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Il faut poursuivre les détourneurs de fonds
(17/02/2006)
Norbert W. M. Braakhuis donne son avis sur la corruption au Cameroun: il faut poursuivre ceux qui détournent les fonds.
Par Xavier Luc Deutchoua
Norbert W. M. Braakhuis : Montrer que les intouchables ne sont pas intouchables

Norbert W. M. Braakhuis
Norbert W. M. Braakhuis
Arrivé au Cameroun en septembre 2005, l’ambassadeur des Pays-Bas fait le point de la coopération entre nos deux pays, stigmatise la corruption qui met à mal les entreprises, y compris néerlandaises, installées au Cameroun, réaffirme l’engagement de son administration à soutenir les efforts de redressement économique du gouvernement, mais souhaite ardemment la mise en application de l’article 66 de la Constitution, ainsi que l’ouverture rapide des "gros dossiers" de corruption annoncés par Amadou Ali..


Voici cinq mois que vous êtes arrivé au Cameroun. Quelles sont vos premières impressions?

J’ai mis mes premiers pas en Afrique ici même au Cameroun. C’était en 1978. J’ai alors fait une étude sur le secteur informel à Mokolo, Mvog-Mbi, Mvog-Ada… En retournant ici, je retrouve la même gentillesse, la même chaleur dans les contacts, et le même pays splendide, tel qu’il est resté dans ma mémoire. Mais, d’un autre côté, je retrouve aussi un pays qui est en face de très gros problèmes, et qui éprouve le besoin urgent de les résoudre.

Pouvez-vous nous rappeler les raisons et les circonstances de la fermeture de l’ambassade des Pays-Bas au Cameroun fin 1999?

Les années 80 et le début des années 90 n’ont pas été les plus faciles de l’histoire du Cameroun. A partir du milieu des années 80, il y a eu des menaces sur la stabilité, puis le choc terrible de la dévaluation, suivi d’une véritable amputation des salaires dans le secteur public. La vie était très dure pour le Camerounais ordinaire. La Fonction publique a alors pris beaucoup de plomb dans l’aile. L’administration a perdu de son efficacité et la corruption est devenue endémique. Le traitement choc, qu’on croyait nécessaire à l’époque, a plutôt entraîné des années de stagnation et beaucoup de frustration. Il y avait de sérieux blocages politiques. Bref, on ne voyait pas la lumière au bout du tunnel.

C’est dans le besoin dit-on que l’on découvre les siens. Partir d’un pays en difficulté, est-ce un signe d’amitié?

Nous sommes partis pour deux raisons conjuguées : d’un côté, on ne percevait pas une véritable volonté de changement, économiquement et politiquement,et, de l’autre, il devenait difficile de garder l’ambassade ouverte alors que, dans le même temps, on réclamait des coupes budgétaires chez nous. Les Pays-Bas ont dû opter de fermer certaines ambassades, dont celle du Cameroun.

Vous avez présenté vos lettres de créances au chef de l’Etat le 29 décembre dernier. Qu’est-ce qui incite les Pays-Bas à revenir aujourd’hui?

Plusieurs raisons nous ont motivées. Déjà à l’époque, tout le monde n’était pas d’accord pour partir. On s’est rendu compte qu’en fermant l’ambassade à Yaoundé, on fermait la porte à toute une région économique cohérente, la Cemac, au cœur de laquelle se trouve le Cameroun. En plus on se rend compte que dans un continent en ébullition, le Cameroun montre un visage stable et que la promotion de cette stabilité est importante. Enfin, on voit qu’il y a des développements positifs, une réelle volonté de changement. Le Cameroun se trouve à un carrefour qui ouvre sur deux voies, celle de la reprise ou celle de la stagnation. Prendre la voie de la stagnation constituerait à terme une véritable menace pour la stabilité du pays et la région alentour. Nous devons l’aider à lever les blocages qui forment des entraves à la reprise

Quels sont ces blocages?

