Aux premières impressions, comment retrouvez-vous ce pays où vous n’êtes pas venu depuis cinq ans ?
Un pays qui a changé depuis la dernière fois où je suis venu ici. J'étais ici lors du sommet Afrique-France qui s'est tenu à Yaoundé avec le secrétaire général des Nations unies. Cinq ans après, j'ai l'impression que la parole est un peu plus libre. L'autre jour, ça m'a fait plaisir de vous voir sur le plateau de la télé, mener une analyse très libre de la déclaration de fin d'année du président de la République. Il y a quelques années, c'était des choses impensables. Je me rends aussi compte que le pays semble avoir le dos au mur. J'ai passé toutes les fêtes de fin d'année ici, les gens n'ont pas beaucoup le moral, je n'ai pas vu les Camerounais dans les rues comme cela se faisait, il y a quelques décennies, à la veille du nouvel an. Ça veut dire qu'il y a une crise profonde, que les gens n'ont pas de ressources, qu'ils sont obligés de rester chez eux. Ce n'est pas très bon signe.
Revenons au message du chef de l'Etat, quels commentaires vous a-t-il inspiré ?
Il a mis l'accent sur la lutte contre corruption. Mais, en écoutant les analyses de son discours, j'ai compris que ce n'est pas la première fois qu'il en parle. Tout le monde espère qu'il y a des actes significatifs qui vont être posés. Les corrompus, on les connaît tous. Il y a quelques années, quand le ministre Garga Haman Adji parlait des baleines, à l'époque déjà on savait qui mettait la main dans les caisses de l'Etat. C'est quand même surprenant qu'une quinzaine d'années plus tard, on en soit toujours au même point, alors que le problème aurait déjà dû être éradiqué.
Vous pensez, comme certains analystes, que cette fois le ton était nouveau et qu'on va passer certainement à la vitesse supérieure ?
Ce que j'ai remarqué, c'est que le président s'est départi de son calme habituel, du détachement dont il faisait montre avant, face aux problèmes sociaux comme celui là. On a l'impression qu'il est maintenant personnellement beaucoup plus engagé. Mais comme je disais tout à l'heure, après les paroles, il faut des actes. Comme disent si bien les Américains : "Don't just talk the talk, you have to work the work." C'est cela qu'on attend.
Vous venez de parler des gens qui sont tristes et sans ressources. En ce moment, on parle beaucoup au Cameroun du point d’achèvement de l'initiative Ppte qui donnera une bouffée d’oxygène aux Camerou-nais?
Il faut déjà préciser une chose, c'est que le point d'achèvement de l'initiative Ppte n'est pas en soi une politique économique. Et le fait de faire une fixation sur cet objectif et d'écraser la population sous les taxes, ne fait pas du bien au pays en général, parce que trop d'impôt tue l'impôt. En ce moment, j'ai l'impression que la pression fiscale est en train de tuer ce qui restait même de l'économie camerounaise. Les gens semblent être dans l'expectative. Ils vont payer cet impôt mais en même temps, il ne leur reste plus rien pour investir. Tout le monde attend ce point d'achèvement qui risque d'être un mirage, si on ne fait pas attention. Le Cameroun est sur la liste des pays bénéficiaires de l'initiative Ppte, mais le Cameroun pays à revenu intermédiaire qu’on a connu jusqu’au milieu des années 80 n'aurait jamais dû en arriver là.
Ce qui est une régression significative…
En effet. On a l'impression que le pays est dans un gouffre et que le fait d'avoir perdu sa souveraineté de décision en ce qui concerne son évolution économique, va rendre beaucoup plus difficile la marge de manoeuvre de ses dirigeants.
Le président de la République en recevant les voeux du corps diplomatique a indiqué qu'en partie le Cameroun se retrouve dans cette situation parce qu'il manque une solidarité et une justice internationales...
Les termes justice et solidarité internationales sont des termes diplomatiques. Et quand on travaille au quotidien avec des diplomates comme je le fais, on sait ce que cela veut dire. Ça ne veut absolument rien dire. La justice et la solidarité internationales ne vont jamais remplacer l'initiative locale et la bonne gouvernance locale. Et c’est le fait de toujours tendre la main, l'assistanat permanent qui nous a amené au point où nous sommes. La justice et la solidarité internationales ne peuvent se substituer à la vision qui doit se développer au sein du pays lui-même sur le plan économique, politique et diplomatique. J'ai peur que, là encore, ceux qui rédigent les discours du président de la République alignent des poncifs sans chercher à voir la réalité en face.
Justement au sujet de la diplomatie camerounaise, quel regard jetez-vous sur son rayonnement au cours des 15 dernières années ?
