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Chronique : La transmission, d'Eugène Ebode
(15/01/2006)
En publiant à 40 ans son deuxième roman, La Transmission, Eugène Ebodé trouve une place de choix dans le cercle des auteurs reconnus de la littérature africaine contemporaine.
Par Françoise Moudouthé
La Transmission, d'Eugène Ebode
La Transmission, d'Eugène Ebode
En publiant à 40 ans son deuxième roman, La Transmission, Eugène Ebodé trouve une place de choix dans le cercle des auteurs reconnus de la littérature africaine contemporaine. Après Le Briseur du jeu, l’auteur camerounais nous happe dès les premières lignes dans son univers, entre fiction et réalité, au fil des courbes d’une plume exubérante et acérée. Impressions.

L’histoire que raconte La Transmission, c’est celle du jeune Eugène, le narrateur, héritier malgré lui d’une mission déroutante mais capitale : son père mourant le charge de régler la dot de sa femme, coutume qu’il avait dénigrée par goût pour la modernité. Le roman s’ouvre sur cette « ultime causerie » et retrace le parcours du jeune homme qui tente d’honorer la mémoire de son père en organisant la cérémonie de la dot.

Voyage, voyages

Ainsi commence un roman initiatique. Compagnon de voyage du jeune narrateur, le lecteur arpente le Cameroun à la recherche des amis du défunt – Kamga le Bamiléké, Bakio le Bafia, Ichar le Boulou et Syracuse le « faux Blanc », Gersois devenu Camerounais au fil des ans – avant de se réfugier à Marseille.


Et, grâce à des descriptions qui se lisent comme des histoires, Eugène Ebodé met en place un décor étonnamment fidèle à l’original. Du coup La Transmission apparaît comme une ode au Cameroun en général et à Douala en particulier, que l’auteur nous invite à (re)découvrir. Douala et ses innombrables conducteurs de pousse-pousse, sa population plus que métissée et ses quartiers dont la liste ressemble à un recensement de catégories socio-professionnelles. Un chapitre entier est même consacré aux omniprésentes « mamies makala » (vendeuses de beignets) ! Et la Douala d’hier, car le voyage est aussi historique, et nous ramène aux temps de la lutte pour l’indépendance par de savoureuses anecdotes.
Mais la véritable initiation que relate le roman, c’est le voyage d’un fils sur les pas de son père. Un père héros, maquisard qui a plus d’une fois risqué sa vie dans la lutte pour l’indépendance. Un père salaud, passionné par le vin et les femmes, et dont les secrets les plus honteux remontent à la surface. Un père comme les autres, en somme, dont le jeune Eugène ne sait que penser.

Une véritable transmission

La Transmission n’en est pas pour autant un roman autobiographique, même si les deux Eugène ont une passion commune pour le football. Il s’agit plutôt une autofiction savamment écrite. C’est ce détachement subtil entre auteur et narrateur, mais aussi entre fiction et réalité qui ajoute à la profondeur du roman. Par exemple, le père n’est jamais appelé « Papa ». Et on ne parle pas du Cameroun mais du « Pays de Crevettes » (en référence aux colons portugais qui, en découvrant le littoral camerounais, l’ont appelé « rio dos camaroes », littéralement « côte des crevettes »).

Une telle distance permet à l’auteur de faire part d’une certaine conception de la vie. Des maximes telles que « Je te recommande de ne jamais désirer que ce qui te rend libre » ou « Lorsque la sève du désir monte, ne la refoule pas trop ! Tu risquerais plus tard de nourrir d’inutiles regrets » émaillent le texte. Surtout, Eugène Ebodé fait de son roman le lieu d’une réflexion générale sur l’état de l’Afrique contemporaine, sur les rapports des Africains et de leurs Etats face à un passé colonial plus violent qu’on ne le croit : « un demi million de morts, c’est pas rien ! ». Grâce à La Transmission, l’auteur tente de partager sa « rage de secouer le monde », exhorte chacun à « apposer sa griffe sur la chair de l’avenir », mais sans oublier qu’ « on peut conserver un patrimoine sans forcément vénérer ceux qui l’on bâti ».

Une écriture percutante.

Et cette rage hante tout le roman, car elle se traduit par l’exubérance de l’écriture. On perçoit une réelle jubilation dans le style vif, dans la cadence des phrases et surtout dans la truculence des mots, qui choque d’abord mais amuse très vite. L’oralité est si forte qu’on a plus l’impression d’écouter un conte que de lire un roman. Et ce qui fascine, c’est surtout l’harmonie avec laquelle Ebodé mêle son amour pour la langue française et son attachement à sa langue maternelle, l’ewondo. Deux langues qui, comme le monde traditionnel et le monde moderne, s’affrontent mais finissent par s’accepter.

Ce que raconte La Transmission avec une certaine brutalité, ce n’est pas seulement une histoire. En définitive, c’est l’Histoire de l’Afrique qu’Eugène Ebodé revisite, en relevant les réussites et les ratés du passé, et surtout en l’invitant à prendre son avenir en main.




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