Le directeur général reste sur le carreau
Nous sommes à l’entrée de la Caisse communautaire d’investissement (Cci) située en face de la mosquée centrale de Douala au marché central. Il est 9 heures trente ce 23 janvier. Une marée humaine a envahi la rue, difficile de se frayer chemin. Dans la foule, les commentaires vont bon train. Le directeur général de la Cci, M. Yamdjeu Tchanda Samuel a été tué lors d’un braquage dans son établissement ce matin. A l’entrée de l’immeuble qui abrite les locaux de cet établissement de micro-finance, les forces de l’ordre veillent au grain. Non loin de là est garé un véhicule de police appartenant aux équipes spéciales d’interventions rapides. A son bord, un vigile. Il se nomme Bouba Charles. Son œil gauche est poché. A ses côtés, son collègue Oumarou François, dont la chemise est complètement ensanglantée. Les deux hommes ont du mal à conter leur mésaventure qui semble sorti tout droit des studios de Hollywood.
Au premier niveau de cet immeuble devenu subitement une maison mortuaire en cette matinée, Mme Yamdjeu est à moitié nue. C’est à peine si elle veut même garder sur elle le soutien-gorge et le pagne qui est noué autour de ses reins. Elle hurle sa douleur. A la manière des femmes de l’Ouest Cameroun, elle esquisse des pas de danse funèbre. “ Tuez-moi, finissez avec moi. Le plus fort a eu gain de cause. Ohhhh, je suis morte... ” Tagni, appelle-t-elle son époux qui, raide mort et couché dans la douche de son bureau n’entend plus rien. Son boubou déboutonné jusqu’à un niveau, laisse voir sur sa poitrine une grosse entaille faite à l’arme blanche. L’homme gît dans un reste de sang. Après l’avoir poignardé, ses bourreaux ont pris soin de déverser une partie de son sang dans le bidet. Que s’est-il passé ce matin à la Cic ?
Vol ou règlement de compte ?
Les employés effondrés n’arrivent pas à raconter ce qui venait de se passer. Dans la salle d’attente, le temps semble s’être arrêté. Même la pendule qui est accroché au mur est resté figée sur 6 h 45, alors qu’il est presque 11 heures ce 23 janvier. Les blessés sont conduits à l’hôpital et le reste des employés regarde, l’air hagard, les forces de l’ordre, membres de familles et journalistes venus aux nouvelles, prendre des notes. “ Il était environ 8 heures trente ce matin. Je m’apprêtais à remettre la caisse au caissier. Car samedi, c’est moi qui ai tenu la caisse en son absence. A peine étions-nous en train de faire les comptes que j’ai entendu un cri strident. Je lui ai crié. Ferme la porte ! Mais, très vite, nous nous sommes rendus compte que nous étions victimes d’un hold-up. Lorsque ces gangsters sont entrés dans notre bureau, ils ont demandé qu’on leur donne tout. Ce que nous avons fait sans hésiter ”, confie l’assistante du caissier qui déplore le fait que leur système d’alarme n’ait pas fonctionné à ce moment. “ J’ai appuyé de toutes mes forces le système d’alarme qui est resté muet ”. Un système d’alarme qui une fois en fonction “ appelle au moins cinq numéros avec insistance en peu de temps ”
Toutefois, il faut croire que le butin ne leur a pas suffi. Puisque aussitôt, manu militari, ils ont conduit le caissier M. Mangoua vers une des salles où se trouve un des coffres forts. Une fois sur les lieux, ces hommes sans foi ni loi, ont pris les clés pour vider le contenu du premier coffre avant de vouloir s’attaquer à un autre. Celle-là, M. Mangoua n’en possédait pas les clés. Ce qui a poussé d’un cran le degré de l’adrénaline dans les veines des “ gangs tueurs ”. L’homme-orchestre de cette attaque qui était cagoulé a demandé qu’on l’exécute. Mais “ son collègue, lui a rappelé qu’ils n’ont pas besoin de le tuer, du moment où il a collaboré, jusqu’à se mettre nu. (Car il avait enlevé ses vêtements pour se laisser fouiller par les voleurs) ”, explique M. Roger Monthé, directeur administratif et financier (Daf). Malgré tout, le méchant lève son poignard pour le lui planter dans le cœur. Mais, d’un geste protecteur, M. Mangoua lève la main droite. Le couteau a fini sa trajectoire en lui faisant une entaille profonde dans les doigts. C’est M. Monthé qui viendra découvrir la macabre scène. “ Ce matin, je suis arrivé tard parce que j’avais à faire à l’extérieur. Au moment où je revenais au bureau, j’ai rencontré un de nos clients qui m’a interpellé en ces termes. Je suis venu faire des opérations chez vous, mais il n’y a personne. Ensemble nous sommes remontés. A peine ai-je mis le pied sur le pallier, j’ai constaté l’absence des vigiles. Je me suis dit que même lorsqu’il y a des réunions le lundi, les vigiles ne sont pas conviés. Ensuite, je me suis rendu dans la première salle où les papiers qui jonchaient le sol ont attiré mon attention. J’ai pressenti un braquage. Nous sommes revenus au rez-de-chaussée et j’ai demandé aux gardiens qui s’y trouvaient de fermer la grille centrale ”, témoigne M. Monthé. C’est toujours lui qui a appelé le 117, qui est arrivé aussitôt. Mais une fouille des lieux confirmera que les malfrats avaient déjà mis les voiles. Ceux-ci emportent un butin qui se chiffre à plusieurs millions en espèces, des portables, sacs à main et de l’argent arraché de force aux employés. “ La somme emportée se chiffrerait entre 4 et 6 millions de francs, si je m’en tiens au registre ”, selon le Daf de la Cci. Une enquête a été ouverte par les forces de l’ordre. On espère que le résultat viendra convaincre la veuve, qui pense que ce braquage est une mise en scène par des personnes cachées qui en voulaient à son époux. C’est la seconde fois en moins d’un an que cet établissement recevait la visite des braqueurs. La dernière fois c’était en avril 2005. Affaire à suivre.
Source : Le Messager
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