Au censorat du lycée de Mballa II, des cartons bien ficelés sont disposés les uns sur les autres sur un long banc. Ils contiennent des livrets scolaires classés par classe et par cycle. D'autres sont déposés tout simplement sur une table, dans l'attente d'être rangés. Sur le bureau d'à côté, une dame d'une quarantaine d'années environ parcourt ceux qui sont sur son bureau. Mme Suzanne Efoudou a pour tâche quotidienne de s'occuper de ces documents. C'est elle qui vérifie leur contenu. " Ce sont des documents très importants pour tout élève du secondaire. Il est exigé par le lycée aux élèves de 6 ème et des classes intermédiaires lors des inscriptions. C'est un dossier qui permet de suivre l'enfant tout au long de sa scolarité " , avoue cette dame. Elle accorde une attention particulière à ces carnets de note. A quelques mètres du Lycée de Mballa II, au collège Jean Tabi d'Etoudi ou au Collège Mvom Nnam de Nkol ondom, c'est le même rituel. Le livret scolaire continue d'être une pièce essentielle à tout élève inscrit. C'est en quelque sorte le miroir de l'élève.
En effet, le livret scolaire est une sorte de cahier de format A4 avec des variations de couleurs différentes sur lequel sont transcrites les notes de l'élève. A l'intérieur, en première page, on a toutes les informations sur l'identité du propriétaire et même sur son environnement familial. Dans les pages suivantes sont reparties toutes les matières enseignées au secondaire, avec des espaces réservés aux notes de l'élève, aux appréciations des professeurs et à leur signature. Au bas de chaque page, un espace est prévue pour évaluer la discipline et la conduite de l'apprenant où on y mentionne les absences et les consignes. Même les jours d'exclusion après le passage au conseil de discipline ne sont pas oubliés. Seuls les professeurs sont autorisés à remplir ledit document après chaque séquence ou évaluation. Le livret scolaire est donc une sorte de duplicata des bulletins de note. Avec cette différence, il ne peut pas être falsifié à volonté par son détenteur. Le livret scolaire est une vieille pratique au Cameroun.
Sa configuration est restée la même avec l'avènement des séquences il y a quelques années. Ainsi, on peut désormais lire:'livret séquentiel". Pour rentrer en sa possession, l'élève doit avoir l'aval de son établissement. Très souvent, il lui est remis après l'obtention du baccalauréat. Friedrich Lien Mbep, ancien élève du lycée d"Eséka, a gardé jalousement le sien jusqu'à ce jour. C'est avec joie qu'il le brandit:"c'est des moments d'intenses souvenirs de lycée. Ça me fait plaisir de revoir mes notes et les appréciations de mes professeurs de la 6 ème en Tle". Joseph Evoni Ayissi, principal au Collège privé Mvom Nnam de Nkol ondom, pense que ce répertoire confidentiel des notes doit être un élément clé dans le recrutement d'un élève parce qu'il donne des informations sur l'enfant qui frappe aux portes d'un nouvel établissement. Et d’ajouter, "chez nous, le fondateur est très exigent en ce qui concerne cette pièce. Nous avons 400 livrets qui correspondent au nombre de nos élèves.
Nous pensons que c'est un document qui doit servir de référence même dans la vie active. Parce qu'il permet à l'employeur de connaître les capacités de celui ou de celle qui sollicite un emploi. Il faut toujours remonter à la base pour comprendre certaines attitudes. Le livret scolaire favorise les travailleurs et défavorise les paresseux". Au ministère de l'éducation nationale, l'on pense aussi que ce document reste très important dans la gestion de la pédagogie au niveau des établissements scolaires. Pour Félix Bouno, professeur des lycées d'enseignement général, en service au Mineduc "c'est aussi le guide du conseiller d'orientation parce que ce carnet lui permet de guider facilement l'élève vers une option précise à travers les informations fournies sur ses performances scolaires". Aussi souligne-t-il:" ce document doit être consulté par les parents dans la mesure où il possède les données fiables". Seulement, quelques responsables formulent quelques griefs contre le livret scolaire.
Les écueils
Les problèmes relatifs au livret scolaire sont de trois ordres. D'abord au niveau de la tutelle, qui n'alloue aucun budget à son suivi en son sein et au niveau des établissements scolaires. Résultat : certains responsables d'écoles ne rentrent pas toujours en possession de ces documents après les délibérations. Les chargés de mission aux examens de Bepc, du Cap, du probatoire et du baccalauréat, ne prennent pas la peine de les renvoyer aux établissements parce qu'ils n'ont pas de moyens financiers. Même au niveau des enseignants, le fastidieux travail lié au report des notes n'est pas apprécié à sa juste valeur, malgré les effectifs pléthoriques. "Le travail du livret n'est pas récompensé affirme M Joseph Evoni Ayissi. Une attitude qui justifie la négligence observée dans la tenue des livrets. Ensuite, dans le cas des élèves qui changent régulièrement de lycées ou de collèges, il est difficile d'avoir un livret unique comme l'exige la norme. Ceux des élèves qui ont des mauvaises notes dans leur carnet, ne peuvent pas les trimballer dans leur nouvel établissement et sont obligés d'acheter un nouveau livret pour faire bonne impression. Il devient dès lors difficile de contrôler les comportements et les prestations véritables de ces élèves. Enfin, la prolifération des établissements scolaires rend difficile le suivi d'un élève de la classe de 6 ème en Tle. Au regard de certains manquements, certains professeurs estiment parfois que l'époque du livret scolaire est révolue.
Par Sorèle Guebediang, pour Quotidien Mutations
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