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A la découverte de Kwame Nkrumah
(12/02/2006)
Retour sur la vie de "l'Osagyefo" Kwame Nkrumah, éminent personnage ghanéen qui fut l’un des premiers à déceler un intérêt pour le panafricanisme.
Par Hervé Mbouguen
Résumé

Kwame Nkrumah est considéré comme le père du panafricanisme. Il fut l’un des tous premiers à rêver d’une Afrique unie, comme les Etats-Unis, une Afrique qui ne serait plus utilisée comme un réservoir de matières premières pour l’Europe, mais une Afrique qui serait elle-même une puissance économique. Il est le père de l’indépendance du Ghana qui fut le premier état africain à conquérir son indépendance, en 1957.


Les premières années

Kwame Nkrumah en 1929
Kwame Nkrumah en 1929
Kwame Nkrumah est né le 21 Septembre 1909 à Nkroful dans le sud-ouest de ce qui s’appelait alors la Côte d’Or ou Gold Coast, une colonie britannique. Fils unique, son nom « Kwame » vient du fait qu’il est né un samedi.

Comme étudiant, Nkrumah a été séduit par la vision du Dr Kwagyir Aggrey, diplômé aux Etats-Unis, qui était convaincu que le salut des noirs, comme aux USA, pouvait venir de leur auto-amélioration par une meilleure éducation.

Nkrumah a commencé sa carrière comme enseignant dans une école religieuse, avant de devenir rapidement principal. Il a tenté de créer un environnement de haut niveau pour ses élèves, en créant des clubs littéraires, des sociétés académiques, ou en invitant des personnalités à venir discuter avec les élèves.

Pendant ce temps, la grogne contre la puissance coloniale britannique, menée par J. B. Danquah et les planteurs de cacao montait, dans un pays qui commençait à rêver d’indépendance.

Convaincu d’être appelé à jouer un rôle historique dans l’indépendance de son pays, Nkrumah estimait que son éducation n’était pas encore au niveau qui devait être celui d’un futur leader, et a pris la décision de continuer ses études aux Etats-Unis.

Les études américaines

 Kwame Nkrumah, alors étudiant aux Etats-Unis
Kwame Nkrumah, alors étudiant aux Etats-Unis
Nkrumah arrive aux Etats-Unis en 1935, bien décidé à compléter son bagage académique. Son arrivée là-bas est un choc lié à l’extrême pauvreté qui le caractérisera. Il lui arrivera de dormir dans les rues, et pour financer ses études, il sera contraint d’accepter des petits boulots bien éloignés de ses capacités : vendeur de poisson, ouvrier agricole, ou encore employé d’usine.

Il a pu développer ses talents d’orateur, qui s’avéreront très utiles par la suite, en participant à des meetings religieux. Nkrumah a également étendu son répertoire politique en assistant à des meetings politiques socialistes et communistes.

Son séjour aux Etats-Unis lui a permis d’étudier en détail la politique américaine, son histoire et toutes ses subtilités, et de voir dans quelle mesure le Ghana, voire l’Afrique entière pourraient en bénéficier.
C’est naturellement à cette occasion qu’il a pris conscience de la force que l’unité d’un état a conférée aux Etats-Unis, et a commencé à rêver de la puissance qu’un tel schéma produirait en Afrique.

Nkrumah a fait ses débuts d’auteur aux Etats-Unis, publiant en 1943 Education and Nationalism in Africa, puis Towards colonial freedom une vive dénonciation de la colonisation, dépeinte comme un moyen de priver les indigènes du droit que Dieu leur avait offert de connaître la prospérité.

Il quitte les Etats-Unis en 1945 solidement diplômé. Bachelor of Science degrees en Economie et Sociologie, Bachelor of Theology degree et Master of Philosophy degree. Il avait également quasiment terminé son doctorat en philosophie.

Sa prochaine destination : l’Angleterre, le pays qui maintenait la Gold Coast sous sa domination.

L'Angleterre

 Kwame Nkrumah (à gauche) à Londres
Kwame Nkrumah (à gauche) à Londres
Kwame Nkrumah arrive à Londres en 1945, et établit très rapidement des contacts avec la diaspora de son pays présente à Londres.
Il devient rapidement membre d’un groupe se réunissant tous les Jeudi et Samedi après-midi chez le Dr Hastings Kamuzu Banda. Ce groupe était composé d’éminents politiciens, dont une grande partie joua par la suite un grand rôle en apportant l’indépendance à leur pays : Kenneth Kaunda (Zambie), Jomo Kenyatta (Kénya), Joshua Nkomo (Zimbabwé), Julius Nyerere (Tanzanie), Kojo Botsio, Harry Nkumbula (Zambie), et bien d’autres.

Nkrumah continue son apprentissage politique en suivant des cours de politique et de socialisme à la London School of Economics and Political Science.

Sa plus importante activité fut de participer au West African Secretariat, et il devint très rapidement un des hommes-clé du Mouvement Pan Africain, et fut en particulier le Secrétaire-Général du 5è Congrés pan-africain qui se tint à Manchester en 1945.

