La mission que six administrateurs du Fmi ont effectuée au Cameroun du 11 au 15 février 2006 permet aujourd’hui d’avoir l’assurance que le Cameroun franchira (enfin !), le point d’achèvement de l’Initiative Ppte, fin avril 2006. Les conditions techniques, psychologiques et même politiques devant conduire à la constatation de cette échéance sont réunies. Le plaidoyer des plus hautes autorités du pays, le travail de fond effectué par le Minefi et les doléances formulées par les populations y concourent. Les administrateurs du Fmi se sont montrés sensibles à tous ces messages. Anticipant sur les désillusions de l’après-point d’achèvement, les argentiers de Bretton Woods demandent aux autorités camerounaises d’avoir le triomphe modeste et appellent déjà la population à ne pas surdimensionner les retombées de l’après point d’achèvement. Car, doit-on préciser en insistant là-dessus, les bénéfices que procure le point d’achèvement de l’Initiative Ppte au Cameroun sont de trois ordres. Tout d’abord, le pays retrouve la crédibilité de sa signature internationale.
Avec cette confiance retrouvée, le Cameroun pourra plus facilement négocier de nouveaux appuis budgétaires et, éventuellement de nouveaux emprunts, pour des projets de développement, tout en s’assurant de maintenir son niveau d’endettement soutenable. Ensuite, la communauté internationale “ pardonne ” au pays une partie de sa dette extérieure. Le stock de cette dette reste à calculer conjointement par le Cameroun, le Fmi et la Banque mondiale, pour une réconciliation des données. Ce stock comportera les engagements de désendettement consentis au point de décision en octobre 2 000 (près de 1 400 milliards de francs Cfa de remise de dette sur 20 ans), les engagements de désendettement convenus avec la France dans le cadre du C2d (près de 700 milliards de francs Cfa sur 10 ans) et les engagements envisagés par le G8 dans le cadre de l’Initiative de Gleenagles en juin 2005 (près de 992 milliards de francs Cfa de remise de dette attendue par le Cameroun). Ces trois postes de remise de dette portent à quelques 2 000 milliards de francs Cfa, la dette que le Cameroun ne va plus rembourser à ses créanciers. Cependant, le Cameroun est tenu de mobiliser cet argent (impôts et taxes) et le réinvestir dans les projets de lutte contre la pauvreté. Troisième bénéfice enfin, le bénéfice des réformes.
Au cours de ces années d’ajustement, et, notamment depuis les années 2000, le Cameroun s’est engagé dans un train de mesures d’assainissement du cadre macro-économique et budgétaire qu’il faudra consolider, voire pérenniser. Il s’agira ensuite de bâtir une politique de croissance devant aider le pays à se rapprocher des Objectifs de développement du millénaire. Ainsi compris, le point d’achèvement marque, selon la formule désormais utilisée par le Premier ministre Inoni Ephraim “ un nouveau point de départ ” (Departure point). C’est-à-dire, le début d’une nouvelle ère dans la manière de gérer les finances publiques et l’économie. En clair, comme l’a si heureusement expliqué le porte-parole des administrateurs du Fmi M. Pierre Duquesne, “ … La manne ne tombera pas du ciel. Il faut continuer les efforts parce qu’ils ne sont pas faits pour faire plaisir à quelques illuminés du Fmi à Washington. ” Ces efforts consistent à collecter plus et mieux les recettes fiscales. Ils consistent à bien gérer les finances publiques en veillant sur l’inefficacité de la dépense et en luttant de façon globale contre la corruption. Le patronat qui dénonce la pression fiscale et les syndicalistes qui militent pour la revalorisation des rémunérations seront certainement les premiers déçus du point d’achèvement. “ Le point d’achèvement ne se traduira pas par la fin des problèmes du Cameroun ”, a soutenu Pierre Duquesne en demandant aux autorités camerounaises de traduire les orientations du Document de stratégie de réduction de la pauvreté (Dsrp) en actions budgétaires.
L’annonce attendue, fin avril, du franchissement du point d’achèvement de l’Initiative Ppte appelle donc un ajustement des attentes. Les demandes sociales en instance ne trouveront une réponse que dans le cadre des réformes structurantes inscrites dans la durée… Le point d’achèvement ouvre la possibilité au Cameroun de sortir des programmes contraignants du Fmi qui continuerait seulement à évaluer les performances économiques et budgétaires du pays, selon les termes du fameux article IV de ses statuts.
Source: Le Messager
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