Beaucoup de gens pensent que l’assainissement macro-économique précède toute reprise substantielle de développement qui permettrait de créer des richesses et de réduire la pauvreté. Mais on constate qu’il est encore plus important que les gens ordinaires et les entreprises nationales et internationales s’investissent et investissent. Et là, la question de la confiance envers les institutions de l’Etat qui ont le devoir de vous protéger et de vous sécuriser est importante. Quand on n’est pas sûr que ses droits soient respectés, on n’investit pas dans son avenir, on ne développe pas son entreprise.

Comment ne pas souscrire alors à l’importance de rétablir la confiance des Camerounais dans leurs institutions, en redorant par exemple, le blason de la police, de la justice, ou de l’administration fiscale?

On a l’impression qu’en cinq mois, vous avez beaucoup appris sur le Cameroun…
Depuis que je suis venu ici la première fois il y a 28 ans, j’ai gardé un grand intérêt pour le pays. Et puis, j’entends les gens parler. Ce qui est formidable, c’est la liberté avec laquelle les Camerounais osent dire ce qu’ils ont sur le cœur aujourd’hui. Je crois que la liberté d’expression est le fondement de tout développement. C’est tout au crédit du pays, même si j’ai été choqué de voir que certains journalistes semblent n’avoir encore rien compris à la déontologie du métier en transgressant dernièrement une ligne rouge et en mettant en péril des vies humaines. Cette presse dynamique parle beaucoup de ce qui ne va pas dans le pays, de tous ces blocages qui ne sont pas encore levés ou qui ont été adressés insuffisamment, même si on parle beaucoup de changements pour arriver au point d’achèvement.

Pouvez-vous nous parler de ces blocages sans arrondir les mots?

La corruption, par exemple. On voit qu’elle est omniprésente. Moi, j’ai pu noter des cas de corruption dans mon environnement direct, des entreprises qui se plaignent de ne pas recevoir de reçu quand ils payent l’impôt sur les salaires. De recevoir des redressements fiscaux apparemment peu justifiés, corrupteurs. A la justice, des décisions peuvent vous laisser perplexe… Je pourrais vous citer le cas d’une entreprise de textile néerlandaise installée depuis quelques années à Douala. Elle a refusé de payer, pour pouvoir fonctionner pleinement, des dessous de table puisque c’est contraire à son code éthique. Elle a subi deux années de harcèlement fiscal. Aujourd’hui, après avoir fait des investissements en milliards, elle est en train de fermer, entraînant pertes d’emplois et d’impôts importants pour le pays.

Avez-vous fait part de ces pratiques aux autorités gouvernementales et qu’attendez-vous du Cameroun?

Lorsque le président de la République m’a reçu fin décembre pour la présentation de mes lettres de créances, il m’a clairement et avec grande sincérité fait savoir son attachement à la lutte contre la corruption, tout en admettant la difficulté. J’ai parlé à plusieurs ministres et hauts responsables des problèmes…
On s’attend maintenant à des mesures qui vont plus loin que celles qu’on a vu pour l’instant, par exemple, dans le domaine de la justice. Je crois partager avec beaucoup de collègues l’espoir de voir aboutir très rapidement, avant qu’on n’atteigne le point d’achèvement de l’initiative Ppte, au moins les six gros dossiers de corruption dont a parlé le vice-Premier ministre en charge de la Justice, Amadou Ali. Je crois qu’il faut montrer aux Camerounais que les intouchables ne sont pas intouchables. Comme l’a souligné l’ambassadeur des Etats-Unis, il est important de mettre au plus vite en application l’article 66 de la constitution sur la déclaration des biens des hauts responsables de l’administration et de l’Etat. Il est difficile d’expliquer que sa mise en application prenne dix années d’étude.
Tout cela peut ramener la confiance des Camerounais dans leurs institutions et des investisseurs dans le pays. Le président le souhaite ardemment. Si de telles mesures ne sont pas prises, arrivé au point d’achèvement de l’initiative Ppte, il faut craindre que les résultats escomptés ne soient pas au rendez-vous. Les Pays-bas sont prêts à assister le Cameroun pour ramener les investisseurs, même si ces derniers mois, trois entreprises néerlandaises ont connu des moments houleux dans le respect de leurs droits.