La diplomatie camerounaise, je la fréquente là où je travaille à travers les représentants du Cameroun. Ils sont présents, ils assistent à toutes les réunions, ils interviennent au cours des discussions. Mais, je ne pense pas que le Cameroun ait le poids nécessaire pour peser sur certaines négociations, sur les prises de décision. Le Cameroun joue plutôt à l'intérieur soit du groupe africain, soit du mouvement des non-alignés, soit à l'intérieur du groupe des 77 et de la Chine qui est composé de 134. C'est à l'intérieur de ces mouvements de pays du sud que le Cameroun peut défendre ses propres positions, faire inscrire ses points de vue dans l'agenda commun de ces groupements. On a un excellent ambassadeur à New-York, l'ambassadeur Belinga Eboutou. Il fait un travail merveilleux avec les moyens qu'il a et avec la marge de manoeuvre qui est la sienne. Je me demande souvent si l'ambassadeur peut prendre des initiatives sans en référer constamment à la capitale. Est-ce que la capitale se rend compte du fait que les choses vont très vites en cette période de mondialisation et que les prises de décision devraient se faire de manière plus rapide. Qu'il faudrait aussi être plus audacieux dans ses initiatives. C'est la question que je me pose souvent.
Le Cameroun a présenté Théodore Nkodo à la présidence de la Bad avec le résultat que l’on sait…
Le dossier Nkodo, je l'ai suivi de loin, parce que je ne suis pas à la Bad, à travers les articles de presse et des amis. Théodore Nkodo est un homme extrêmement compétent. Quand j'étais consultant à la Banque mondiale, à l'époque il était déjà un haut cadre d'envergure, on me disait qu'il travaillait sur le dossier mexicain après le crash financier qui s'y était produit. A l'époque, le président Clinton avait demandé au Trésor américain de débloquer un package pour sortir le Mexique du marasme pour qu'il n'y ait pas effet d'entraînement. C'est la période où il y avait les crises asiatiques et en Argentine. J'ai peur que la campagne pour sa candidature ait démarré trop tard. Et que le soutien qu'on lui a apporté ne se soit pas fait de la manière la plus adéquate. On se demande parfois si, ici au pays, ce soutien était sincère. Nous les Camerounais, avons trop de querelles intestines entre nous. Quand l'un d'entre nous se présente à un poste comme celui-là, il faudrait qu'on fasse vraiment bloc autour de lui. Il ne faudrait pas que nos petites querelles régionalistes, ethniques, se répercutent sur ce que nous pouvons faire au plan international.
Vous disiez tout à l'heure que vous prenez les nouvelles du pays à distance. Concrètement comment le faites-vous ?
Chaque matin en arrivant au bureau je lis Mutations, je lis Cameroon tribune, Le Messager ; les agences de presse aussi. J'ai aussi mes propres réseaux d'information, je suis un professionnel de l'information et de la communication. Certaines de ces filières de l'information font partie de mes prérogatives professionnelles. Je préfère ne pas en parler parce que c'est confidentiel.
Cela dit, à travers ces informations, comment appréciez-vous le jeu politique actuel au Cameroun ?
On a l'impression qu'ici le jeu politique n'existe que quand il y a des échéances électorales. Le reste du temps, c'est un pays mort. Même le parti dit au pouvoir semble être complètement amorphe. Tout le pays est suspendu aux lèvres du président de la République.
Ce qui est une bonne ou une mauvaise chose, à votre avis...
Ce qui est une très mauvaise chose parce que même l'homme le plus doué et le plus providentiel du monde ne pourrait pas changer la situation du Cameroun par lui tout seul. Et en ce moment le président de la République concentre tous ces pouvoirs, seul. C'est dommage. Et puis, on a l'impression que la classe politique camerounaise ne représente qu'elle-même. Les gens sont là pour leurs propres intérêts, parce qu'ils veulent un poste, parce qu'ils veulent accéder à une fonction qui va leur donner accès à des lignes de crédit. Pour ça ils utilisent la population, ils n'hésitent même pas à réveiller les démons ethniques. C'est dommage. Très triste.
De ce point de vue vous estimez que le Cameroun a beaucoup reculé en 23 ans de règne du président Biya ?
Par rapport à ce qui existait en 1958-1960, où il y avait multipartisme au Cameroun, la démocratie camerounaise aujourd'hui est très en arrière. Celle à laquelle nos parents ont participé au moment de l'indépendance de ce pays était plus vivante, plus dynamique. Ils se comportaient en vrais hommes politiques et en potentiels hommes d'Etat. En ce moment au Cameroun, je ne vois pas d'homme d'Etat à part celui qui dirige le pays.
