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L'Afrique doit renouer avec l'histoire et avec son histoire...
(15/01/2006)
L'histoire, ou l'étude et la connaissance du passé, tel qu'on l'entend académiquement, est certainement aujourd'hui, à dessein ou non, une des sciences humaines les plus importantes pour l'humanité...
Par YY

L'histoire, ou l'étude et la connaissance du passé, tel qu'on l'entend académiquement, est certainement aujourd'hui, à dessein ou non, une des sciences humaines les plus importantes pour l'humanité dans ce sens qu'elle est, l'analyse de l'évolution et des comportements des peuples au cours du temps, en même temps qu'un élément moteur déterministe de leur devenir.


Marcus Garvey le voyait déjà dans ce sens quand il déclarait qu' « un peuple sans culture, est comme un arbre sans racines. ». Car, l'histoire est le véhicule qui permet au peuple de conserver son identité et de faire perdurer sa culture. Elle est aux peuples, ce que la mémoire est à l'individu, à savoir, le carburant permettant d'alimenter le moteur de nos actions futures en tenant compte de nos échecs et de nos réussites antérieures, et donc des étapes que l'on a traversées au fil du temps.

L'histoire influe particulièrement sur la conscience des peuples, a trait à leur psyché collectif et à leur dignité, selon qu'elle soit riche d'expériences et donc génératrice de modèles futurs, ou qu'elle soit totalement pauvre, dévalorisante, voire inexistante. L'histoire constitue aujourd'hui un élément partie intégrante des stratégies géopolitiques de leadership et de domination. Et tout au long du siècle dernier, nombreux sont les différends diplomatiques ayant opposé les grandes nations sur des problématiques d'interprétation historique.


De Gaulle et Adenauer
De Gaulle et Adenauer
On peut se rappeller des tensions politiques entre la France et l'Allemagne, au sujet des exactions commises par les soldats Allemands pendant la deuxième guerre mondiale, et ceci malgré le traité de l'Elysée, signé depuis 1963 entre le Général de Gaulle et le chancellier Konrad Adenauer, sensé marquer le début d'une réconciliation durable entre les deux pays. La France et l'Allemagne en sont allés jusqu'à travailler sur un manuel d'histoire commun aux deux pays, prochainement disponible pour les élèves de terminale en France et en Allemagne dès 2006, et qui retracera l'histoire contemporaine des deux peuples entre 1945 et aujourd'hui. « Nous avons connu des siècles où l’historiographie était un ferment de rancœur entre nous, nous saisissons aujourd’hui la chance d’en faire le ciment de notre union », affirmait d'ailleurs le ministre Français de l'éducation, François Fillon, en Mars 2005 à propos de ce projet. Cet acte, à la portée uniquement symbolique pour certains, permettra néanmoins en pratique aux jeunes d'avoir une connaissance objective de leur passé, au delà du révisionnisme habituel, et de l'assumer en conséquence.

Plus récemment encore, le différend historique qui a fait la une des médias en Avril 2005 est celui opposant le Japon et la Chine à propos des faits de guerre perpétrés par l'armée Japonaise à partir de 1937 (Occupation, massacres de Nankin, expérimentations scientifiques, exploitation des femmes, etc). En effet, la réédition d'un livre d'histoire Japonais jugé négationniste et éludant les pages les plus sombres de l'occupation Nipponne, avait fait déscendre dans les rues, des milliers de chinois début Avril. Si les revendications Chinoises portaient effectivement sur l'amnésie historique Nipponne, ces tensions sont intervenues au moment où la lutte pour le leadership du bloc oriental Asiatique battait son plein entre les deux pays et lorsque la volonté du Japon de briguer un siège au conseil de sécurité de l'ONU s'est avérée. Ce que d'aucuns appeleraient « simple différend sur des questions historiques », a donc pris l'allure de guerre froide entre les deux géants asiatiques.

