent jamais, dans certains cas, à se défaire. L’autre point qui est également souligné est qu’en l’absence de contraception, beaucoup d’entre elles se retrouvent enceintes involontairement. Malheureusement, intransigeants et sans pitié, les proxénètes dont elles dépendent ne leur accordent pas la moindre erreur, ce qui explique l’augmentation dans ce milieu du nombre d’avortements clandestins. Souvent pratiqués de façon « sauvage » sans qu’aucune précaution ou suivi médical ne soit pris, ces avortements sont une source de danger pour ces femmes et particulièrement pour cette partie du corps qui est très vulnérable aux germes et mycoses en tout genre. Dès lors, la perspective d’enfanter un jour se voit compromise. Finalement, il ne faut pas oublier que prostitution et drogue sont indissociables. Utilisée comme moyen de pression par les mafias ou comme tranquillisant en cas de douleur pendant l’acte sexuel, la drogue est responsable de l’augmentation du nombre d’agressions et de suicides par overdoses volontaires ou non, des prostituées. Néanmoins, la conséquence la plus grave du point de vue de l’éthique, de la déontologie, est la perte de valeurs morales et l’impact que de telles pratiques aura sur l’avenir de tout un pays voire de tout un continent.
Ainsi, tout porte à croire qu’aujourd’hui l’appât du gain a la primauté sur les valeurs de tout un continent, mettant ainsi en péril son avenir et son héritage déjà affaibli par de nombreux maux dont il peine à se délier. Pratiquée dans des pays prônant la défense des droits de l’homme, la prostitution ne cesse de gagner du terrain, ce qui revient à remettre en question leur légitimité. Peut-on parler de ce fait de l’Occident en tant que terre de valeurs et de défense des droits humains ou bien de terre de vices, de dérives et de perversité ?
Cet article a été publié pour la première fois par la rédaction en février 2006.
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