Parlons un peu de vous-même : dans quelles conditions vous êtes parti du Cameroun pour les Etats-Unis ?
J'ai quitté le Cameroun au mois de juin 1993, après avoir passé un concours pour l'université de Harvard. Ça n'a pas été facile parce que j'étais théoriquement francophone. Il m'a fallu travailler ma connaissance de l'anglais en même temps que j'exerçais mon métier de journaliste à la Crtv. C'est un concours que j'ai passé grâce à Dieu et grâce surtout à l'aide et au soutien de l'ambassadeur des Etats-Unis au Cameroun en cette période, Mme Frances Cook. C'est elle qui m'a fait savoir que ce type de filière existait, lors d'un cocktail offert à l'occasion du 4 juillet (fête nationale des Etats-Unis d'Amérique, Ndlr). J'étais souvent invité dans les missions étrangères parce que je faisais une émission parlant essentiellement de politique étrangère. C'est elle qui m'a dit " pourquoi n'allez-vous pas vous améliorer, vous avez un fort potentiel ". Je lui ai dit que l'anglais n'était pas mon fort, elle m'a répondu que c'est une question de volonté. C'est comme cela que je suis parti. J'ai passé le concours de la fondation Ford qui a payé mes études, qui sont extrêmement chères dans cette université. Mes frais de séjour aussi, ils les ont pris en charge. Ça m'a donné la chance de faire ce programme d'études au cours duquel j'ai eu l'occasion de rencontrer pratiquement toute la classe politique américaine. Que ce soit les parlementaires, les sénateurs, certains membres de l'administration ainsi que les milieux d'affaires.
On vous attendait au Cameroun après votre formation…
A la fin de mon programme d'études, je comptais effectivement revenir au Cameroun pour mettre ces connaissances au service de mon pays. Malheureusement, on m'a rendu la vie difficile. J'ai même saisi qui de droit, suivez mon regard, par un courrier personnel et un courrier adressé par le président de l'université de Harvard. Je n'ai jamais reçu notification d'une réponse. Plus d'une année plus tard, le secrétaire général de la présidence de l'époque, Joseph Owona, m'a envoyé un courrier administratif, c'est-à-dire la langue de bois. Je me suis donc dit au lieu d'aller m'enfermer dans un mouroir à la Crtv, je vais explorer d'autres possibilités. C'est comme cela que j'ai quitté Cambridge dans le Massachusetts où est l'université de Harvard. Je suis allé à Washington Dc et je me suis présenté à la Voix de l'Amérique. Une semaine après, ils m'ont offert un contrat. J'ai fait de la radio à la Voix de l'Amérique, mais mon ambition ce n'était pas de travailler pour une radio gouvernementale. Au bout de neuf mois, j'en suis parti parce que j'avais envoyé un dossier à la division des Opérations pays de la Banque mondiale. J'ai reçu un coup de fil et on m'a convoqué pour une interview. C'est ainsi que j'ai été recruté à la Banque mondiale comme consultant en communication. On m'a affecté aux opérations des pays de l'Afrique centrale et de l'océan Indien. J'ai passé un an et demi en tant que consultant dans les pays de l'océan Indien, c'est-à-dire Madagascar, l'Île Maurice, les Seychelles, les Comores. C'est une région que je connais très bien.
Et comment rebondissez-vous aux Nations unies ?
Etant consultant, mes contrats étaient renouvelés selon la durée des projets à mettre en oeuvre. Je concevais des stratégies de communication pour aider les gens à comprendre l'ajustement structurel. J'ai organisé des séminaires pour des parlementaires, notamment à Madagascar, des sessions de formation à la chose économique pour la presse locale. Je passais trois mois sur le terrain, je revenais à Washington pour un mois et demi avant d'y retourner. Un jour j'ai vu une vacance de poste aux Nations unies, j'ai envoyé mon Cv. J'avais toujours rêvé de travailler aux Nations unies. Mon père y a été en 1960 avec Charles René Guy Okala qui a été le premier ministre des Affaires étrangères de ce pays. C'est eux qui ont négocié l'admission du Cameroun aux Nations unies avec l'actuel ministre de la Culture, Ferdinand Oyono, l'ancien directeur du protocole de la présidence, M. Betayene. Voilà la première délégation du Cameroun aux Nations unies. Ça m'avait frappé parce que dans mon enfance je regardais toujours les albums photos de mon père puis je voyais ces images de lui à New-York. Je me disais qu'il fallait qu'un jour je sois là. Le destin m'y a emmené sans que je fasse trop d'effort.