Au delà des problèmes de lecture historique Chine-Japon ou France-Allemagne, le clivage sur lequel il est important de s'arrêter, le débat historiographique qui a, jusqu'à nos jours, toujours perduré, c'est bien celui qui oppose Africains et occidentaux. En effet, l'histoire de l'Afrique est celle qui de tous les continents, a été la plus sujette aux controverses et au plus grand nombre de tentatives de falsification de la part des historiens des pays du Nord.

Cheikh Anta Diop, l'homme qui a réhabilité l'histoire Africaine
Cheikh Anta Diop, l'homme qui a réhabilité l'histoire Africaine
Et, aujourd’hui, contrairement à ce qu’on peut voir en occident, la jeunesse, certains intellectuels bien pensants et nombreux gouvernements africains n’ont pas encore pris la mesure de la bataille historique et culturelle qui se joue partout dans le monde. L'Afrique semble être le seul continent où l'on peut encore se permettre de laisser des monuments à la gloire des généraux des puissances coloniales, ou des noms de rue et de lycées qui ne renvoient à rien de psychologiquement constructif dans le subconscient d’une jeunesse Africaine soucieuse de renouer avec son passé.

Pour le cas du Cameroun, que dire des nombreux collèges et lycées, Joss, Saker, Libermann, Leclerc, et bien d'autres, qui ne font que mettre en évidence l’appartenance des populations Camerounaises à une Afrique asservie, domptée, inapte à s’auto construire et incapable de se prendre en main. Afrique qui doit, vraisemblablement, toujours appeler à l’aide l’ « abbé Pierre » occidental lorsque les choses semblent ne pas aller. Comment donc ne pas s’indigner qu’un personnage de la trempe d’un Ruben Um Nyobé, véritable exemple pour des générations d’africains, n’ait aucun monument érigé en son nom sur une grande place d’une des principales agglomérations du Cameroun ?

L’Afrique ne doit plus jouer avec ce qu’elle pense être des détails. L’histoire n’est pas détail. Les symboles culturels ne sont pas détails.

Nos monuments et nos symboles, utilisés à bon escient, sont des pare chocs pour les consciences, qui préservent l’esprit des attaques mentales extérieures entravant la perpétuation du sentiment patriotique et d’appartenance nationale. Les symboles sont des «armes » qui s’inscrivent au fil du temps dans l’inconscient et permettent à tout un chacun de rester ancré dans un ensemble de repères panafricains, bases fondamentales pour développer une vie vouée à œuvrer pour les siens et dévouée au continent.

L’Europe a depuis longtemps compris que ceux qui contrôlent l'histoire d'un peuple, contrôlent sa pensée. Et, « Quand vous contrôlez la pensée d’un homme, vous n’avez plus à vous soucier de ses actions. », pour paraphraser Carter Woodson. Très clairement, et il le faut dire, les stratégies impérialistes occidentales ont toujours été ancrées dans cette logique.

Après avoir asservi tout le continent, dilué les us et coutumes, bousculé les paradigmes mentaux, déstructuré les idiomes traditionnels, l'occident s'est attaché à ce que le passé Africain, aussi prestigieux soit-il, ne puisse être remis à la lumière du jour, au vu et au su des africains contemporains. La maîtrise des techniques metallurgiques et de bon nombre de concepts mathématiques, scientifiques, religieux, qui semblaient être la propriété d'un soi disante érudition grecque ou occidentale, ne furent en fait que des productions négro-africaines.

L'Afrique ne peut plus se permettre d'être en position de faiblesse quand se pose le débat des apports de chaque civilisation au monde moderne et ne saurait continuer de se faire l'écho de discours rétrogrades sur les éventuels bienfaits de la période coloniale et esclavagiste. Car, il faut le dire, avant les incursions occidentales, le continent africain prospérait et se suffisait à lui même, pendant que l'Europe se convolait en longues noces entre la peste, les guerres et toutes sortes de querelles intestines. Et d’ailleurs, combien d’Africains sont morts en construisant ce qu’il convient d’appeler les vestiges de l’époque coloniale que sont les ponts, les routes, les chemins de fer ayant pour la plupart, servi à « rapatrier » les matières premières des zones rurales vers nos agglomérations pour ensuite prendre la direction des grandes capitales occidentales ? Que sont ces bienfaits qui se comptent en nombre de morts et en pillage de nos ressources ?