Pendant la préparation de ce congrès, il rencontra le socialiste Indien George Padmore, et une grande amitié personnelle, ainsi qu’une connivence idéologique naîtra entre les deux hommes. Ils ont rédigé ensemble la déclaration de clôture du Congrès qui demandait, de façon très vigoureuse, une libération de l’Afrique pour une auto-administration.
Leur collaboration a continué bien après ce congrès, ils ont ensemble inondé Londres et tous les centres de décision anglais de moult pamphlets et protestations, tant et si bien que le nom « Nkrumah » devint rapidement synonyme de la lutte pour l’indépendance de la Gold Coast.

Le 14 Novembre 1947, Kwame Nkrumah met un terme à son séjour anglais, et prend le bateau pour retourner dans son pays, fermement décidé à mettre un terme à la domination anglaise.

Le retour au pays, la lutte continue

 Kwame Nkrumah à sa libération de prison en 1951
Kwame Nkrumah à sa libération de prison en 1951
Après 12 ans d’absence, Kwame Nkrumah retrouve son pays le 10 Décembre 1947. Il retrouve un pays encore sous forte domination britannique, mais un pays résistant de plus en plus à la puissance coloniale.
Une forte répression était en cours, les britanniques voulant tuer dans l’œuf toute velléité d’indépendance : les grèves furent interdites, certains responsables politiques furent exhilés de force, et les responsables britanniques suspectés de sympathie avec les indépendantistes perdirent leur poste.

Nkrumah devint rapidement le Secrétaire Général du principal parti United Gold Coast Convention (UGCC) dirigé par J.B. Danquah, et commencera rapidement un tour du pays qui lui permettra de révéler ses talents d’orateur, et de montrer sa puissante rhétorique, tout en lui permettant de prendre le pouls du pays, et de sentir que ce dernier commence à rêver de plus en plus d’indépendance et d’auto-détermination.

Il met sur pied une campagne pacifiste, destinée à mettre en difficultés l’administration britannique. Au programme, boycott des produits européens, grèves de plus en plus fréquentes, ralentissement de l’économie.

Le 28 Février 1948

Kwame Nkrumah et son premier cabinet
Kwame Nkrumah et son premier cabinet
Le 28 Février 1948 marquera un tournant de l’histoire d’un pays où rien ne sera plus comme avant. D’anciens militaires manifestaient pacifiquement, et surtout sans leurs armes, quand l’armée anglaise ouvrit le feu. 63 d’entre eux furent tués ou gravement blessés. 5 jours d’émeutes conduisirent l’administration britannique à décréter l’état d’urgence et à emprisonner tout l’état-major de l’UGCC, dont Kwame Nkrumah.

Le calme ne revint pas totalement, et sous la pression, l’Angleterre dut mettre sur pied un plan qui devait ultimement conduire le pays à l’indépendance.

Dans le même temps, selon certaines sources, convaincu que l’UGCC ne comprenait pas totalement sa vision, Nkrumah démissionna de ce parti pour fonder le CPP ou Convention Peoples Party. D’après d’autres sources, il en fut exclu pour avoir mené une campagne de désobéissance civile. Quand des municipales furent organisées en 1950, bien qu’emprisonné cette année là, Nkrumah connut un grand succès puisque son parti gagna avec 22.780 voix sur 23.122 votants.

Libéré en 1951, Nkrumah continua la lutte pour l’indépendance, et progressivement l’Angleterre lâcha prise. Le 05 Mars 1952, Kwame Nkrumah est nommé Premier Ministre. Le 18 Novembre 1956 une date est trouvée pour l’indépendance, et celle-ci sera le 06 Mars 1957.

L’indépendance

 Kwame Nkrumah en tenue traditionnelle, le 6 Mars 1957, jour de l'indépendance de l'ex-Gold Coast, devenue Ghana
Kwame Nkrumah en tenue traditionnelle, le 6 Mars 1957, jour de l'indépendance de l'ex-Gold Coast, devenue Ghana
Après plusieurs années de lutte, Kwame Nkrumah peut savourer son triomphe, ce 06 Mars 1957, c’est devant une foule enthousiaste qu’il déclare l’indépendance de son pays.
Le nom du pays sera changé, de Gold Coast il deviendra Ghana, du nom d’un des plus anciens empires ouest-africains.

Nkrumah prononcera un discours qui fera date, et qui montre qu’au moment où son pays accède à l’indépendance, toutes ses pensées vont déjà vers les autres pays africains qui eux n’ont pas encore été libérés car, d’après lui, l’indépendance du Ghana n’a aucun sens, tant que les autres pays n’auront pas été eux aussi libérés du joug colonial.

Nkwame Nkrumah : Nous re-dédions maintenant notre action à la lutte pour émanciper les autres pays car l’indépendance du Ghana n’a aucun sens, tant qu’elle n’est pas liée à une libération totale du continent africain.

Nkrumah sera d’ailleurs l’un des pères-fondateurs de L’OUA ou Organisation de l’Unité Africaine, qui voit le jour en 1963. Mais l’aide qu’il propose aux autres pays ne sera pas acceptée, les différents leaders préférant ici et là jouer leur carte personnelle.