Quelle est votre fonction officielle là-bas ?
J'ai été recruté comme press officer. Littéralement en français ça veut dire attaché de presse, chargé de communication. Au départ, je couvrais la première commission, chargée des questions de désarmement et de sécurité internationale. Je m'y intéresse beaucoup. Ensuite, j'ai couvert la deuxième commission qui est en charge des affaires économiques et sociales. Mon passage à la Banque mondiale m'avait accroché à ces questions là. Depuis sept ans, j'ai été affecté à la couverture des sessions du Conseil de sécurité. Entre temps j'ai reçu une forme de promotion. Maintenant je suis l'éditeur des attachés de presse qui couvrent la deuxième commission et le Conseil de sécurité.
Quand vous revenez au Cameroun et que vous revoyez la Crtv, qu'est ce qui vous frappe ?
J'étais à la Crtv la semaine dernière. J'ai eu la chance de rencontrer Charles Ndongo, l'actuel directeur de l'Information télé, à New-York, en septembre dernier lors de l’Assemblée générale des Nations unies. Il m'a fait une petite interview. C'est comme ça que j'ai repris contact avec mes anciens collègues. En passant ici, je leur ai fait savoir que j'étais à Yaoundé, ils m'ont gracieusement invité à venir visiter la maison. J'ai pu rencontrer M. Vamoulké. Il faut dire que je suis triste de l'état dans lequel je trouve la Crtv, notamment la télévision. Je ne suis pas tellement un homme de radio, je suis un homme de télévision. C'est un peu comme un rêve brisé. Je préférais Ctv à Crtv. On avait de grands rêves, on voulait en faire quelque chose de performant. Nous voulions imposer des normes internationales, non seulement dans la confection des émissions, mais aussi dans le ton et le traitement de l'information.
A la Ctv, nous avons eu un premier directeur général, M. Florent Etoga Eily, un grand homme pour qui j'ai beaucoup de respect, qui nous a laissé les coudées franches, qui nous a demandé de faire notre métier. Il nous a avoué qu'il n'était pas un homme de télévision, qu'il était un grand commis de l'Etat, responsable de la gestion administrative et politique de la maison. Il confiait aux professionnels que nous étions alors de rendre très riche l'antenne. Je crois, ça a été les années d'or de la télévision camerounaise. Il a laissé libre cours à notre créativité. Je crois que c'est alors qu'on a créé les grandes émissions, qu’on a relifté le journal de la télé, Crtv Magazine, que j'ai créé et qui n'existe plus. On a voulu créer quelque chose de beau, une publication en quadrichromie, parce que je voulais introduire au Cameroun des choses belles, pour que les Camerounais sachent qu'il y a des standards et qu'en travaillant on peut y arriver. J'espérais aussi encourager le secteur privé à s'impliquer dans cette affaire en installant des imprimeries modernes. Au départ, on a cru qu'on allait y parvenir, mais subitement il s'est passé ce que vous savez. Le Cameroun est un pays des cabales, on monte des cabales contre les gens parce qu'on veut leur peau...
" On veut leur peau " veut dire...
Je veux dire que M. Etoga a été victime d'une cabale. Quelqu'un d'autre a été nommé à sa place. J'aimerais ne même pas parler des 17 ans que cette personne a passés à la tête de cette maison, parce que c'est une honte.
Qu'est-ce qui a changé concrètement avec M. Vamoulké ?
M. Vamoulké est un professionnel, c'est un journaliste. Il a un sens de la direction à prendre. Tout ce que je vais vous dire c'est à partir d'informations que j'ai eues sur le Web. Il a lancé de nouveaux modes de recrutement et de promotion de ses agents et collaborateurs. Au départ l’idée est très bonne. C'est comme ça que ça se passe ailleurs dans le monde. Ce qui m'a surpris, c'est la durée que tout cela a pris. De l'étranger, je me suis demandé ce qui se passait. Est-ce qu'on était encore tombé dans les mêmes petites combines à la camerounaise ? Est-ce que les gens vont vraiment être promus sur la base de leur compétence et non pas sur leurs liens avec tel clan, tel individu ? Finalement, on a eu ce qu'on a eu. Les gens qui ont été nommés par le conseil d'administration sont des professionnels. Maintenant la Crtv est en chute, je ne veux pas dire en chute libre. C'est comme la vieille querelle après le congrès de Bamenda qui a vu naître le Rdpc, celui du vin nouveau dans les vieilles outres. C'est la même problématique qui est en train de se poser. C'est l'impression que j'ai. Maintenant, comment peut-on faire pour regagner la crédibilité, la confiance du public, l'amour du public même parce que la télévision c'est un outil de séduction, dans un environnement désormais concurrentiel ? Les nouveaux responsables de la Crtv doivent trouver des solutions.