La renaissance mentale du continent, par la réappropriation de son histoire, est le préalable à sa renaissance économique. Et, aujourd'hui plus que jamais, le mot d'ordre en Afrique doit être, pour reprendre l'expression du professeur Ki-Zerbo, « éduquer ou périr ». Eduquer, c'est forger une conscience morale respectueuse des traditions africaines de paix et de solidarité, tout en s'adaptant aux besoins de la modernité et en étant capable de puiser au plus profond du glorieux passé continental, la force mentale qui permettra de générer les grands chantiers africains de demain. Eduquer, c'est mettre l'homme Africain au devant de ses potentialités. C'est lever le voile des clivages tribaux en faisant de l'Afrique un tout indivisble. Eduquer, c'est réussir à faire des Cheikh Anta Diop, Thomas Sankara, Patrice Lumumba, Soundjata Keita, etc., les modèles de tous les jeunes africains d'aujourd'hui et de demain.

Eduquer, c'est faire en sorte de transformer la honte que certains ont pour leur continent, en une force pérenne moteur de leurs futurs accomplissements. Eduquer, c'est remettre l'Afrique au coeur de nos préoccupations. C'est remettre l'Afrique, définitivement, au centre de nos vies. Eduquer, c'est faire de l'Africain, non plus celui qui travaille pour vivre, mais celui qui vit pour travailler. Eduquer, c'est faire en sorte que chacun de nous puisse se donner une mission pour l'Afrique. C'est faire que chaque africain vive d'abord pour l'Afrique, pour ensuite, le sentiment du devoir accompli, vivre par l'Afrique. Eduquer, c'est faire en sorte que les jeunes africains ne vivent plus entre deux cultures, entre deux socles civilisationnels, entre deux histoires, autant de choses les empêchant de s'auto définir de manière efficiente.

Eduquer, c'est faire en sorte que cette jeunesse vive selon une ligne directrice tracée et voulue par les travaux des Cheikh Anta Diop, Théophile Obenga, Tchuindjang Pouémi et autres Engelbert Mveng. Eduquer, c'est faire que cette jeunesse ait les moyens de participer aux débats intellectuels, scientifiques et techniques les plus élevés de notre temps. C'est parvenir à transformer les potentialités africaines en une réalité palpable. Eduquer, c'est « remettre à Soundjata, ce qui appartient à Soundjata », à savoir, remettre aux jeunes Africains la connaissance de la primeur des grands bouleversements civilisationnels réalisés par leurs ancêtres d'Egypte et de Nubie, du Ghana ou du Mali. Eduquer, c'est redonner à l'Afrique, en boostant son égo s'il en faut, l'envie, mais surtout la force de se relever et de marcher la tête haute.

Aujourd'hui, devant la montée de la xénophobie et du racisme ordinaires en occident, les Africains se recroquevillent de plus en plus dans une posture identitaire qui, n'en déplaise à certains, leur sera bénéfique. Car, si l'Afrique ne veut plus continuer à être la brebis galeuse de ce monde, elle doit par delà tout s'affirmer en tant que partie intégrante des civilisations ayant apporté par le passé à l'humanité, mais, surtout, des civilisations ayant encore beaucoup à donner au monde moderne. Pour cela, elle doit renouer avec elle-même. Et, même si pour beaucoup, notrre passé n’est pas simple, notre présent imparfait, il incombe à la jeunesse Africaine, de se réapproprier malgré tout cette histoire, pour rendre notre futur moins conditionnel qu’il ne l’est aujourd’hui et préparer l'avenir, avec la même fougue que nos héros, morts aujourd'hui, et qui ont pendant longtemps, envers et contre tout, cru en ce continent.







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