Dix minutes. C’est le temps qu’aura durée la session extraordinaire du conseil de la Communauté urbaine de Yaoundé. Le seul point à l’ordre du jour sur lequel ont délibéré les 34 conseillers présents, portait sur la dénomination d’une rue au quartier Ntougou, dans la périphérie du palais présidentiel. L’unique enjeu et certainement celui ayant provoqué le délire, repose sur les spécificités et les caractéristiques de cette rue, qui a la particularité d’abriter certes les nouveaux locaux de l’ambassade des Etats-Unis au Cameroun et aussi la somptueuse résidence encore en chantier du couple présidentiel.
Programmée jeudi, 16 février 2006 la cérémonie d’inauguration officielle des nouveaux locaux de l’ambassade des Etats-Unis, à laquelle prendra part le chef de l’Etat, Paul Biya, a motivé la tenue de la session extraordinaire du conseil. A en juger par les déboires budgétaires et les difficultés financières auxquelles font face les maires des communes urbaines d’arrondissement ; et dont le principal casse-tête chinois est la collecte de la taxe sur l’occupation temporaire de la voie publique, ces derniers n’ont pas caché leur gêne, d’avoir attendu une bonne heure, pour assister à une comédie qui ne devait durer que dix minutes.
Le choix des conseillers s’est porté sur le nom de baptême de “ Avenue Rosa Parks ”, affecté à cette rue du lotissement du golf Ntougou, partant du rond point Bastos à la rue 6.015, par solidarité au souhait exprimé par Niels Marquardt, l’ambassadeur des Etats-Unis. Les nouvelles et imposantes installations de cette ambassade sont construites sur une superficie de 5000 m2. L’intrigue a connu un dénouement spectaculaire, le délégué du gouvernement s’étant réservé les beaux rôles de : metteur en scène et l’unique comédien dans la pièce de théâtre. “ L’ouverture de ces locaux au public entraînera une activité intense dans la rue. Il était nécessaire et urgent de donner un nom à la rue, pour permettre aux Yaoundéens et à tous les visiteurs de notre ville de s’orienter aisément ”, a clamé Gilbert Tsimi Evouna.
Hommage à la combattante des droits civiques
Le nom de baptême de la rue, rend hommage à Rosa Lee Parks, une Afro-américaine, figure emblématique de la lutte contre la ségrégation raciale aux Etats-Unis, combattante et mère du mouvement des droits civiques. En lisant dans les archives, on se souvient que Rosa Lee Parks, était une couturière noire qui, le 1er décembre 1955, refusa de céder sa place à un Blanc dans un bus à Mongomery dans l’Alabama. Arrêtée par la police, son impertinence, lui vaudra une amende de 10 dollars, et 4 autres dollars qu’elle devait verser au titre des frais de justice. Tout cela avait provoqué le courroux et l’indignation du jeune pasteur noir, Martin Luther King, qui âgé de 26 ans et étant à l’époque inconnu, organisa pendant une durée de 381 jours, une campagne de protestation et de boycott, contre la compagnie incriminée. Son action avait d’ailleurs porté des fruits dans la mesure où le 13 novembre 1956, en les déclarant anticonstitutionnelles, la Cour suprême parviendra à casser les lois ségrégationnistes dans les bus. Rosa Lee Parks est décédée à Détroit dans l’Etat du Michigan, le 25 octobre 2005, à l’age de 92 ans. Toute la classe politique américaine qui s’est rassemblée pour célébrer sa mémoire, lui a rendu un vibrant hommage.
Dans une allocution télévisée, le président George Bush lui a témoignée son estime. La dépouille de l’illustre disparue est restée exposée durant deux jours dans la rotonde du Capitole pour un hommage public. Après l’ancien président Ronald Reagan en juin 2004, Rosa Lee Parks est la 31ème personne et la 1ère femme à recevoir cette reconnaissance honorifique, qui pourtant relève d’un privilège réservé d’habitude aux hommes politiques et aux soldats. En acceptant d’adhérer au choix de l’ambassade des Etats-Unis, de baptiser la rue du lotissement du golf Ntougou, “ Avenue Rosa Parks ”, la Communauté urbaine salue la fibre militante d’une héroïne de la liberté dont l’engagement, le courage et la lutte pour les droits civiques à travers une action directe et non violente, n’est plus à démontrer.
Source: Le Messager
|