Mais vous releviez plus haut que quelque chose semble changer au niveau même de la ligne éditoriale…
Oui, la ligne éditoriale est en train de changer. Pour cela je félicite Charles Ndongo, qui a beaucoup donné à cette profession et à ce pays dans une certaine mesure. Il peut avoir les positions qu'il prend et on peut le juger selon ses propres convictions, mais il faut reconnaître qu'il a beaucoup fait dans un système difficile. Maintenant, est-ce que ça va continuer ? Est-ce que ça va aller loin ? Est-ce que M. Vamoulké va recevoir les moyens dont il a besoin ? J’ai appris par la presse qu'on était en train de lui couper les versements de la redevance audiovisuelle, alors que c'est le moment de les lui donner pour remettre l'outil en marche. Rien qu'en regardant l'image à l'écran, vous sentez que l'outil technique a besoin d'être réhabilité. L'image a perdu sa couleur, sa définition, cela veut dire que la plupart des équipements sont périmés à Mballa II. Et même dans les centres de retransmission… Ce n'est donc pas le moment de lui imposer une cure d'amaigrissement sur ce plan-là.
De l'autre côté, il y a la question du personnel, un effectif pléthorique, qu'il faudra qu'il résolve. Est-ce qu'il en a politiquement les prérogatives ?
Je ne pense pas. Il n'y a qu'au plus haut niveau que l'on peut prendre ces décisions là. C'est une question sensible. Il y a trop de monde. Il faudra orienter les ressources vers la production. C'est vital. Il faudrait même soumettre le personnel en place à un recyclage. C'est vrai que la Crtv a un centre de formation à Ekounou, mais même les formateurs qui y sont ont besoin d'être réformés. La technologie évolue très vite. La tâche à abattre est immense.
Et pour le reste de la presse camerounaise, la presse écrite, les nouvelles radios et télés... Avez-vous eu le temps de regarder ?
Oui, j'ai regardé certaines nouvelles télés notamment Canal 2. Il y a beaucoup d'images mais il n'y a pas beaucoup de commentaires et d'analyses. Je ne sais pas comment cela a été organisé. L'impression que ça donne c'est qu'il n'y a pas beaucoup de personnels qualifiés là derrière. On reçoit des images par satellite que l'on vous balance à l'antenne continuellement, ça passe, ça passe. Cela dit, c'est un début. C'est un bon début. Ils ont un sens artistique un peu plus développé que celui de la télévision de service public. Leur visuel est meilleur en ce moment que celui de la Crtv.
Ils ont également des espaces de liberté plus importants, notamment certains débats avec des hommes politiques ou les hommes de médias.
C'est tout à fait l'impression que ça m'a donné parce que j'ai aussi regardé le débat qu'ils ont organisé autour du discours du chef de l'Etat. Le ton y était un peu plus libre. Peut-être même un peu outrancier. Mais on sentait aussi le manque d'expérience de la part des personnes chargées de coordonner l'émission, mais ça va venir avec le temps. Maintenant ils ouvrent beaucoup leurs plateaux à des journalistes de la presse écrite, c'est bien. Mais il faudrait que du côté des hommes de la presse écrite, que vous vous formiez aussi, en sachant que vous allez de plus en plus être invités sur les plateaux de télévision, aux techniques du débat télévisuel.
Quels sont vos projets à moyen et à long terme. Quand revenez-vous au Cameroun ?
Bien sûr, je reviens au Cameroun (rires). Mais je ne peux pas vous dire quand. Cela dépend de beaucoup de circonstances. Je suis Camerounais, il me faut une maison dans mon pays, voilà ce que je suis venu faire cette fois-ci. J'ai trouvé un bel endroit où construire ma petite maison, ma petite cabane au Cameroun. Ça ne va pas être quelque chose de spectaculaire, ce sera quelque chose de confortable. Au niveau international je compte encore y rester un certain temps et puis, finalement, je ne peux offrir que ce que j'ai. Tout dépendra de l'offre. Si une offre m'est faite... Sinon j'aimerais aussi créer quelque chose ici en matière de communication. C'est déjà bien qu'il y ait des journaux indépendants. Mais sur le plan de la communication, on a par exemple une scène politique qui ne sait pas communiquer. C'est un métier à part entière. C'est mon métier et le champ est encore vierge. Si Dieu m'en donne les moyens, je compte un jour me lancer de ce côté-là.
Source: Quotidien Mutations
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