Nous avons beaucoup parlé des problèmes, parlons à présent des signes positifs…

Le Cameroun a beaucoup d’atouts. C’est un pays jeune ; les Camerounais sont intelligents, avides d’apprendre et d’entreprendre; le pays a d’excellentes lois, par exemple dans le domaine de la foresterie ; il se trouve au cœur d’une région économique dont il pourra facilement être le moteur. Il suffit de peu pour que le géant un peu endormi se réveille. On voit que des décisions sont prises dans ce sens. Mais, dans le concret, les gens n’en sentent pas suffisamment les retombées.

Quelles sont les grandes lignes de la coopération Cameroun-Pays-Bas?

Nous préparons actuellement une mission de reconnaissance sur les possibilités de l’horticulture au Cameroun. Le Cameroun est l’un dans 4 pays clés pour les interventions de la banque néerlandaise de développement FMO qui a déjà investi des dizaines de millions d’euro ces dernières années dans les entreprises camerounaises telle que la Centrale électrique de Limbe. Nous disposons d’un programme d’assistance aux entreprises camerounaises par l’emploi d’anciens responsables d’entreprises néerlandaises. Les volontaires néerlandais de la Snv travaillent activement au renforcement des Chambres de commerce et au développement du commerce transfrontalier.

Au sortir d’une entrevue avec le Premier ministre le 07 décembre dernier, vous avez annoncé une redéfinition des bases de la coopération entre les Pays-Bas et le Cameroun...

Désormais, nous miserons beaucoup plus sur le développement économique du Cameroun qui doit être tiré par l’investissement. Plutôt que les interventions classiques, nous préférons intervenir pour jeter les bases d’une croissance économique qui permettra au Cameroun de dégager les moyens pour financer ses propres investissements

Quelles sont d’après vous ces bases?

Si on regarde le Cameroun, on voit que le secteur informel a pris le dessus sur le secteur formel. Il faut absolument inverser cette tendance, puisque la croissance viendra avant tout du secteur formel. Il faut une croissance forte entre autre parce que la démographie est très forte. Ça demande de revoir la très forte imposition faite aux entreprises dont certaines m’ont fait savoir que leur capacité d’investissement est souvent fortement mise à mal par l’accumulation d’impôts, de taxes et de dessous de table. Il me paraît important aussi de penser aux incitations à ceux qui veulent investir… Voilà quelques bases sur lesquelles nous comptons mettre l’accent dans nos rapports avec le Cameroun.

Au terme de l’entretien, on découvre un diplomate qui ne fait pas dans la langue de bois. Vous jouez les avocats des entreprises néerlandaises au Cameroun sans vous voiler la face comme le font souvent vos collègues. A la fin, n’est-ce pas pour cela que vous rouvrez votre ambassade au Cameroun?

Pas du tout. Nous croyons que le véritable développement économique demande un partenariat entre le public et le privé. La conclusion en Europe en général est que le développement des Etats en Afrique est une nécessité absolue à la fois pour l’Europe et pour les pays africains eux-mêmes. Je ne pense pas seulement au problème de l’émigration que tout le monde connaît. Il est évident que la croissance économique en Afrique sera bénéfique pour tout le monde et que la stabilité d’un pays comme le Cameroun a une valeur particulière dans le monde d’aujourd’hui. Par ailleurs, nous importons beaucoup plus du Cameroun que nous n’y exportons, mais je ne considère pas çà comme une mauvaise chose. Il y a une communauté camerounaise assez forte aux Pays-bas, ce qui lie aussi nos deux pays. Enfin, il ne faut pas oublier que nos deux peuples partagent le même amour pour le football et que nos deux équipes nationales pratiquent un style de jeu identique….



Source Quotidien Mutations


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