L’enthousiasme

 Kwame Nkrumah en tenue traditionnelle, le 6 Mars 1957, jour de l'indépendance de l'ex-Gold Coast, devenue Ghana
Kwame Nkrumah en tenue traditionnelle, le 6 Mars 1957, jour de l'indépendance de l'ex-Gold Coast, devenue Ghana
Après l’indépendance, Nkrumah met sur pied une politique volontariste et ambitieuse, destinée à permettre au Ghana d’évoluer, et de s’affranchir de ses limitations antérieures. En particulier, il voulait développer l’agriculture afin qu’elle ne dépende plus du seul cacao, ce qui, en cas de chute des prix, aurait mis le pays dans une situation délicate. Il voulait également réduire la dépendance du pays par rapport aux manufacturiers étranger, et sortir le Ghana de son rôle de fournisseur de matières premières.


Tout ceci s’est traduit par la construction de nombreuses routes, d’hôpitaux, d’université, et d’une foule de projets industriels, dont un très ambitieux barrage hydro-électrique sur la Volta.

A l’indépendance, les prix du cacao étaient à de très haut niveau, ce qui a permis à cette politique d’être mise en application, et à Nkrumah d’être un leader respecté et adoré par ses administrés.

Si l’histoire s’était arrêtée là, l’étoile de Nkrumah serait restée très haute dans le firmament des leaders africains…

La chute économique et politique

 La joie de la foule à l'annonce de la destitution de Kwame Nkrumah
La joie de la foule à l'annonce de la destitution de Kwame Nkrumah
Entre 1960 et 1965, les prix du cacao sur les marchés internationaux ont connu une chute très brutale, entraînant avec eux les réserves ghanéennes puisque, malgré la volonté de Nkrumah, le pays était encore extrêmement dépendant du cacao.

Les prix ont connu une inflation brutale, près de 250% entre 1957 et 1965, dont 66% pour la seule année 1965.
La croissance qui a oscillé entre 9 et 12% jusqu’en 1960 a baissé jusqu’à 2-3% en 1965.
Pour couronner le tout, le chômage a connu une progression exponentielle.

La solution que Nkrumah adopta fut d’augmenter considérablement les impôts divers, achevant de mécontenter définitivement les plus pauvres franges de la société ghanéenne.

Nkrumah était convaincu de la justesse de sa pensée, et ne voulait souffrir aucun obstacle sur le chemin devant mener le Ghana et l’Afrique en général vers la prospérité. En conséquence, il a violemment écarté tout obstacle, réel ou perçu, vers cette destinée.

Il a commencé par retirer une bonne partie de leurs pouvoirs aux chefs traditionnels qui faisaient autorité depuis plusieurs centaines d’années dans ce pays des Akan.
Il devint rapidement obsédé par sa sécurité, notamment après deux tentatives manquées d’assassinat sur sa personne.

En 1964, il se décréta Président à vie, instaura le mono-partisme et dissout toutes les formations politiques. Il emprisonna un grand nombre d’opposants, dont J.B. Danquah avec qui il avait fait équipe dans l’UGCC.

Pour se justifier : « même un système basé sur une constitution démocratique peut être contraint, dans la période suivant l’indépendance, à des mesures de type totalitaire ».


Kwame Nkrumah
Kwame Nkrumah
Coupé du peuple, Nkrumah devint de plus en plus impopulaire au sein de ces masses laborieuses qui l’avaient porté au pouvoir.

Ce qui devait arriver arriva. Le 24 Février 1966, alors que Kwame Nkrumah se trouvait en voyage officiel au Vietnam, à l’invitation d’Ho Chi Min, un coup d’état éclata, mené par le colonel Emmanual Kwasi Kotoka. Le parlement fut dissous, le parti de Nkrumah, le CPP fut interdit, et Nkrumah lui-même fut banni.

Le reste de la vie de Nkrumah fut donc passé en exil, et c’est à Bucarest en Roumanie qu’il mourut, le 27 Avril 1972.

Son aura fut finalement ternie par les dernières années de son règne, mais pour beaucoup, Kwame Nkrumah restera un visionnaire, l’un des tous premiers à avoir vu la force que pouvait représenter une Afrique unie, qui aurait pu enfin devenir une puissance économique auto-dirigée, et non plus une simple pourvoyeuse de matières premières pour le riche occident.

Pour conclure, ces propos de Nkrumah lui-même en 1961 :
« Divisés nous sommes faibles. Unie, l’Afrique pourrait devenir, et pour de bon, une des plus grandes forces de ce monde. Je suis profondément et sincèrement persuadé qu’avec notre sagesse ancestrale et notre dignité, notre respect inné pour la vie humaine, l’intense humanité qui est notre héritage, la race Africaine, unie sous un gouvernement fédéral, émergera non pas comme un énième bloc prompt à étaler sa richesse et sa force, mais comme une Grande Force dont la Grandeur est indestructible parce qu’elle est bâtie non pas sur la terreur, l’envie et la suspicion, ni gagnée aux dépends des autres, mais basée sur l’espoir, la confiance, l’amitié, et dirigée pour le bien de toute l’Humanité ».



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